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Des riches, des malins et des autres !

Les fabricants de tiroirs aux mots nous balancent souvent comme vérité essentielle que la société serait divisée entre les 1 % les plus riches et les 99 % restants. C’est une simplification qui ne tient pas compte de ceux qui se croient riches ou les pauvres qui veulent devenir riches.
L’image la plus saisissante est celle du chômeur poursuivi par la haine de Georges-Louis Bouchez et qui, malgré cela, applaudit aux propositions contraignantes du président du MR.
Ce décompte lapidaire du 1 à 99 laisse de côté les inégalités liées aux diplômes et aux successions. Il camoufle le rôle joué par la bourgeoisie intellectuelle, qui, tandis qu’elle sert les 1 %, se représente dans le camp des martyrs du capitalisme. Cette couche sociale dans laquelle se recrute la plupart des philosophes, transmet ses privilèges à ses descendants, comme la bonne vieille aristocratie fleurdelysée et, mine de rien, après réflexion vote centre-droit.
Le sociologue anglais Michael Young a publié l’été 1957 « L’Ascension de la méritocratie ». Cinq cent mille exemplaires vendus feront entrer « méritocratie » dans le langage courant. Rédigé dans le sillage de 1984, de George Orwell, et du Meilleur des mondes, d’Aldous Huxley, c’est une dystopie (fiction dépeignant une société sans espoir et désespérée), le cauchemar d’un monde moderne dirigé « non pas tant par le peuple que par les gens les plus intelligents », mais par un ordre social qui se perpétue par l’école, qui transmute les privilèges de classe en « dons » et « mérites.
Cette tyrannie exercée par les diplômés de l’enseignement se perpétue jusqu’en 2034 dans la fiction. La pandémie raccourcit le temps d’attente. Nous y sommes. Au prétexte d’une « égalité des chances », les talentueux s’élèvent au niveau qui correspond à leurs capacités, et les classes inférieures sont réservées aux moins capables. Le régime honore ses héros, les scientifiques, les technologues, les artistes et les politiciens formatés pour un Rôle officiel des lois et de la gestion du pays.
Dans cette optique, c’est la composition du gouvernement des « intelligents », tous professionnels, plus avocats qu’autre chose, chargés de produire des connaissances, de reproduire l’élite, d’administrer l’État et les entreprises. Meilleurs disant que cultivés, leur principale préoccupation c’est d’empêcher les timides, les bègues et les intravertis, généralement sans diplôme, d’entrer en concurrence avec eux. Aucune autre catégorie socioprofessionnelle n’a vu ses effectifs monter en puissance aussi rapidement. Incarnations sociologiques des sociétés « postindustrielles » tournées vers le savoir, ils étaient en France 900 000 en 1962 ; ils sont aujourd’hui plus de 5 millions.

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Ces individus « têtes de gondole » nous ne pouvons passer à côté sans les voir. Ils affichent leur prospérité comme un droit, perçoivent chaque mois les dividendes de leur capital éducatif et culturel. Ils détiennent le pouvoir de prescrire, savent de quoi nous souffrons et délivrent de précieux diagnostics. De même dans le social et la conduite de l’État, ils savent ce dont nous avons besoin tout en nous prévenant que nos prétentions sont d’avance impossibles à satisfaire.
Un pur produit de cette société, Georges-Louis bouchez, perçoit un salaire pour un métier qu’il n’exerce pas (sénateur coopté) et se permet de juger indécent qu’un chômeur ait droit à une pension égale à celle d’un travailleur.
Les professions intellectuelles écrivent l’histoire de tous les groupes sociaux, y compris la leur. Et c’est peu dire qu’elles se passent la pommade. Il me plairait d’élire un ébéniste, un monteur en charpente ou un bon mécanicien, premier ministre. Ces gens qui nous dirigent actuellement son tellement mauvais qu’ils concourent à la perte de la Belgique en attendant celle de l’Europe.
Les classes les plus instruites se dépeignent dans leur délicate singularité, détaillent leurs courants de pensée, polissent leurs désaccords, comme s’il n’y avait que d’eux dont le monde dépendrait !
Une forme de matérialisme rudimentaire s’applique à l’étude des classes populaires, tandis que les subtilités théoriques sont réservées aux classes cultivées. Il faut, pour rétablir l’équilibre, considérer les intellectuels non plus comme une série d’individus uniques, mais comme un groupe social, avait déjà subodoré Pierre Bourdieu, dans « La distinction ».
L’histoire ne rend pas compte des vraies valeurs. Elle retient plus souvent le rôle des couches lettrées dans les beaux rôles décisifs, tandis qu’elle minimise leur implication dans les épisodes les moins glorieux. « Vichy, dès 1940, fut, plus qu’aucun autre, le lieu grouillant d’experts et de membres des professions libérales, au service de Pétain, au service des Allemands, souvent les deux pour la plupart ! Et juger Vichy, c’est juger l’élite française » Robert Paxton.
En Belgique, on a vu la collaboration de pratiquement tous les grands parents du panel industriel actuel avec le Troisième Reich. Il est vrai qu’on en trouve rarement derrière Léon Degrelle à Tcherkassy, laissant la besogne de massacreur à quelques dévoyés des classes inférieures.
Le libéralisme (mot moins voyant que capitalisme) n’a pas transformé la nature du travail ; à mesure que la révolution industrielle renforçait le poids des diplômés, on assistait à la domestication des masses.
Que font les élites intellectuelles, sinon être les intendants des riches ? Les propriétaires leur délèguent la supervision des affaires, le contrôle des ouvriers et l’organisation du travail. Leur grand nombre au sortir des écoles aujourd’hui pourrait demain bouleverser l’ordre établi et ramener leurs salaires à la hauteur d’un Bouchez qui devrait vivre de son métier d’avocat.

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