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La politique de l’émotion.

Pas besoin de l’incendie d’un monument prestigieux en Belgique, pour être en sidération.
Cet état général vient d’empirer à l’approche des élections du 26 mai.
L’orateur qui a toujours raison est en passe d’être remplacé par celui qui a toujours tort. D’où une certaine prudence des élites passées au crible de la suspicion.
Flaccidité du repos, les temps ne sont plus à la superbe, mais au repli chez soi. Les celliers payés par les électeurs, le bourgeois-député n’y descend plus que sûr d’y remonter quelque grand cru sans être vu. Il est de bon ton de paraître sans cravate, le geste sobre à regarder l’heure d’une Seiko, la Rolex dans le tiroir du bureau. Être logé aux frais de la princesse fait mauvais genre. En plein intérim, Charles Michel se fait tout petit rue de la Loi. Si ça se trouve, il finira par payer sa tasse de café au personnel de cuisine.
Le puissant organe de Denis Ducarme, c’est fini. Il vocalise dans le mezza voce. L’agression transphobe de Julia, en short place de la République a rendu Di Rupo prudent. Dans ses discours, il se garde de monter dans l’aigu. Le métallo qu’il faut séduire avant le PTB n’est pas particulièrement LGBTQ. Un haute-contre lui est suspect !
Le prêt à voter de mai prochain reste dans le classique et le déjà vu. Les vieux vestons sortent de la naphtaline. Il faut avoir l’air pauvre. Seul Reynders résiste à la mode sdf. Il a une réputation de dandy à soutenir. C’est au-dessus de ses forces, il est trop vaniteux.
L’avenir est aux pleurs discrets. L’art de retenir ses larmes, avec juste une humidité visible d’entre paupières, Macron dans le registre pourtant assez juste, lundi soir à Notre Dame, était de loin surpassé par le « surjoué » de la maire de Paris, Anne Hidalgo, derrière lui pour la photo d’hommage à la France calcinée. Prête aux sanglots, seulement retenue par la décence, elle était parfaite, madame Macron, spécialiste en effets de planche était très impressionnée.

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Comme à la fenêtre d’un convoi au charbon, les autres essayaient l’escarbille dans l’œil.
Quelques jours auparavant de ce drame absolu dont tout le monde va se remettre très vite, Daardaar, l’excellent magazine qui traduit en français des articles parus en flamand, observait des moments d’anthologie dans le staff politique de la Flandre éternelle : Joke Schauvliege, CD&V, en pleurs pour annoncer sa démission de son poste de ministre de la Région flamande à la suite de la polémique, qu’elle a elle-même déclenchée en indiquant que les marches pour le climat était le fruit d’un complot. Joke s’étant persuadée de sa connerie n’a pas pu se retenir de verser des larmes sur elle-même. Philippe De Backer (Open Vld) incapable de retenir ses larmes à ses adieux à la politique, quitter l’armoire aux confitures à 41 ans, il y a de quoi mouiller un mouchoir. Avant lui, Patrick Janssens (ex-sp.a), Philippe Muyters (N-VA), Meryame Kitir (sp.a) et Bart De Wever (N-VA), entre autres, avaient déjà allongé la liste des politiciens larmoyants.
Pourquoi cette montée des sensibilités dans la sphère politicienne ?
Stefan Rummens, philosophe en politique à la KU Leuven, nous met au courant : « Il y a belle lurette qu’ils ne sont plus des personnes inaccessibles dans une tour d’ivoire, mais des êtres faits de chair et de sang. Avec l’arrivée des réseaux sociaux, nous, les électeurs, en savons plus sur leur vie privée. Et nous voulons la connaître. Les politiciens jouent sur cette évolution en dévoilant davantage leur personnalité. Par exemple, en débarquant dans toutes sortes de jeux télévisés, en participant à des séances photo dans des magazines ou en communiquant avec les électeurs via Twitter et Facebook. Ils sentent qu’ils peuvent très bien verser une petite larme et révéler ainsi un côté humain. Ce tabou est tombé. »
Ainsi, c’est en regardant l’amour est dans le pré ou toute autre connerie superbement relayée par nos machines à décérébrer, que nos sangsues du sang citoyen apprennent la sensibilité et non pas à la misère des plus pauvres ! Des Bekende Vlamingen qui se lancent en quête de leurs racines, aucun ne résiste, la patrie Flandre arrache des sanglots aux plus endurcis.
Comme le sujet est encore plus futile que je ne pensais, un autre professeur, un certain Ad Vingerhoets (Université de Tilburg), qui étudie nos larmes depuis des années, nous assure qu’un des effets de la télévision est qu’il est devenu de plus en plus normal de voir pleurer des personnalités.
Le revers de la médaille, c’est quand l’émotion mal simulée devient suspecte. Avant de se rougir les yeux, le chasseur d’électeurs doit bien scruter l’assemblée pour y sentir le courant favorable.
La larme discrète et de bon ton devant un public conquis, oui. Les sanglots longs comme des violons, ce n’est pas encore pour tout de suite.

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