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Lepeletier de Saint-Fargeau…

… partie civile contre Reynders !
Des plus conservateurs, aux plus progressistes, nous sommes toujours régis par l’ordre juridique qui se met en place à la Révolution de 89.
Avant de rappeler les principes, un exemple est nécessaire.
Nicolas Ullens de Schooten qui a travaillé à la Sûreté de l’Etat de 2007 à 2018, quelques années avant que Reynders ne s’égaie à la Commission de la Justice de l’Europe, avait fait état du versement de pots de vin à l’occasion de missions et d’achats publics, par le dépôt d’une plainte à l’encontre du ministre des affaires étrangères. Ces pots de vin concernaient le déménagement de la police fédérale au Centre administratif de Bruxelles, le Kazakhgate et une affaire relative aux fonds libyens.
Très rapidement la justice bruxelloise classait l’affaire sans suite. Ce fut si soudain qu’on peut supposer qu’aucune enquête ne fut conduite et qu’aucun document transmis par Monsieur Ullens ne fut suivi de recherches préliminaires du bien fondé de la plainte.
À l’époque la presse, animal de compagnie des puissants, sans aucune gêne faisait passer Ullens pour un simple d’esprit poussé par des sentiments de vengeance et d’envie.
Rebondissement inattendu un an plus tard, le parquet de Bruxelles ouvre une enquête contre l’ancien agent de la Sûreté de l’État, Nicolas Ullens, pour «violation du secret professionnel ».
Qu’est-ce que c’est qu’une justice qui permet qu’un ministre s’échappe de la volière libérale pour passer des jours heureux de Commissaire européen, pour s’inquiéter une fois que le libéral est casé confortable, de retomber sur les documents produits par Ullens, classés « top secret » et de lui en faire reproche ?
Ces documents seraient donc importants puisqu’on en fait tout un plat. Quels sont-ils ? Si l’affaire est soumise à l’appréciation d’un tribunal, il faudrait au moins que le public en connaisse la teneur, sinon, quelle est la valeur d’une justice derrière un paravent ?
C’est ici que nous revenons à 89 et au Code Napoléon base du droit belge.
Son exigence suppose l’égalité juridique des individus, quelle que soit leur place dans la société. Loin de justifier la toute-puissance des autorités, elle implique leur subordination au droit et, corrélativement, la protection juridique effective des personnes les plus vulnérables. La loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse », précise la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

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On ne peut pas dire Reynders lavé de tout soupçon sans enquête justifiant son innocence, puisque les documents fournis par le dépositaire de la plainte sont classés secrets, donc importants. A fortiori, on ne peut pas inculper Monsieur Ullens pour « violation du secret professionnel » si cette violation fait la preuve d’un délit commis par Reynders dans l’exercice de son ministère et que le plaignant aurait agi en fonction de sa conscience.
L’exigence d’exemplarité s’impose en premier lieu aux représentants des pouvoirs publics. Rompant avec le droit de l’Ancien Régime, le code pénal de 1791 institue de nombreux crimes et délits afin de réprimer les malversations des agents publics (comme le détournement de fonds ou le trafic d’influence). Il traduit ainsi l’idée des constituants selon laquelle l’atteinte à la liberté d’autrui est d’autant plus grave qu’elle émane d’une personne chargée de représenter l’intérêt général. S’expriment ici non seulement les aspirations démocratiques radicales des acteurs de la Ire République, mais également leur profond pragmatisme. L’un des inventeurs de la législation pénale révolutionnaire, Louis Michel Lepeletier de Saint-Fargeau, affirmait en 1791 : « Une bonne police avec de bonnes mœurs, voilà ce qu’il faut pour un peuple libre au lieu de supplices. Partout où règne le despotisme, on a remarqué que les crimes se multiplient davantage ; cela doit être parce que l’homme y est dégradé ; et l’on pourrait dire que la liberté, semblable à ces plantes fortes et vigoureuses, purifie bientôt de toute production malfaisante le sol heureux où elle a germé. »
Dans cette affaire qui dormira sans doute longtemps dans des cartons scellés à la cire du sceau de l’État belge, n’apparaîtront que les manquements aux grands principes, le manque de transparence propice aux grands commis de l’État et ce qui ressort du dossier instruit contre la justice elle-même suspectée de partialité, dure pour le pauvre et laxiste pour l’influent et le riche. Pour le reste et pour le public, Ullens est fou, qu’on lui passe la camisole…

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