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La mauvaise politique de l’Europe.

Une actualité européenne capitale est passée complètement inaperçue tant en Belgique qu’en France. Et pour cause, le monde entier se désintéresse de l’Europe et plus fort encore : l’Europe aussi se désintéresse d’elle-même.
Parfait valet des Américains, l’Europe s’est parfaitement alignée sur l’accord qui existait déjà entre les USA et l’Iran après six mois de négociation secrète sur le nucléaire iranien à Washington. Catherine Ashton a annoncé l’accord comme si c’était elle qui en aurait eu l’initiative et le mérite. Il ne restait plus à Netanyahou qu’à faire la grimace pour Israël et le tour était joué.
Chez nous, nouvel enfumage des populations sur une politique intérieure aussi peu intéressante que celle de l’Europe.
Les socialistes n’en finissent plus de stagner ou d’accuser une légère perte dans les sondages, tous le monde à les yeux braqués sur la N-VA. Les partis flamands abandonnent le confédéralisme laissant Bart De Wever s’expliquer avec la Vlaams Belang dans le jusqu’auboutisme du « België barst ». Bref, c’est d’un inintérêt à pleurer.
En France, après le succès footballistique, entendez le repêchage d’une mauvaise équipe qui vient d’en battre une plus mauvaise encore, et l’autre succès d’une arrestation non pas due aux experts, à l’ADN et à la finesse de la politique scientifique, mais à la délation, vieille comme le monde, d’un hébergeur occasionnel du type au fusil à pompe. Ah ! diront les Anciens, la police des garnis avait du bon. Bref, nos gazetiers ont fait le plein d’émotions et la semaine est full.
C’était tout naturel de passer à côté de l’essentiel pour les besogneux de l’écriture quasiment phonétique, qu’on trouve dans les gazettes.
L’essentiel tient en quelques lignes « Vladimir Poutine vient d’engranger un nouveau succès diplomatique aux dépens de l’Union européenne: l’Ukraine a rompu les négociations avec Bruxelles pour la signature d’un accord d’association. C’est la première fois depuis l’éclatement de l’URSS en 1991 que le Kremlin parvient à empêcher une ancienne république soviétique de se rapprocher de l’Europe occidentale pour la maintenir dans le giron moscovite. »

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Cela signifie plusieurs choses : tant que la première puissance industrielle au monde (l’Europe) ne se dotera pas des moyens de se faire respecter des autres grandes puissances, ce ne sera jamais qu’un tigre de papier ; enfin, le choix de l’Ukraine n’est pas anodin. L’Europe n’exerce plus de fascination aux anciens pays asservis par l’ex dictature de Moscou, trop de déboires économiques, trop de complaisance vis-à-vis d’une mondialisation de l’économie et enfin trop de zèle à épurer les dettes sans ménagement pour les populations, font réfléchir désormais les candidats.
Pour rappel, 2004 fut l’apogée de l’Europe souveraine avec l’adhésion des trois républiques baltes. Moscou avait menacé et tempêté en vain.
C’est en novembre de cette année que devait être signé à Vilnius l’accord d’association et de partenariat entre l’UE et cinq anciennes républiques soviétiques : l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Géorgie, la Moldavie, l’Ukraine. L’Arménie, pourtant si « française » depuis Aznavour a quitté la table des négociations voilà plusieurs mois, soit disant pour réfléchir. Comme l’Ukraine sous la pression « amicale » de Vladimir, elle rejoint la zone de libre-échange constituée par la Biélorussie et le Kazakhstan, avec la maison-mère du Kremlin.
Les Russes n’ont jamais vraiment accepté l’indépendance de l’Ukraine. Ils considèrent ce pays comme le berceau de leur nation, un peu à la manière des Serbes pour le Kosovo.
Et c’est là que l’on perçoit le mieux la grave crise de confiance de l’Europe en son avenir. Elle n’est plus l’attractif aimant pour une union fraternelle. Ses directives, son absence de sensibilité sociale, son parlement poursuivant sa dérive droitière, tout enfin prépare le drame qui est encore à venir d’une Europe coupée de ses citoyens, une Europe bureaucratique, sourde et aveugle sur les conséquences du désamour des peuples qui la composent, une Europe faite seulement de quelques enthousiastes du genre Flahaut à 700.000 euros l’année.
Non pas que Leonid Kravtchouk ou Leonid Koutchma qui ont dirigé l’Ukraine, jusqu’au tout dernier Viktor Ianoukovytch, dans le plus pur style postsoviétique, favorisant les oligarques et manipulant les élections, seraient adversaires de cette Europe-là, mais, parce qu’ils redoutent la réaction des Ukrainiens devant une Union qui les rendraient responsables des errements de leur administration, à la suite de nouvelles restrictions et de nouvelles misères, pour se mettre au diapason d’un budget d’austérité et, d’autre part, pour compenser la perte du gaz « bon marché » que leur concède Poutine.
Il est dommageable pour notre compréhension qu’une zone contigüe à l’Union Européenne soit aussi négligée, presqu’en-dehors de notre attention, au profit d’autres zones dans lesquelles nous sommes les dindons de la farce américaine… au seul bénéfice des Américains et des Chinois, quasiment d’accord sur le pétrole iranien !
La politique d’équilibre entre l’Europe et la Russie est à trouver dans nos pays. Les prurits réguliers des américanolâtres libéraux nous en empêchent avec la complicité d’une presse croupion, voilà qui est malheureux aujourd’hui et sera désastreux demain.
Évidemment, si Wall Street et la City sont satisfaits du rôle de paillasson de l’Europe dans la politique voulue par l’Amérique et que nos libéraux sont aux anges, il n’y a plus qu’à demander une étoile sur le drapeau américain pour faire partie de ce grand et beaux pays que nous adorons « tous ».

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