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En avoir une couche…

Des études démontrent un effet pervers significatif des crises économiques sur le psychisme.
Les gazetiers rapportent au moins une fois la semaine, le geste d’un déprimé qui fiche sa vie en l’air et parfois, celles des autres.
L’avalanche de mauvaises nouvelles, les usines automobiles qui ferment en France, le bassin liégeois menacé par la cupidité d’un homme, bien sûr qu’on va revenir des JO de Londres avec la gueule de bois et la trouille au ventre.
Les psys constatent l’effet multiplicateur de l'instabilité économique, sur l'équilibre psychologique des personnes fragilisées par leur situation financière.
Le commerce des antidépresseurs est florissant. L'explosion des affections psychosomatiques remplit les cliniques et remet à flot les spécialistes. La forte demande multiplie les occasions de dépassements des honoraires.
Le bon docteur qui se dévoue et qui refuse l’argent du pauvre, ce n’est plus qu’au cinéma.
Des logorrhées saisissent parfois des passants, apparemment normaux. L’autre jour, je reçois un coup de fil d’une personne apparemment normale, j’entendais nettement une voix off qui répétait la même chose, mais avec le phrasé « entre les dents » d’un ventriloque. Mon interlocuteur était saisi de logorrhées au téléphone !
Les gestes incohérents dénoncent une tension nerveuse extrême. Ils sont autant de signes aussi évidents que celui qui joue du couteau pour une cigarette qu’on lui refuse ou un loustic qui frappe quelqu’un qui a le malheur de le regarder : il y a une nette aggravation de la mauvaise santé mentale en Belgique. Les passants psychogènes courent les rues.
Aux inquiets disposés à la mélancolie, puis à la neurasthénie, s’ajoutent les déracinés qui s’imaginaient trouver un pays de cocagne en Belgique et qui ne disposent même pas d’un vocabulaire de base pour se faire comprendre d’un médecin francophone.
Les personnes traumatisées par le système économique intéressent généralement peu l'opinion publique. Relatés par les gazetiers, quelques suicides sur les lieux de travail éveillent la compassion, sans plus. Etrangement, la compassion ne produit pas une réflexion globale sur l’organisation du travail.
Cependant ces phénomènes ont des conséquences sur les performances économiques. Les maladies psychiques vident les caisses d’assurance, car elles sont souvent de longues durées. Le déprimé a une productivité à la baisse. Les personnes en détresse sont mal venues dans l’entreprise. Elles sont moins susceptibles d'obtenir ou de conserver un emploi.
Il semblerait que la concurrence de la main-d’œuvre étrangère ait réussi, là aussi, à calmer les syndicats.

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Le métier de psychologue est à la mode. On en voit dans les grands drames, les catastrophes industrielles et naturelles, accourir comme jadis les prêtres évangélisateurs. Ceux qui sont attachés aux grandes entreprises ne sont pas là pour soigner sur le tas, mais pour calmer les exaltés et écarter des services, du personnel devenu « dangereux », sans que cette dangerosité soit étudiée, de sorte qu’est souvent réputé « malade mental » un travailleur trop sensible à la notion du juste et de l’injuste.
Les psychologues sortent trop nombreux chaque année, de l'université. Cette surpopulation de diplômés sature le marché du travail et dévalue la profession. Les frais émoulus finissent par accepter de faire un métier qui n’est plus vraiment celui qui aurait dû être le leur, sur la pression de leurs employeurs.
L'enseignement, dans un contexte de crise, prépare mal les jeunes psychologues.
Il est vrai aussi qu’ils ne sont pas là pour dire leur avis sur le système économique, mais pour déceler des anomalies de comportement et conseiller une consultation chez un médecin.
Ils finissent par accuser sous cape la dureté des temps, tout en obéissant aux normes de l’entreprise auxquelles le personnel est astreint.
Difficile pour un psychologue honnête d'exercer dignement son métier, quand bien même la classe politique l’encourage à le faire, quitte à tenir un discours contraire à la FEB ou, encore, lorsqu’un libéral comme un socialiste est invité à la tribune d’un club de réflexion.
Glisser de l’emploi à sa perte, puis à la délinquance est devenu plus fréquent. Les prisons recueillent autant de faibles d’esprit et de déprimés que de délinquants « normaux ». Milquet avec sa politique ultra punitive de la «récidive» ne dissocie pas la pathologie mentale de l’acte criminel réfléchi ; les juges pareils, sous l’impulsion d’Annemie Turtelboom, une Open VLD, Ministre de la Justice, qui se veut efficace dans la ligne libérale, avec aggravation des peines, sans distinction d’état pathologique ou non.
La « rentabilité » par la « productivité » est-elle à l’origine de l’aggravation du genre et du nombre de pathologies ? L’usine rend-elle dingo ? La société dérape-t-elle dans la délinquance à cause de ses ferments capitalistes, le goût de l’argent ? Comment expliquer autrement la montée de la violence et les prisons qui affichent complet ?
Les libéraux estiment que le passage à l’acte homicide est toujours le fait d’un malfaiteur conscient, sans doute est-ce parce que c’est assez gênant pour le pouvoir d’avouer que les prisons sont souvent des hôpitaux psychiatriques déguisés. Il faut reconnaître que l’opinion publique préfère voir Geneviève Lhermitte en prison, plutôt que recevoir des soins dans une clinique.
Si elle avait joué les conducteurs fantômes et tués sur la route une demi-douzaine de gens, peut-être y serait-elle déjà ?
Quand cela vaut une certaine popularité, ça ne coûte rien de faire plaisir à l’opinion publique.
La bizarrerie n’est pas que l’attribut des fous.

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