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Le cœur déchiré

Internet, c’est la farfouille des faits et des idées, une sorte de dépotoir. Les gens s’y défont de tout, rarement des perles, surtout d’un bric-à-brac d’idées farfelues.
Entre deux témoignages d’ovni, un article de José Fontaine (1.) « Régiments flamands et wallons en mai 1940 » est un récapitulatif-réquisitoire que tout féru d’Histoire devrait lire.
L’Armée belge forte de 400.000 mille hommes était bien équipée dans son ensemble en mai 40. Tout a foiré dès le 10 mai, quand des planeurs allemands ont déposé des spécialistes dynamiteurs qui ont fait sauter le fort d’Eben-Emael (2), réputé imprenable.
Cette opération a été possible à cause d’une faute de l’état-major qui avait déjà ordonné le repli des troupes de soutien et de liaison entre les forts, abandonnant ceux-ci à eux-mêmes.
Se rend-on compte qu’un planeur ne peut pas atterrir n’importe où et surtout pas sur les coupoles d’aciers des forteresses enterrées, que c’est une cible facile et vulnérable pour des troupes même ne disposant que d’un matériel léger ?
Cette première défaite s’explique par un retrait trop rapide de la 6me DI. Après, on ne compte plus les redditions sans combattre des divisions flamandes, dont le 13 mai, 5.000 hommes de la 14me DI.
On ne va pas refaire la guerre de 40. Mais il faut noter qu’une DI de chasseurs ardennais, n’ayant pas reçu l’ordre de repli tint tête à quatre divisions blindées allemandes pendant deux jours et obtint même une victoire et un repli des blindés après les pertes subies. Ces mêmes divisions perçant à Sedan, précipitaient la défaite française, par le contournement de la ligne Maginot.
L’état-major était bel et bien par sa flamandisation et ses généraux monarchistes un cercle d’admirateurs de la « puissance allemande », ayant la soumission à l’ordre hitlérien dans le sang !

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La fameuse neutralité belge n’était en somme qu’un clin d’œil quasiment complice à la nouvelle armée allemande dopée par les discours d’Adolphe et réarmée depuis 36 à la cadence « Mercédès ».
L’invasion du territoire le 10 mai ne fut commentée avec une volonté de se défendre que des Wallons et d’une partie de l’armée. Le reste, le roi, l’état-major, l’opinion flamande, tout ce petit monde se figea à l’instant du premier coup de feu, organisant déjà la défaite par la suite.
C’est ce que nous fait comprendre l’article de Fontaine, avec plans, positions des effectifs et ordres incompréhensibles.
Toute autre aurait été le sort de la bataille et peut-être le sort de la guerre, s’il n’y avait pas eu des ordres venus d’en-haut de se replier à n’importe quel prix, abandonnant à l’ennemi presque tout le matériel. Pas d’ordre du tout aurait mieux valu, laissant à chaque DI le soin de défendre son lopin de terrain, même si le sort de la bataille était plié à l’avance par le renâclement au combat de la partie flamande de l’armée.
Il est probable que les généraux et colonels d’état-major, tous plus ou moins monarchistes et chrétiens de droite, officiers de cour et de parade, étaient tacitement convaincus que tout combat était inutile. La belle histoire du chef des armées, le roi, déposant les armes par une capitulation « pour épargner des vies » a été inventée, pour cacher un manque d’envie d’y aller, par admiration secrète du chancelier Hitler, victimes collatérales des discours…
Pourquoi remuer des fantômes, revenir à des événements que la jeunesse ignore ?
C’est vrai après tout. On refait l’histoire plus facilement qu’on ne la fait.
Sauf que le destin d’un pays ne se fixe pas autour d’un claquement de doigts. Il se lit dans les comportements anciens, les anciennes fractures et tout ce que l’on a oublié et qui reste dans nos gênes et nos comportements, sans que nous nous en apercevions.
La courette des officiers supérieurs, Bruxelles Toulouse, ce n’est pas du pipo, pas tous, évidemment, faut être juste. Les coriaces n’ont pas pris les Pyrénées en affection, ils se sont arrangés pour se retrouver à Londres avec la Brigade Piron, d’autres ont fini dans les stalags-Oflags.
Pacifiste on est. Mais pas le genre à se faire botter le cul quand même par des envahisseurs. Juste pour faire remarquer deux choses. La première, il ne faut pas trop compter sur les élites en cas de coup dur. La seconde, la majeure partie de la bourgeoisie belge a collaboré avec Adolphe, quitte à prendre une carte de résistant en 44, quand l’artiste autrichien de Berchtesgaden commença à devenir gênant. On soupirait chez les libéraux de l’époque, qu’il aurait mieux fait de borner à l’aquarelle.
Etienne de la Boétie peut repasser avec son discours « de la servitude volontaire ». Les clients de 40 de l’Ordre Nouveau lui auraient arrangé son affaire de bravoure, en victimes pas outragées du tout, prêtes à planter des petits drapeaux allemands sur l’avance des Adolphins en Russie.
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1. Professeur de sociologie et de philosophie dans l’enseignement supérieur et journaliste indépendant, docteur en Philosophie de l’UCL.
2. Quand les parachutistes allemands sautent, à 4 heures, il n’y a quasi plus personne pour s’opposer à eux. Seuls une vingtaine de soldats sont encore dans la coupole sud pour tirer. Là n’est pas la seule erreur du major Jottrand. Quand il voit arriver un à un des planeurs au-dessus du fort, il donne comme consigne à ses hommes de ne pas tirer sans être sûr qu’il s’agisse bien d’engins ennemis, alors que pourtant, le survol de la place forte est interdit ! Et quand les planeurs se posent, il donne une suite d’ordres inappropriés, comme celui de dire “attaque générale ” et non “attaque sur massif ” (sur le haut), ce qui aurait permis au fort de bien pointer ses canons.

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