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Le MR digère, la clientèle avale.

Lors d’une plaisante conversation, j’ai été surpris d’apprendre comment le MR a capitalisé « 1984 » d’Orwell, à cause de la lâcheté et l’ignorance de la gauche qui a cru condamner l’homme et son œuvre !
Tout et son contraire a été dit sur George Orwell. L’homme a pourtant pris le parti des travailleurs pauvres et des vagabonds ; il a combattu lors de la guerre d’Espagne dans les rangs du POUM marxiste ; espéré que la résistance à l’Allemagne nazie débouche sur une démocratie sociale. Rien n’y a fait. Il a été annexé par les néoconservateurs.
Nineteen Eighty-Four (1984) a été un grand succès de librairie, mais le coup fatal vient des USA où son parcours d’homme de gauche est ignoré et son roman apprécié comme une critique du socialisme !
Il n’en fallait pas plus au libéralisme européen, au premier rang plastronnent, bien sûr, les américanolâtres belges, pour s’intéresser à l’homme et son œuvre. Dire comment il a été compté parmi les « sympathisants » du libéralisme, c’est en partie faire l’histoire du MR de ces vingt dernières années, sous la conduite de Reynders et des deux Michel. Prétextant une prétendue ouverture sociale, en réalité un leurre destiné à capter l’intérêt des socialistes de collaboration, ils ont poursuivi leur programme de soumission au marché dans des discours d’extrême droite. Ils ne pouvaient qu’être bénéficiaires, en s’attribuant les mérites de la pensée d’un mort.
À l’heure où les libéraux vendent à leurs électeurs une baisse générale du niveau de vie et un Bacquelaine souhaitant « macroniser » nos pensions, il faudra des arguments pour que les électeurs, de 65 ans et +, ne se jettent pas dans les bras du PTB. S’approprier un monument comme Orwell, c’est toujours bon à prendre !
De ce point de vue, la venue à la présidence MR de Georges-Louis Bouchez n’est pas anodine. L’homme est représentatif du milieu fascisant, résistant à la faible tentative Ducarme d’humaniser l’immigration, dans sa volonté d’être comparé à l’efficacité d’un Théo Francken.
Pour comprendre la démarche des libéraux et de l’extrême droite vis-à-vis de l’œuvre d’Orwell, il faut remonter à la fin de l’URSS et la confusion entre la gauche et la droite, caractérisée par le « petit pas de plus » du socialisme à la Di Rupo vers un extrémisme libéral masqué. Depuis, les journaux bruxellois largement libéraux trouvent « 1984 », convenable.

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Pourquoi un auteur de gauche, révolutionnaire par l’exemple de sa vie et son œuvre, plaît-il tant à ces tenants du capitalisme avide et sans scrupule, au point que certaines petites troupes de théâtre, largement de gauche, hésitent à produire des divertissements éducatifs à partir du livre « 1984 », de peur d’être confondues avec le système ?
Il suffit de relire les paragraphes qui concernent en termes à peine voilés le stalinisme contre lequel Orwell s’est montré hostile, pour deviner comme il est facile à des libéraux falsificateurs, de gommer tout le reste, un peu comme Macron qui considère que celui qui n’est pas sorti de l’ENA n’est pas capable de le comprendre, et de faire tomber l’œuvre et son auteur dans le grand consensus libéral ?
Des essayistes sur la vie et l’œuvre de l’écrivain ne se sont pas fait faute de classer l’homme dans une catégorie qui a toujours fasciné François Perrin, Jean Gol et ses porteurs de serviette, à savoir, l’anarchisme-conservateur. En réalité, ces fumistes nous font croire à ce qu’ils ne sont pas. Même pour les intellectuels-ignares qui fourmillent dans ce mouvement (Quelques-uns sont installés à la Région wallonne) ce sont des adhérents, sans parfois le savoir, de la théorie de Robert Nozick (1938-2002) sur les libertariens, ultra-conservateurs qui placent l’individualisme au-dessus de tout. Théorie très pratique quand on est immergent comme Coca-cola Bacquelaine et l’avocat Bouchez, sans le moindre doute sur la valeur de leur personne. Agissant sous un voile très soft d’une sorte de libéralisme imaginaire, ils pourraient tout aussi bien se voir dans le libéralisme égalitaire de Rawls (1921), ce qui les conduit loin d’Orwell, dans le sacrifice des autres pour les sauver eux, l’élite.
Comment ont-ils fait pour annexer Orwell ? Ils ont soustrait de l’actif de l’écrivain la générosité, le sens de l’entraide, la haine des privilèges, pour ne garder que la droiture morale et affirmer que l’ouvrier blanc appartient aux classes moyennes paupérisées par l’arrivée d’un sous-prolétariat étranger. Évidemment le tout ne pouvait être rendu possible que par la double ignorance, celle des dirigeants du MR dans leur ensemble et celle des malheureux contributeurs par leur vote (1), à la persistance d’un parti qui incitent ses électeurs en votant pour lui, à voter contre eux-mêmes.
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1. Emmanuel Todd, « les Luttes de classes en France au XXIe siècle » (Seuil). Une société qui se prépare à un choc frontal entre ceux d’en haut et les autres.

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