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Dixit Michel Daerden.

Lundi, ça va être quelque chose !
Le crématorium de Robermont complètement mobilisé sous le slogan « Tout le monde aime Papa ! ». Il y a même un paparazzi qui nous revient de San Valentino, aller et retour en « spécial » Force Aérienne, à nos frais, bien entendu, le temps de verser une larme devant les caméras et de reprendre le chemin de quinze jours d’exil.
Après lundi, on ne dit pas… mais jusque là, rien que des bons souvenirs. On va évoquer la carrière du grand homme. Le fils sera là pour rectifier quelques anecdotes, et les filles pour témoigner, à la place de leurs mères, le côté Vert-galant.
Nos élites avocatières et politiques espèrent recueillir la notoriété du personnage en se montrant autour de la bière. Il n’y a pas de petits profits.
Le petit peuple qui ne voit rien du canevas de la pièce, ne regardera que le décor.
La belle villa ansoise sera surfilmée une dernière fois pour le départ. Devant la double haie de curieux émus, nos élites d’habitude discourantes passeront l’air grave, trop peut-être, dans la difficulté qu’ils ont de jouer juste.
On a tout prévu au crématorium de Robermont, ce lundi, il n’y aura que papa qui flambe, comme au casino, toutes les salles sont réquisitionnées. Les candidats à la crémation n’auront qu’à repasser mardi. L’embouteillage est prévu dans le programme. Pas de temps mort fin de semaine – si je puis dire. On craint un bouchon sur la route des corbillards…
Papa prioritaire, comme toujours, c’est une question qui ne se pose même pas. La prestance résiduelle et post-mortem, sans coupe file, c’est le signe de la grande notoriété.
Qu’est-ce qui différencient les grands enterrements des petits ?
Qu’est-ce qui fait qu’on passe inaperçu ou qu’on est précédé des sonneries aux morts ?
C’est Mozart dans la fosse publique, Molière qui disparaît dans la périphérie d’un cimetière chrétien, pour s’y dissoudre dans les restes des chiens et des chats ; mais, c’est Hugo à qui on fait des funérailles nationales.
Ce n’est donc pas à la mesure de son œuvre, de son génie et de la reconnaissance que l’on doit à Pasteur ou à Marie Curie, que l’on fait dans le grandiose dans cet enterrement-ci, mais à la manière « très près des gens » qu’a eue Michel Daerden de faire carrière à Ans.
N’est pas populaire qui veut. Il y faut encore le goût des autres. Interpeller familièrement quelqu’un qu’on ne connaît pas sans le vexer, est un art dans lequel Papa excellait.
Se mettre à niveau, boire jusqu’à déconner dans un troquet avec des ouvriers, mais garder un œil sur sa cote électorale, en est un autre.

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Nos avocats-ministres sont bien trop guindés et dépourvus d’affinités avec le commun pour songer une seconde à rivaliser dans ce qu’ils appellent avec dédain, plaire au populaire !
Ils sont nés pour diriger la plèbe et ils le font d’autant plus facilement qu’ils ne se sentent pas concernés par les décisions autoritaires qu’ils prennent.
Ce sont des imbéciles instruits.
Papa, c’est là qu’était son intelligence, n’avait pas cette approche. Au départ, il n’y avait aucun mérite : il n’était pas avocat ! L’y aidait aussi sa pente fatale à la boisson et son goût immodéré du jupon. Ses défauts l’humanisaient, en quelque sorte !
Où il était pareil à ceux qui viendront lundi s’emberlificoter dans des discours funèbres, c’était dans son concept sociétal. Il pouvait, par une gymnastique de l’esprit, être à la fois pour une justice sociale et s’enrichir dans les affaires. Bref, c’était un socialiste de conviction et un capitaliste d’intérêt.
Dans le deuxième volet de sa réussite, celle des affaires, on peut dire que c’était un maître. Comme les sportifs qui vont à l’exploit au plus près de l’échec, il usait de sa connaissance des lois pour s’aménager des petits paradis à la fois fiscaux et patrimoniaux qui vont faire le bonheur de ses trois successeurs, quand la semaine prochaine, ils passeront chez le notaire.
Qu’il ait mordu, par moment, sur la ligne, près de la disqualification, tous les socialistes en sont là ; il s’en est toujours tiré, on ne peut pas dire tout à son honneur, mettons plutôt grâce à la chance et à ses relations.
Bien entendu, le portrait officiel qui restera ne sera pas le même que celui que j’essaie de traduire en mots. Pour les gens, ce sera surtout « le gars qui n’était pas fier » et surtout « qui rendait service ». Pour les chefs du PS, ce sera celui d’un OVNI qui transgressait les règles et qui, sans sa mort prématurée, aurait pu mal finir.
Pour moi, c’était un type qui a réussi à s’en mettre plein les poches, tout en passant pour un « vrai » socialiste ; mais dont le mérite aura été de vivre en fantaisiste, brûlant la chandelle par les deux bouts, ardent aux plaisirs, cachant peut-être un nombrilisme comme il y en a peu, en n’ignorant pas que, ce défaut, très répandu chez les politiques, est celui qui se pardonne le moins, quand il est trop exposé.
Rappelez-vous Sarkozy, battu cinq ans plus tard à la présidentielle pour sa réception au Fouquet’s et ses vacances avec Cécilia sur le yacht de son ami Bolloré.
Seuls les grands égoïstes le savent et le cachent. Les autres n’y réussissent pas. Papa faisait oublier ses millions et la façon dont il les gagnait, en mangeant des frites sur le trottoir du Standard, tout en interpellant les gens. Un style, une époque… déjà le passé !

Commentaires

Une fois de plus, je partage votre opinion sur le personnage et bien sûr, sur les "avocats" qui vont avoir du pain sur la planche pour comme ils le pourront rattraper les "voix" qui vont filer dans toutes les directions, sauf à gauche..

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