« Caroline Fourest | Accueil | Voie sans issue. »

Le pognon qui rend fou !

La loi implacable du droit intangible à la succession a encore joué après l’attentat de janvier, en propulsant à la tête de Charlie Hebdo, les parents de Charb, l’ancien directeur de la publication, tué le 7 janvier dans l’attentat contre l’hebdomadaire.
Apparemment, les trente millions d’euros récoltés à la suite du grand mouvement de solidarité qui avaient permis de renflouer les caisses du journal ont attisé la convoitise des nouveaux actionnaires.
Comme dans une scène de western les rapaces volent au-dessus des cadavres.
On avait bien vu que le pactole une fois reniflé, les nouveaux propriétaires allaient couver leur tas d’or, au mépris de ce qu’était l’esprit du journal avant que les assassins n’éliment à la fois les hommes et l’esprit.
La compagne de Charb, Jeannette Bougrab, ancienne secrétaire d'Etat, en a su quelque chose. Ils ont eu tout simplement peur que ce pactole soit en partie revendiqué par celle qui partagea la vie du disparu, d’où la rupture au fluide glacial en lui contestant cette proximité de cœur.
La voilà bien cette société du pognon dans laquelle nous avançons comme dans un merveilleux conte de fée, cons que nous sommes, comme il n’est pas permis !
Charlie Hebdo est détenu actuellement à 40% par les parents de son ex-directeur de la rédaction Charb, par le dessinateur Riss, nouveau directeur de la publication, blessé à l'épaule lors de l'attaque, et par le directeur financier Eric Portheault.
L’action qui ne valait rien, depuis que le tiroir-caisse s’est rempli et que le tirage de l’hebdomadaire a bondi devant cette publicité mondiale dont les morts se seraient bien passés, vaut son pesant de cacahuètes.
Et comme il vaut mieux avoir du pognon que des idées dans notre belle société tant vantée, l’actuelle direction qui n’en avait rien à foutre du combat de Charb et des autres s’est muée en un beau petit requin capitaliste.
C’est injuste, tout ce que l’on voudra, mais le fric n’en a rien à foutre de la morale, ni des vies humaines, ni de rien d’autres. Il ne veut qu’un bon coffiot, une banque suisse et des dîners en ville pour ceux qui ont le code et les clés.
Du coup, les survivants au 7 janvier, soit quinze salariés, sur la vingtaine que compte le journal, ont réclamé en avril une nouvelle gouvernance et un statut d'"actionnaires salariés à part égale", disant "refuser qu'une poignée d'individus prenne le contrôle" de l'hebdomadaire.
Voilà qui paraît juste.

1dehors.jpg

Vous avez déjà vu, quelque part, que la loi donnait tort à celui qui détient légalement la clé du coffre ? La loi n’est pas faite pour définir les notions du bien et du mal. Dans les litiges, c’est celui qui a le plus de fric et les moyens d’entrer dans des procédures interminables qui gagne.
Les quinze se font des illusions. C’est curieux d’avoir travaillé dans un hebdomadaire qui n’en avait plus aucune (illusion), et jouer à la société fleur bleue !
Du reste, les propriétaires ont répliqué en frappant fort par une lettre d’entretien préalable à un licenciement, à Mme Rhazoui, scénariste de l'album "La Vie de Mahomet", dessiné par Charb. Madame Zineb El Rhazoui vit depuis sous protection renforcée, à Paris. "Mon mari a perdu son emploi car des jihadistes ont dévoilé son lieu de travail, il a dû quitter le Maroc, je suis menacée, je vis dans des chambres d’amis ou à l'hôtel et la direction envisage de me licencier...Bravo Charlie", a-t-elle commenté.
La "pas tout à fait" licenciée a expliqué ne pas avoir pu travailler normalement depuis les attentats de janvier. "On ne peut pas reprocher aux gens d’aller mal et de ne pas se comporter en bons ouvriers, on vit dans des conditions chaotiques. C’est impossible de faire des reportages sous protection policière", explique-t-elle.
En moins dangereux, les syndicalistes connaissent ça dans les entreprises où on leur fait la gueule et les empêche de progresser, à l’affût d’une faute pour ficher la personne à la porte, sans préavis de préférence, les acharnés du libéralisme s’y entendent à merveille.
Le journal serait d’après les contestataires un « bien commun » et selon les nouveaux propriétaires un « bien privé ». Hélas ! le droit est ainsi fait que ces derniers ont malhonnêtement raison.
On voit d’ici les droites nous dire « vous n’allez pas revenir à l’autogestion, quand même ! Vous savez bien que ça ne marche pas ».
Luz, l'un des rescapés du 7 janvier, publiera le 21 mai chez Futuropolis un album intitulé "Catharsis", dans lequel il revient sur les événements tragiques, depuis lesquels le pognon s’est mis à pleuvoir sur des gens complètement étrangers aux événements et au journal.
On attend le 21 avec impatience.

Poster un commentaire