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L’envol de l’Aiglon !

Avec cette levée de boucliers sur le droit de grève, on se croirait revenu plus de cinquante ans en arrière !
Souvenez-vous : la grève générale de l’hiver 1960-1961 contre le programme d'austérité de Gaston Eyskens, dura six semaines et paralysa principalement la Wallonie. En Flandre déjà, bien avant la N-VA, le conflit avait à peine duré quelques jours.
Le rapport de force entre les syndicats et le pouvoir politique tourne à l’avantage de la politique d’austérité, rien que par la maîtrise des techniques de propagande et la soumission des médias au pouvoir de la droite majoritaire en Flandre et minoritaire en Wallonie.
Pourquoi dans une prémonition extraordinaire Louis Michel n’a-t-il pas appelé son fils préféré Gaston ! L’Aiglon reprenait les discours, les formules, les plans du vieil Eyskens, on gagnait du temps.
La seule différence avec le passé tient dans le rapport de forces au sein de la presse. Les journaux de gauche sont morts. Restent les aboyeurs gouvernementaux de la chasse à courre. Ils sont plus à l’aise pour intéresser l’opinion en faveur de Charles Michel.
Le contraste entre la poursuite de la grève au sud du pays et son essoufflement relativement rapide au nord est resté un cas d’école. Sans relais dans le public afin d’être entendu, la lutte de la FGTB sera plus difficile et l’organisation risque de perdre des plumes devant l’attentisme de la CSC, qui entend bien tirer parti des deux morts exhibés de façon indécente par le pouvoir politique.
Une députée N-VA, Zuhal Demir, interpelle Charles Michel sur l’opportunité de repréciser le droit de grève. Des deux personnes décédées pour des causes à déterminer, madame Demir en a fait deux martyrs de la démocratie, version MR/N-VA.
Ce blocage intempestif de l’E42 lui reste sur la patate.

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Les journaux gouvernementaux francophones joignent leurs voix aux grandes chorales flamingantes pour réclamer des têtes. Le Soir, bille en tête, se réjouit que le Code donne dix ans maximum aux bloqueurs de route, sorte de bandits de grand chemin modernes. C’est presque mieux qu’un crime de sang-froid d’un psychopathe et surtout bien plus lourdement sanctionné que n’importe quel délit financier dont la droite politique est coutumière et dont on ne se lasse pas de réclamer des non-lieux ou des peines légères.
Zuhal Demir, belge pur sucre flamingante, en a soupé des syndicats, comme moi j’en ai soupé de Zuhal Demir depuis plus longtemps qu’elle n’en a soupé de la FGTB. La seule différence, c’est que la dame a ses petites entrées dans les journaux et les piliers des rédactions. Les gazettes de Flandre recueillent avec infiniment de plaisir les propos quasiment racistes à l’encontre des malheureux plongés dans la plus tragique condition ouvrière depuis 60-61. Les gazettes francophones s’alignent évidemment sur cette pensée unique et patronale. Richard III est mal barré avec son audience de salle d’attente des FOREM de la Wallonie, pour faire entendre sa petite voix discordante des grandes orgues actuelles. D’autant qu’en plus, porte-parole de Bart De Wever, les vindicatifs messages sont aussi des ultimatums à Charles Michel, jugé trop mou par une droite flamande.
L’idée de rogner ce qui reste des libertés vient à l’esprit des puissants. On est déjà dans une drôle de démocratie avec une caste au pouvoir et qui entend bien y rester avec la prépondérance de l’économie sur tout le reste et des élections qui n’ont plus aucun sens. Je parie que le MR et la N-VA regrettent l’heureux temps de la loi Le Chapelier de 1791 ! On l’appellerait de nos jours Hoedenmaker-Demir.
De Wever est bien trop finaud pour croire un seul instant que Michel va se lancer dans cette réduction du droit de grève à un moment où il veut passer en force. Mais on rassure le bourgeois en même temps que l’Anversois teste son emprise sur Charles-Gaston.
La gesticulation profite au clan gouvernemental. Les lecteurs du Soir se sentent entendus contre toute répétition du blocage du lundi. Les autoroutes seront dorénavant plus « sécurisées ». Moralement, tout cela est bon pour le renforcement de la pensée unique. La Justice par sa lenteur fera office de compte-gouttes homéopathiques de rappel des deux morts imputés aux « méchants » et le calme descendra sur la Place Saint-Paul. Le repaire sera neutralisé. Des nationalistes flamingants aux bourgeois outragés du mouvement réformateur, paroissiens de Laeken et chaisières de Sainte-Gudule, ce joli monde aura eu raison des audacieux de l’E42.
Inutile de toucher au droit de grève, puisque moralement il n’existe plus.

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