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Entre Ralph Lauren et Mickael Kors…

… son cœur Balenciaga !
Pourquoi sommes-nous ficelés comme Barabas à la Passion vêtus de sacs et qu’il y a pire, d’autres n’ont que la ressource de se couvrir le corps d’une feuille de bananier !
On en apprend de belles parfois en lisant la presse internationale, surtout celle qui nous vient d’Afrique, malgré les difficultés d’imprimer un journal avec un matériel toujours typographique en caractères plomb. Bien sûr, il y a aussi Internet, sauf que la presse papier n’est pas chère et se lit partout. Elle offre encore la chance de s’exprimer à des gens qui, sans elle, n’auraient aucune occasion d’exercer ce métier ailleurs.
Il paraît que certains pays d’Afrique en ont marre de se vêtir des vieilles fringues des Américains que ces derniers déversent dans des boîtes que nous connaissons bien, car nous en avons aussi.
Ces citoyens, les poches bourrées de dollars, croient faire un don à plus pauvres qu’eux. Encore que beaucoup, sans le dire, trouvent chouette de se défaire de ce qu’on ne met plus, de l’utile à l’agréable, en quelque sorte.
Cela me fait penser à l’aphorisme d’Alphonse Allais « Faire la charité, c’est bien. La faire faire par des autres, c’est mieux. On oblige son prochain, sans se gêner soi-même. »
C’est ainsi que le Rwanda, le Kenya, la Tanzanie et l’Ouganda veulent se protéger de ces avalanches vestimentaires pour plusieurs raisons.
La première, c’est qu’elles ne sont pas toutes gratuites et qu’un commerce juteux et souvent illégal draine d’énormes revenus.
La deuxième concerne l’afflux de nippes de seconde main qui nuit au développement de l’industrie de la confection, dans ces pays où l’emploi est rarissime.
Enfin, ces vêtements usagés et au look passé donnent aux populations l’air de vivre cinquante ans en arrière, vêtues de vieilleries, parfois à la trame et trouées quinze jours après leur seconde vie.
Quand vient l’heure du ménage de printemps, les Américains se croient parfois généreux en déposant leurs vieux vêtements dans des boîtes de collecte. Ces pull-overs tachés, ces tee-shirts de colonie de vacances et ces shorts démodés donneront l’air de sortir d’un garage à des paysans qui vivent depuis toujours au grand air ou feront croire à la jeunesse des villes que sur les tee-shirts, à tout le moins, Freddie Mercury n’est pas mort, ce qui les ringardise malgré eux.
C’est bien dans la manie des gens riches d’habiller leurs domestiques avec ce qu’ils ne veulent plus, que la catégorie en-dessous donne aussi ce qu’elle ne met plus, d’une qualité moindre, qui durera moins longtemps sur le dos des pauvres gens.

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Or, s’il y a bien un goût affirmé dans la jeunesse an Afrique, c’est celui de la sape, comme un peu toutes les jeunesses du monde ont des looks particuliers. Et qu’on ne vienne pas me dire qu’il ne s’agit que d’une minorité de frimeurs en Europe. On se souvient encore de la castagne sur le trottoir d’un magasin soldant la marque Fred Perry à Paris entre des éléments d’extrême droite et d’extrême gauche et qui fit un mort.
C’est là qu’interviennent dans les pays donateurs des fripiers intermédiaires qui rachètent pour revendre à prix d’or des costumes Balmain ou Courrèges et des hardes griffées pour dames de chez Prada. Aux États-Unis, la plupart de ces fripes sont revendues à des entreprises privées par l’Armée du Salut, Goodwill et d’autres. Elles sont ensuite expédiées par conteneurs, la plupart du temps vers un pays d’Afrique subsaharienne, où elles alimentent une filière de plusieurs dizaines millions de dollars de chiffres d'affaire chaque année.
Les gouvernements africains en ont assez. Ils entendent développer les industries du textile chez eux. Cette volonté est louable. Mais, ce qui est perçu, en Occident, comme de la générosité, alors que c’est bel et bien un commerce dans certains cas, les empêche de développer leur propre industrie de confection, expliquent-ils.
Des pays africains ont cédé à la pression du lobby américain du vêtement de seconde main, d’autres, dont les quatre cités, tirent la sonnette d’alarme.
Où il y a business on trouve dorénavant Donald Trump, toujours en train de veiller dès qu’il s’agit de marchés, même le plus infime, à rafler la mise. L’an dernier l’administration Trump a ouvert une enquête pour déterminer si ces quatre pays ne violaient pas un accord commercial vieux de dix-huit ans avec les États-Unis !
C’est dire si ce type sans compassion pour l’humain, mettrait sur la paille – ils y sont déjà presque naturellement – tout qui se rebifferait contre l’omniprésence des USA partout où on peut ramasser du fric.
La loi sur la croissance et les opportunités de développement en Afrique (African Growth and Opportunies Act, Agoa) a été signée par Bill Clinton en 2000 puis renouvelée pour dix ans par Barack Obama, en 2015. Elle permet d’importer aux États-Unis certains produits d’une quarantaine de pays africains, sans payer de droits de douane. Les pays participants doivent remplir des conditions en matière de droits humains, de bonne gouvernance, de pluralisme politique et de protection des travailleurs. Ils doivent en outre évoluer vers une économie de marché et supprimer progressivement les tarifs douaniers sur les produits américains. Washington estime qu’en taxant les importations de vêtements d’occasion, le Rwanda s’est mis hors jeu. Le 29 mars, le président Trump a ainsi annoncé la suspension, 60 jours plus tard, des avantages commerciaux dont bénéficient les vêtements importés du Rwanda. “Pourtant, en essayant de fabriquer lui-même ses vêtements, le Rwanda fait ce que nous prétendons attendre des pays pauvres : qu’ils se débrouillent seuls, sans les mentors traditionnels et peut-être sans la charité. On devrait les laisser essayer.”

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