« Aux descendants paumés du Jeu de paume. | Accueil | À la militante… »

Quand la morale est sauve.

Un groupe de magasins « La Grande Récré » est en faillite. Une faillite signifie qu’il y a un hiatus entre la trésorerie et ce que l’on doit. Les raisons de ce décalage sont multiples, outre l’appétit excessif des actionnaires, des maladresses, des charges trop lourdes, etc., le plus souvent un constat de mévente et sa logique : la fermeture. On ne vend pas assez et la trésorerie s’assèche. Le client se fait rare. C’est l’échec avec ses conséquences directes, le dépôt de bilan.
Alors comment comprendre que selon les gazettes « depuis ce mardi et jusqu’à ce week-end, de grandes ventes mandatées par les curateurs de cette faillite sont organisées dans 15 magasins de l’enseigne un peu partout en Wallonie et à Bruxelles : tout le stock est proposé à moitié prix ! » et c’est la ruée, l’intérêt immédiat. Des clients potentiels stationnent devant les magasins, depuis trois heures du matin ! Mardi, à Liège, environ 1000 clients ont dévalisé le magasin tout au long de la journée !
On a devant soi un bel exemple de ce pourquoi l’économie actuelle malgré tous ses défauts est toujours perçue comme celle « qui marche » et dont on ne peut que constater le succès.
Alors que, justement, ce devrait être le contraire, puisque pour réussir, ce magasin aurait dû vendre à perte, ce qui est impossible dans un système d’intérêts sur financement.
Qui ne voit la logique de l’effet d’aubaine chez les clients, faisant fi souvent de leur besoin et achetant plus que leur nécessaire, des objets dont ils ne sauront que faire pour la plupart et qui défraîchis et abandonnés dans des greniers constitueront une perte sèche pour eux dans un bref avenir.
Qu’est-ce qui pousse quelqu’un de faire le pied de grue devant un tel magasin depuis cinq heures du matin ? C’est la perspective d’un profit. Mais un profit est significatif d’en tirer soi-même un bénéfice, soit par sa revente, soit par sa consommation à moindre coût.
Ce n’est ni l’un ni l’autre, évidemment, c’est là le mirage du commerce par entraînement des clients enclins à se ruer sur n’importe quoi, à seule fin que les suivants ne l’aient pas.
Ce faisant, ils engraissent la curatelle, ce parasitisme particulier que sont les avocats, les huissiers et les crieurs publics, bien avant de rembourser les créances et satisfaire aux taxes et impôts et autres obligations de la sécurité sociale et même de payer les salaires et les primes de départ aux travailleurs.
Ces acheteurs là n’ont ni sympathie particulière pour le failli, ni pour le personnel.

1mgf2fmp.jpg

Cette implacabilité du citoyen aide le système à se maintenir par la sanction impitoyable envers ceux que les libéraux tiennent pour des losers, enfin pas toujours, puisqu’il existe des spécialistes de la faillite qui assèchent volontairement les finances et le fonds de commerce.
En somme, le système n’a rien trouvé de mieux que de sanctionner ceux qui traînent la patte par le vol légal des représentants de la loi et la cupidité de la clientèle spéciale du dépeçage d’entreprise, parfois des forbans de la revente, sans oublier l’inévitable client occasionnel, le nez au vent à la recherche d’un coup, et qui se rue sur ce qui ne l’intéressait pas la veille, la chose prenant soudain l’aspect indispensable ce dont on rêve depuis toujours.
Tant que la gauche politique ne décortiquera pas ces processus infamants du système, sous prétexte que les masses y participent et en tirent profit (ce qui reste à démontrer), elle restera hors du pouvoir de comprendre la part de malsain dans une économie, dont nous avons une responsabilité indissociable de nous-mêmes, de nos mœurs et de notre pratique culturelle.
Pourquoi ne le fait-elle pas ? Parce qu’elle joue le jeu de tous les partis, celui de ratisser large et tout le monde le sait que la gauche a bien besoin de rallier tous ceux qui sont exploités par la classe dominante, surtout dans le cas d’une foule qui ne le sait pas.
Dans bien des cas de faillite, le système sanctionne un entrepreneur honnête, un bon produit qui n’est pas connu ou qui entre en concurrence avec une grande marque qui fait tout pour le couler à défaut de l’incorporer, un artiste parfois, un créateur « dans la lune » et qui ne sait rien du commerce. En même temps, l'élite trouve logique les loyers exorbitants et les taxes que les petits entrepreneurs n’ont pas les moyens d’esquiver comme les grandes entreprises. L’erreur de ces petits entrepreneurs qui croiraient déchoir en se réclamant du peuple, c'est qu'ils vont se jeter dans les bras de leurs pires ennemis que sont les libéraux politiques, mercenaires masqués des multinationales.
Certains finiront encore plus mal. Ils seront poujadistes sans savoir que Pierre Poujade est mort, dans la rage de trouver un avantage à l’intérieur d’un système qui n’en a pas pour eux. Ils découvriront un hitlérisme moderne dans les partis de l’extrême droite et le bouc-émissaire idéal : l’étranger. Ils s’excluront de tout reproche dans le naufrage de leur existence et trouveront justifié d'avoir contribué à celui des autres.
Aujourd’hui « La grande récré » a fermé ses volets. Ses stocks épuisés finiront dans la poussière de beaucoup de greniers, en attendant que « l’enfant de ma sœur » ait l’âge de faire un scrabble. Ce qui reste sera éparpillé dans des salles de vente spécialisées. À Liège, on vendait les quelques hardes des pauvres gens Place du Marché, sous la pluie s’il le fallait. Le système voulait marquer par là l’infamie de ceux qui sombraient. De nos jours, les crieurs sont sur l’estrade et les huissiers derrière eux, comptent les sous.
La morale bourgeoise est sauve. Le grand guignol se perpétue

Poster un commentaire