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Le Politologue (1)… respectueux.

Pascal Delwit a écrit en 2016 « Les gauches radicales en Europe. XIXe-XXIe siècles » (UBlire 12 €). Un mot sur ce bouquin est nécessaire pour comprendre l’analyse dans les journaux, que vient de faire Pascal Delwit des élections communales de 2018.
Tout le monde le sait, l’Histoire avec un grand « H » n’existe pas. Les historiens racontent des histoires d’abord à eux-mêmes, puis en font part à leurs lecteurs. Les enseignants font pire, ils obligent leurs étudiants à considérer d’abord leur point de vue et rares sont les élèves qui s’y soustraient à seule fin de réussir leurs examens.
L’histoire est avant tout comme les Contes de Perrault, chacun y met sa part de faits fantasmés, selon sa culture et ses idées sur la construction de la démocratie. L’erreur est presque toujours de confondre la période historique avec celle vécue.
Le clivage commence à partir de Robespierre et se repose à chaque nouveau leader de l’extrême gauche, dont la tête dépasse celles des présidents centristes, parfois seulement de quelques centimètres.
L’objectivité est celle de chacun, sauf qu’elle est différente selon les auteurs. Pascal Delwit n’échappe pas à cette diversité qui fait de lui le champion d’une conception de l’histoire qui concorde avec ce qu’il convient de penser à l’ULB et dans les milieux bourgeois, sans pour autant contester la légitimité de sa version et la sincérité dont il fait preuve.
Reconnaissant Syriza en Grèce, Podemos en Espagne, Die Linke en Allemagne, les Insoumis en France, le PTB en Belgique, Pascal Delwit est convaincu que la gauche européenne soit politiquement diversifiée. Cependant il considère certains partis et syndicats « insurrectionnels ». Ce qui le fait considérer le socialisme modéré comme la gauche démocratique. Au-delà, il y voit la gauche extrême ou insurrectionnelle. Voilà une vision bien conservatrice et réductrice ! Et on se demande où Pascal Delwit va bien pouvoir poser la ligne rouge en France, quand le PS sera un minuscule et insignifiant parti centriste, ce qui est possible dès 2019 ?
Le mot « révolutionnaire » chez lui me fait bondir. Il en dit plus sur le milieu que Pascal Delwit défend, que sur l’action politique et syndicale naissante à la loi Le Chapelier (1791), où toute organisation ouvrière était hors la loi et donc révolutionnaire.

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Il aurait dû s’informer de l’histoire tout à fait remarquable d’un des plus vieux syndicats implanté à Liège (1846), le syndicat du Livre. Son programme fondateur mentionnait « la recherche de la liberté et de la dignité dans le travail, du salaire vital et de meilleures conditions d’existence ». Au moment où les libéraux et les catholiques détenaient à eux seuls le pouvoir, avouons que le syndicat dirigé par le poète liégeois Denis Sotiau était conscient de défendre le droit d’exister et si pour Pascal Delwit, ce droit là est révolutionnaire, on comprend la suite de son raisonnement sur la période actuelle.
Pour le reste, Pascal Delwit, obnubilé par Lénine et la Révolution en Russie, fait de 1917 la date charnière de la division politique de la gauche, alors que la rupture de la gauche se fit au Congrès de Tours, 18e congrès national de la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO). du 25 au 30 décembre 1920. La gauche pour laquelle Monsieur Delwit a des yeux de Chimène et qui aboutit à la débâcle du PS en France était à l’époque très minoritaire.
Ainsi se dessine le parti pris de Delwit en 2018, vis-à-vis de ce que l’on peut considérer comme la seule gauche aujourd’hui le PTB en Belgique et avec la France Insoumise en France, la ligue trotskiste et Lutte Ouvrière. De la confusion avec la gauche des partis centristes de ce qui reste du PS en France et du PS en meilleur état en Belgique, provient cette expression de parti révolutionnaire d’extrême gauche qu’emploie Monsieur Delwit et à mon sens impropre.
Le progrès du PTB pose problème au politologue, le parti "devra arrêter de promettre la lune" et confronter, enfin, son idéologie à la réalité.
En parlant de l’origine maoïste, prochinois et défenseur ardent du marxisme-léniniste, jusqu'à son 8e congrès, en 2008, du PTB, Delwit oublie que tous les partis s’adaptent plus ou moins à la période traversée. Est-ce que du PSC au CDH, le parti chrétien n’a pas lui aussi essayé de s’adapter à l’air du temps ? La difficulté c’est de traverser les turbulences sans perdre ses convictions. On sait comme les « valeurs chrétiennes » ont disparu au CDH.
Au vu de la dérive du tandem économico-démocrate de la Belgique et de l’Europe, devant l’absence de tout réel débat sur l’avenir du commerce libéral et sa nocivité aux fins de croissance, il est absolument indispensable que des partis jugés « révolutionnaires » par notre chaperon traditionnaliste bourgeois tiennent bon et ne dérivent pas dans des acoquinements avec ce que la démocratie offre ce qu’elle a de plus haïssable à ses électeurs.
L’argumentaire de Delwit tient en deux lignes « Quand une formation politique gagne, elle doit essayer de mettre en œuvre au moins une partie de son programme. Dans le cas contraire, elle envoie le message que voter pour elle ne sert à rien. » Ça reste à prouver. Si l’on admet qu’une partie des militants du PS étaient sincères dans des alliances contre nature avec les libéraux, on doit aussi estimer que cette alliance là n’a jamais profité qu’à la droite. Une gauche servant de caution à la continuité d’un système fait plus de tort aux citoyens que si elle était restée dans l’opposition pour dénoncer une économie source d’inégalités monstrueuses et d’atteintes à l’environnement.
Afin de faire la montre sur le trottoir des officines libérales Delwit concède que le PTB est plus un parti radical qu’extrémiste. On sent que les milieux universitaires seraient ravis de mettre le PTB non pas devant « ses responsabilités » mais devant celles des partis libéraux qui ne savent plus que faire pour maintenir « leur » démocratie à flots.
Dans l’esprit du prof de l’ULB, une bonne division en interne du PTB ferait bien son affaire. Rien de tel que de montrer du doigt une direction centrale du parti qui donne le « la » et toutes les sections locales qui sont obligées de faire avec, afin de susciter des vocations séparatistes. Richard3.com n’étant affilié nulle part, c’est donc tout à fait librement que je trouve que cette direction centrale répond au besoin essentiel de maintient d’une politique unique, même si chacun dans diverses sections à toute faculté de dire ce qu’il pense.
C’est toute la difficulté d’un parti populaire de garder cette communication directe avec le peuple et, en même temps, rester ferme dans ses principes. À cet impératif, il n’y a qu’un seul choix à faire, celui de l’unité. Voilà qui dépasse Delwit à un tel point qu’il est inutile d’en disputer avec lui.
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1. « Le P…. respectueux » est l’asymptote de « La P… respectueuse » de J-P Sartre.
* Si la photo est un montage, l'affiche est bien réelle. Elle a été photographiée par Richard III, il y a quelques années, à la devanture d'un théâtre de Gand.

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