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Natixis à Courbevoie.

Pierre Rondeau est un économiste de « Sports Management School » de Courbevoie qui s’est mis en tête de reprendre sur « Slate magazine », chiffres en main, l’étonnante prophétie de Marx sur la fin du capitalisme, non pas depuis les contradictions qu’il aurait relevées du livre « Le Capital », mais de sa collaboration avec Friedrich Engels, dans « Le manifeste du Parti Communiste » de 1848.
Et tout cela à partir d’un article de Natixis, la banque internationale de financement, d'investissement, de gestion d'actifs, d’assurance et de services financiers du Groupe BPCE, deuxième acteur bancaire en France, dont le titre pouvait prêter à confusion et qui n’était qu’un coup de com en faveur de l’économie capitaliste, bien entendu.
À la suite de quoi nous avons droit à des interprétations de graphiques produisant des résultats sur une société tellement différente de celle dans laquelle Marx a vécu, que la valeur ajoutée de Friedrich Engels accable davantage ces philosophes du passé, qu’elle ne les exonère de la sévérité de l’analyse de Rondeau.
Franchement, on devine de la manière dont est ici abordée l’économie, à quel genre de cours d’économie ont affaire les futurs diplômés de cette école de management : entrer au service à la Trump Tower et finir la journée à courir en survêt, autour de la pièce d’eau de Central Park.
Plus personne ne croit aujourd’hui que la fin du capitalisme se réalisera selon la prophétie de Marx. Mais les causes produisant les mêmes effets, nous ne nous inscrivons déjà plus dans le capitalisme d’Adam Smith, issu de la société protestante anglaise. En ce sens, ce ne sont pas les travailleurs qui ont tué ce capitalisme là, mais les puissances d’argent elles-mêmes.
Si bien qu’il s’agit de savoir combien de temps durera le nouveau monstre.
Avant-hier matin, l'annonce d'une augmentation significative des salaires en janvier, pour l’économie américaine, une bonne nouvelle en quelque sorte, a eu un effet dévastateur sur les marchés en ravivant les craintes d'inflation, et donc d'un resserrement monétaire américain à un rythme plus rapide que prévu. Les places financières asiatiques, Tokyo en tête, plongeaient mardi, emboîtant le pas à Wall Street où les investisseurs ont soudainement cédé à l'affolement après plusieurs mois d'euphorie boursière.
Aurait-on pu imaginer un pareil scénario en 1848 ? L’immédiateté de l’information financière d’une place boursière à l’autre pourrait avoir une telle impression psychologique défavorable, que s’il vivait de nos jours, Marx aurait pu ajouter celle-ci aux risques de l’effondrement général du capitalisme.
L’économiste avait prophétisé la fin du système par une baisse tendancielle du profit, la réduction des salaires et le réflexe du capitaliste se sentant menacé dans son profit, donnant dans le panneau de la spéculation immobilière avec la meute des autres.
Marx avait peaufiné ses prévisions de 1848 dans la publication du Capital en 1867.

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L’évolution du marché cent cinquante ans plus tard a, certes, montré l’obsolescence des objections marxistes, mais c’était pour en faire apparaître de nouvelles, toutes aussi significatives.
1. la démographie galopante dans le monde produit un effet permanent d’allongement des files de chômeurs que l’embauche ne compense pas. On saurait même prédire selon les graphiques des naissances, combien de sans travail en plus seront sur le marché demain ;
2. l’exploration complète de la planète avec la disparition des « terra incognita » donnant à l’inventaire des ressources un tableau presque définitif avec un décompte affolant du nombre de jours par an au cours desquels ce que nous consommons des réserves naturelles de la planète ne sera pas renouvelé ;
3. Le progrès des techniques débouchant sur une pollution effrayante dont le résultat est le réchauffement de la planète qui pourrait avoir des effets dévastateurs d’ici la fin du siècle.
Il y aurait peut-être un quatrième point à caractère philosophique et qui tiendrait compte de la nécessité pour se maintenir à flot d’une croissance continue, ce qui est impossible à terme, puisque cette croissance accélère le processus de dégénérescence de la planète.
Force est de constater qu’en intégrant ces trois points au raisonnement de Marx, non seulement la société capitaliste bourgeoise est condamnée, mais aussi la société communiste telle que la concevait Marx, puisque selon son manifeste, « la société communiste, le travail accumulé n'est qu'un moyen d'élargir, d'enrichir et d'embellir l'existence des travailleurs » ce qui laisse supposer que la société resterait productiviste, donc finirait par se casser les dents de la même manière que sa concurrente.
Natixis et son brave soldat Chvéïk, Rondeau, de Courbevoie, ne triomphent pas pour autant dans le fatras de leurs graphiques dont je m’étais promis de dénoncer toute l’illusion au début de cette chronique (1). Faute de place, laissons-leur croire que Marx avait tout faux. Le jour où il aura raison Natixis ne sera plus sur la place pour confesser qu’il avait tort.
Car Marx ne s’est nullement trompé sur le caractère illusoire du système capitaliste selon lequel l’exemple de quelques-uns regorgeant de biens et de profits suffirait à décider les autres au travail de fourmi pour un « Access » à la caverne d’Ali Baba, étant bien entendu qu’ils n’y arriveraient jamais, préférant à ce mirage une autre répartition des biens.
Et c’est là que le génie de Marx joue à plein, puisqu’il préconise autre chose afin de pourvoir justement aux besoins du plus grand nombre, même si les calculs de 1848 ne pouvaient s’avérer justes, il y manquait les données d’aujourd’hui. Natixis pouvait les obtenir sur un simple clic. Le groupe prendra juste ce qu’il lui convient. Son but était de démolir la thèse d’un communisme du passé, afin que les gogos trouvent épatant leur capitalisme antidaté, préjugeant un futur glorieux. .
Mission accomplie.
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1. Les statistiques reprennent souvent une moyenne donnée dont la principale qualité est de ne pas faire ressortir les inégalités. Exemple sur les salaires. Si ceux-ci ont augmenté de 5 % en moyenne cela ne signifie pas que les petits salaires sont en train de rattraper les autres, mais peut-être que les cadres viennent de s’auto augmenter de 30 ou 40 % !

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