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L’ami du Petit Prince.

-Dessine-moi un mouton ?
-C’est toi, Laurent, Petit Prince. Tu sais, on a beaucoup parlé pendant ton absence de ton indépendance. Tu veux donc, malheureux, faire mourir le roi ?
-Je courais les déserts, sur mes semelles de vent. Les arbres abattus sont amenés des forêts pour couvrir les terrasses. Vois, ils sont partis des sables… Je les cherche partout.
-Tu les cherches avec l’argent de la dotation.
-On n’est jamais content là où on est. Toi en Belgique, tu ne connaîtras pas l’Afrique, comme je la connais.
-Tu es responsable de ce que tu as apprivoisé.
-Grâce à moi des arbres ne seront pas abattus. J’ai toujours aimé le désert. On s’assoit sur une dune de sable. On ne voit rien. On n’entend rien. Et cependant quelque chose rayonne en silence… Sans arbre, le rossignol ne chante plus, seul le Kadhafi hulule. Il lui reste l’espace…
-Comme à Ostende ?
-Les enfants seuls savent ce qu’ils cherchent.
-Oui, des ennuis avec les Flamands !
-Toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants, mais peu d’entre elles s’en souviennent. J’avais huit ans quand j’ai épousé la princesse Claire.
-Tu veux dire « il y a huit ans » ?
-Quand on veut faire de l’esprit, il arrive qu’on mente un peu.
- Petit Prince, tu veux dire aussi que tes études ne furent pas brillantes ?
- On ne connaît que les choses qu’on apprivoise.
-Et toi, qu’as-tu apprivoisé ?
-On risque de pleurer un peu si l’on s’est laissé apprivoiser... Je pleure souvent en pensant à la Belgique qui me vit malheureux écolier !
-Pourquoi pleures-tu souvent ?
-Ma dotation est si mince ! La princesse et les enfants me coûtent. Les Flamands ne m’aiment pas. Mais, les enfants doivent être indulgents envers les grandes personnes. Je les aime beaucoup.
-Le langage est source de malentendus.
-Surtout venant de ceux qui ne m’aiment pas. Je regarde la mer, son murmure n’est pas flamand. Droit devant soi, on ne peut pas aller bien loin.
-Tu ne voyages jamais en tramway sur la côte ?
-Ce qui embellit le désert c’est qu’il cache un puits quelque part… La mer est mon puits. Les méchants y tombent parfois… Les rails luisent comme des lames qui se brisent sur le wharf.
-Tu voles à leur secours ?
-Non, puisque c’est moi qui les y pousse !
-Avec ta grosse voiture, sur la voie ?

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-Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Je les aide en aimant la vitesse et les tôles froissées.
-Toi non plus, tu n’as pas d’amis ?
-Il est bien plus difficile de se juger soi-même que de juger autrui. Pourtant, j’ai un ami !
-Il faut exiger de chacun ce que chacun peut donner. Et qu’attends-tu de lui ?
-J’ai le droit d’exiger l’obéissance, parce que mes ordres sont raisonnables. De mon ami je n’exige rien pourtant. Et je l’aime plus que la princesse Claire.
-Tu pleures ?
-C’est tellement mystérieux, le pays des larmes. Je pleure souvent, lorsque je pense à cet ami.
-Tu en parles si bien. Il est véritablement utile puisque c'est joli.
-Quand le mystère est trop impressionnant, on n’ose pas désobéir.
-Alors, petit Prince, dis-moi donc le nom joli de ton ami.
-C’est un grand prince à qui le monde fait des misères. C’est un cadet méprisé. Sans l’amour des hommes, il a choisi les bêtes et les déserts.
-Allons, petit Prince, fais un effort. Est-ce que je brûle ? Dis le nom de ton ami ?
-C’est moi !

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