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Place aux experts

Pourquoi cela va-t-il si mal en Belgique ?
C’est le Soir qui nous livre la clé de l’énigme : nos avons trop de cerveaux !
Non seulement nos diplômés ne courent pas leur chance à l’étranger, mais l’Europe implantée à Bruxelles attire les diplômés des pays associés.
Les rivalités mettent les cerveaux à ébullition. La guerre entre les pistonnés, les fils de et les compétents est ouverte. Le drame est là, ça grouille, de la cervelle va finir à la poubelle…
Voyez la Hollande, la fuite des intelligences fait que l’on remarque les lettrés qui restent.
Dans une société qui ne compte plus ses masters, le plombier-zingueur devient rare. On va finir par faire tourner les usines rien qu’avec les gens de bureaux, les robots feront le reste. Le problème, c’est qu’on va avoir des avocats partout, même à la plonge des restaurants. Cela n’aurait aucune incidence sur le déroulement des affaires du pays, si notre haut niveau général s’était installé dans toutes les branches de la science. Hélas ! beaucoup – et des plus importantes dans les sciences humaines – ne nourrissent pas leurs hommes.
Par contre, le marketing, la banque, la médecine spécialisée, l’administration, la jurisprudence, l’économie, les sciences dites exactes, celles qui n’ont nul besoin de métaphysique, de transcendance, de morale, de littérature et de poésie, c’est le bon business.
Si bien qu’il y a pléthore de Janus, brillants d’un côté, hébétés de l’autre.
Tandis qu’on s’ébaubit du côté brillant, l’autre face reste dans l’ombre. Qu’importe ! même tronqués, nos Janus passent pour incomparables !
Parmi eux, place aux experts ! Dans une société de plus en plus technique, les experts acquièrent un pouvoir démesuré.
C’est une première en Europe que des partis politiques s’en remettent à des experts siégeant dans des banques afin de trancher leur litige ! Et cette chose énorme se faisant, personne pour la dénoncer, mieux, on applaudit ! La presse est en extase ! Pensez, une intelligence aussi vive que celle de Vande Lanotte qui réclame l’arbitrage d’experts extérieurs à la fonction publique, tout ça afin de clouer le bec de De Wever !...
La voilà bien cette société d’experts qui, sans être justifiée par une sanction populaire, démêlera le juste de l’injuste en lieu et place des partis. C’est proprement ahurissant.
Cette sublimation de l’expertise fait une publicité énorme aux spécialistes.
Leur nombre va croissant. Et c’est déjà un problème. Demain, que fera-t-on de cette cohue ?

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En effet, nos masters bientôt en surnombre, avec l’éducation qu’ils ont reçue et leur foi inébranlable dans le système capitaliste, ne chercheront pas les moyens de sortir de la mouise de façon collective, mais de manière individuelle.
Au bout de quelques temps de vains efforts, ils baisseront les bras, deviendront hippies ou se contenteront d’un poste de gardien de nuit.
Ils ne sont pas programmés pour observer le monde comme il va, mais pour s’autoflageller s’ils n’ont pas de travail.
Quant aux autres qui se seront établis experts dans la société qui consomment, ils penseront que ce monde imparfait est le meilleur possible.
Le peu de critique qu’ils auront conservée de leurs temps d’école sera essentiellement dirigée vers ceux qu’ils exploitent et qu’ils dirigent.
C’est ainsi que nous avons des intellectuels qui n’ont jamais tant parlé des droits de l’homme et du citoyen dans des pays lointains ; alors, que chez eux, behavioristes, ils exploitent des hommes comme leurs machines.
Il suffit d’interpréter une courbe des connaissances de ce qui faisait un intellectuel des XVIIIme et du XIXme siècles pour comprendre ce qui a basculé au XXme s. Toute la partie réflexive et persuasive de la critique sur les bases gréco-latines a été perdue au bénéfice des nouveaux acquis d’une science de plus en plus technique et complexe.
Bien sûr, il n’est nullement question de refuser la connaissance de ce qui était hier inconnu et encore moins de renoncer à fouiller dans ce qu’on sait pour en savoir davantage partout où c’est possible, mais en déséquilibrant les savoirs au profit de la nouveauté, on s’est privé d’un regard sur le futur fort des expériences du passé. On s’est gargarisé de nouveaux mots, comme s’il était honteux d’user encore ceux forgés dans les années d’effervescence du siècle des Lumières et de celui de la révolution industrielle d’abord et populaire ensuite.
Si bien que l’on a aujourd’hui, des diplômés d’une qualité humaine bien inférieure à ce qu’elle était avant.
Rions des traités de médecine de 1880 à juste titre, parce qu’à la lumière de nos connaissances actuelles, ils sont d’un ridicule achevé, comme ceux qui parlent des mœurs et de la justice, mais ne rions pas des hommes qui les ont étudiés et qui sont devenus des intellectuels d’un autre siècle. Il y avait plus d’humanité dans un instituteur ou dans un médecin de campagne en 1880 que dans dix classes de l’ULg en 2010, professeurs compris.

Commentaires

" Il y avait plus d’humanité dans un instituteur ou dans un médecin de campagne en 1880 que dans dix classes de l’ULg en 2010, professeurs compris."

Au risque de me répéter...Mais qui êtes vous donc, je suis scotché par vos articles et cette très grande humanité qui transpire à travers la plupart de vos articles, je vous avoue que ce serait pour moi un immense plaisir de vous connaître.

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