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Di Roublardo and C° system.

Nous n’avons pas que des enfoirés qui mendient leur croûte parmi les gens en place dans l’intelligentsia wallonne. Il y a même plus de gens que l’on ne pense qui se débrouillent à la fois pour exister et pour rester honnêtes avec eux-mêmes.
C’est le cas de Geoffrey Geuens, Maître de conférences à l’université de Liège. Auteur de « L’information sous contrôle. Médias et pouvoir économique en Belgique, 2002 » et « La Finance imaginaire. Anatomie du capitalisme : des « marchés financiers » à l’oligarchie, Aden, Bruxelles, 2011 ».
C’est difficile de le cataloguer dans un des paramètres classiques de la politique belge. En-dehors des partis dans lesquels on peut aller à la soupe, être de gauche ou de droite n’a pas beaucoup de sens, sauf de ressusciter des « vrais « partis, bien tranchés comme il en existait, il y a plus de cinquante ans, puisque, aujourd’hui, tous les partis politiques au pouvoir font – obligatoirement – la même politique, comme jadis le baron médiéval était l’homme lige de son suzerain qui concédait un fief à son vassal.
Dans son mémoire pour le diplôme, Geuens croit déceler l’émergence d’une pensée unique plutôt libérale dans le conflit social des Forges de Clabecq. Et dans la foulée, il publie un premier ouvrage fournissant des clés d’explication d’un certain unanimisme médiatique.
Je partage tout à fait avec l’intéressé, l’idée que des liens étroits, structurels et sociologiques, entre l’univers des médias et celui du monde industriel, favorisent le développement d’une pensée médiatique plutôt conforme aux intérêts des grands groupes économiques.
Reste à définir, quand nous voyons tous nos illustres aboyer en chœur, si c’est en hommage à la lune ou à quelque empereur caché, incarnation des marchés ? A rester dans l’admiration « de la liberté d’entreprendre et à démanteler tout ce qui fonctionne sous la responsabilité de l’Etat » autant mettre des noms sur des visages. Les aboiements laudatifs laissent dans la pénombre les bénéficiaires de la crise et même feignent d’ignorer que des mesures d’austérité en cours font le bonheur des banques et des entreprises.
En 2005 déjà Jean Peyrelevade l’avait remarqué : « Le capitaliste n’est plus directement saisissable. Rompre avec le capitalisme, c’est rompre avec qui ? Mettre fin à la dictature du marché, fluide, mondial et anonyme, c’est s’attaquer à quelles institutions ? » La conclusion est radicale : « Marx est impuissant faute d’ennemi identifié. »

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Je cite in extenso Geoffrey Geuens : « Qu’un représentant de la haute finance — président de Banca Leonardo France (familles Albert Frère, Agnelli et David-Weill) et administrateur du groupe Bouygues — nie l’existence d’une oligarchie, cela doit-il vraiment étonner ? Plus étrange est le fait que les médias dominants relaient cette image désincarnée et dépolitisée des puissances d’argent. La couverture journalistique de la nomination de M. Mario Monti au poste de président du conseil italien pourrait bien, à cet égard, constituer le parfait exemple d’un discours-écran évoquant « technocrates » et « experts » là où se constitue un gouvernement de banquiers. On put même lire sur le site Web de certains quotidiens que des « personnalités de la société civile » venaient de prendre les commandes. »
Il est non moins vrai que des échanges importants vont de la société civile à l’organisation politique de cette société. Ils s’intègrent parfaitement dans les cabinets ministériels et même passent de l’organisation technique des banques aux ministères et à l’organisation politique de ceux-ci. Dès lors, l’inverse est valable également. Les cas Dehaene et Wathelet père, ainsi que celui de Philippe Maystadt sont à épingler.
Beaucoup d’exemples de ce qui précèdent sont trouvés dans le gouvernement Di Rupo.
Pourquoi n’avons-nous plus que des cadres supérieurs et des professions ciblées dans les instances dirigeantes ? Mais, parce qu’ils sont intéressés au premier chef à la pérennité d’une société qui les privilégie, et non pas parce qu’ils sont plus compétents que n’importe quel citoyen éligible.
La crise est là pour démontrer leur peu de clairvoyance, leur manque de vision d’avenir et finalement leur incompétence aggravée du manque d’imagination (et pour cause).
Avec l’appui des médias (d’où la chute des lecteurs), le coup de main des aînés, le prestige établi par eux-mêmes des écoles d’où ils sortent, ils luttent avec d’autres moyens et d’autres armes que le citoyen ordinaire.
Ils ont même réussi à ceinturer leur position des remparts confortables d’un capitalisme informels, jamais cité et tout au plus dénommé « pression des marchés ». Ainsi, tour à tour ministre et administrateur de société, le personnage créé par l’ensemble des forces de pouvoir continuera d’asservir le citoyen dans une démocratie dans laquelle, ce dernier ne peut pas se reconnaître.

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