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T’as lu la nouvelle ?

Seuls les bibliophiles, les historiens et en général les littéraires rappellent ce qu’était la presse dans un temps pas si éloigné de nous, quand elle était sans concurrence d’autres diffuseurs de nouvelles. Alors, une poignée d’intellectuels se joignaient pour créer un journal d’opinion. Certes, après quelques parutions, la plupart buvaient la tasse, d’autres résistaient un an, deux ans avant de disparaître. Cette époque fourmillait d’idées, les critiques fusaient de partout, l’électeur avait l’impression d’exister. Il y avait surtout quelque part une parution qui reflétait quasiment au mot à mot ce que le lecteur pensait. Il existait une traduction directe, une sensibilité naturelle qui unissait dans les courants divers, à peu près tous les citoyens. L’élite avait sa presse et ses informations, le peuple aussi, à chacun sa vérité. L’antagonisme qui existait entre les classes était plus fécond que néfaste. Le public avait l’impression de participer autrement que par l’impôt à l’organisation de l’État futur.
Pourtant l’époque était très dure, la solidarité sociale naissante portait beaucoup d’espoir en elle. La censure était d’État, injuste comme toutes les censures. Aujourd’hui la censure est organisée au niveau des patrons de presse. Elle est plus feutrée. Elle n’interdit vraiment que ceux qui critiquent le système économique dans sa nuisance capitaliste.
Comment se fait-il en 2013, alors qu’on n’a jamais eu autant de facilités « d’aller aux nouvelles », que l’information sombre dans le sensationnel et le futile, voire dans l’inutile, le mensonge et la bêtise ? La presse à l’ancienne recélait aussi sa part de mensonges et de travestissements délibérés de l’information, mais la diversité de la critique faisait que chacun y trouvait son compte.
L’ère industrielle dans le domaine du papier à transformer ce bouillonnement d’idées en un commerce plus ou moins rentable. Les grands financiers ont compris le rôle que la presse pouvait jouer dans le modelage d’une société et y ont investi des fonds, parfois considérables.
La diversification des moyens s’intensifie, du passage de la radio à la télévision et de la télévision à Internet, les trois se joignant à la presse écrite. Il n’a jamais été aussi facile de diffuser l’événement et son analyse. Et pourtant celui-ci est rarement suspecté, critiqué et pris à contresens. Il semble que les patrons des médias aient fait le ménage et rendu l’information uniforme et aseptisée en anéantissant la critique et la contradiction, si l’on excepte une presse d’opposition minuscule et fort peu diffusée et Internet qui explose, mais dont ignore encore ce qu’il va en advenir.
Il est impossible de lancer une publication sans qu’elle ne soit tributaire d’un groupe de presses, plus rarement d’un sponsor privé. Les journalistes et écrivains, parfois d’un certain talent, sont devenus des laquais au service du groupe financier qui les emploie. Il n’a jamais été aussi ardu voire impossible d’entendre ceux qui auraient quelque chose à dire de neuf, lorsqu’ils ne sont pas de connivence..
Comme ce monde en vase clos est seul à diffuser et commenter la nouvelle, il passe pour être de qualité, à égalité avec les ministres qu’il tutoie en dehors des studios ou des salles de presse.

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Il n’y a rien de déshonorant à chercher le moyen de gagner sa vie en pratiquant du journalisme maison, comme les gens du même nom, à condition d’en convenir et de n’en pas être dupe. Quant aux plumes satisfaites, qui adhèrent pleinement au bourgeoisisme généralisé en Belgique, comment assistent-elles sans réagir à la dérive futile et dérisoire du monde qui les emploie ?
Nous atteignons une phase ultime de la presse décadente et industrielle : celle de l’indignation suggérée et pilotée par les médias.

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