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Les maquereaux de la démocratie.

Il paraît que si les salaires des grands patrons du privé comme du public grimpent en flèche, c’est parce qu’on les a obligatoirement divulgués depuis la parution d’une loi sur la transparence ! Dès lors, comme de grands enfants qui jouent « au plus fort, au plus costaud », ils ne veulent pas paraître les moins bien payés. Dans cette société, le seul critère de capacité, celui qui vous établit au sommet de l’intelligence et du savoir-faire, c’est l’argent que les actionnaires sont prêts à lâcher pour conserver le phénix sur la moquette du plus beau bureau de l’entreprise. Vous avez compris la hauteur du débat !
Si le salaire publié apparaît plus faible, la croyance collective va estimer la productivité de son bénéficiaire plus faible. Autrement dit, avec une rémunération inférieure à la moyenne ou à la baisse, tout le monde va le savoir et tout le monde va juger que ce patron n’est pas parmi l’élite du management. Au foot, c’est pareil. On est une grosse vedette, parce que le club fait des sacrifices financiers pour le garder.
Ce petit concours de mentons est remonté à la surface à l’occasion de la polémique autour du salaire du nouveau patron d’Air France. Il toucherait 3 fois le salaire de son prédécesseur Jean-Marc Janaillac et 22% de plus que le salaire moyen des patrons du CAC40, de 2,7 millions d’euros en 2017.
C’est un exemple français. De récentes polémiques en Belgique à propos des salaires publics et privés n’ont pas abordé la chose sous un autre aspect qu’une guerre de préau d’école gardienne, mais il va de soi que c’est le même raisonnement de caractériels.
Le grand public a évidemment difficile de digérer la chose. Comment expliquer un tel décalage, une telle inflation des salaires de haut niveau, alors même que les entreprises concernées connaissent des années difficiles, avec une croissance en berne, parfois des pertes, comme par exemple la grande distribution ?
Le coupable serait donc la transparence qui a provoqué les enchères scandaleuses.
L’idée était bonne au départ en dévoilant ces paies insensées, on espérait les contenir et éviter les scandales médiatiques. C’est l’inverse qui s’est produit.

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On a les chiffres pour la France, ce ne serait pas impossible qu’ils fussent identiques à la Belgique. Au début des années 2000 à 2015, l’écart de rémunération entre le patron et le salarié le moins bien payé est passé de «1 à 300 en 2000 à 1 à 373 en 2015». Il n’était que de 1 à 30 en 1978 et 1 à 60 en 1990 !
Ce n’est pas tant du pognon jeté par les fenêtres qu’on observe ici, c’est le mépris de ces harpagons qui mégotent 25 cents au personnel en salopette, tandis qu’ils en remplissent des valises au mirliflore qui s’essuie le fion à la feuille d’or, dans les lavabos privés de la haute direction.
Outre la signification de prestige, il y aurait une perte dans la capacité syndicale à faire respecter le travailleur en exigeant le maintien d’une différence « acceptable » entre les deux extrémités de rémunérations. Notez que ce devrait être aussi la préoccupation du monde politique, mais si c’est pour compter dessus que vous vous apprêtez à voter MR, autant vous dire que vous participez par ce geste à la branlette collective des grands chefs.
L’entreprise mondialisée échappe à l’action syndicale. Le syndicat n’est pas relayé par le personnel politique, car la démocratie échappe à la volonté du peuple, puisque les partis au pouvoir sont généralement pour la mondialisation et l’absence de contrôle des entreprises.
La hiérarchie patronale ne s’établit plus au regard des compétences mais en fonction du salaire. Les actionnaires supposent que si un patron est très bien payé, c’est qu’il est très bon et, à l’inverse, il est dans la seconde partie de tableau. «La rémunération des dirigeants est instrumentalisée. Elle devient à la fois un outil de mesure et un mécanisme d’influence».
Dans les échelons inférieurs, il y a un autre genre de conflit latent, c’est celui de la comparaison entre salaires du privé et salaires publics.
Ici, d’autres arguments sont pris en considération, mais quels qu’ils soient, entre le privé et le secteur public, il y a convergence d’intérêt dans les directions. Les différences ne sont jamais abolies par le salaire le plus faible tiré vers le haut, mais par le salaire le plus haut tiré vers le bas. Opposer les deux régimes est un vieux truc que tous les libéraux connaissent.
Avec ces phénomènes de l’argent qui font faire bon ménage à la démocratie maquée à l’économie mondialisée, on se demande si le seul moyen de se défendre ne serait pas de travailler au prorata de la différence de salaire. Plus le salaire du chef suprême est élevé, moindre devrait être la productivité du bas de l’échelle.

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