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Le nationalisme russe.

Ce serait une erreur d’imaginer Poutine en despote absolu entraînant derrière lui, de gré ou de force, tout un pays, à la reconquête de l’Empire soviétique. Lui qui déteste tant les Nazis et qui abomine leur chef, est à peu près au même type d’organisation que le National-socialisme allemand. Moscou à ses faucons, comme depuis le Berghof, Hitler avait les siens.
L’invasion de l’Ukraine par Moscou est la suite d’un long cheminement d’un courant de pensée né à la chute de l’Union soviétique. Il n’est pas fait d’anciens moscoutaires rancis dans le communisme, mais de nationalistes rêvant d’une confrontation militaire et civilisationnelle avec l’Occident.
Ce sont les vrais conseillers de Poutine, engagés personnellement dans un combat dans lequel se mélange l’encens de l’orthodoxie, la nostalgie de la monarchie tsariste et la griserie de la vision d’une carte de l’Europe sous-continent d’une immensité du plus vaste pays du monde.
Si l’influence de ces faucons n’était pas pressante jusqu’en 2014, la prise sans combat de la Crimée a été le départ d’une nouvelle perception géostratégique donnant à penser que toute la population ukrainienne, à part un petit noyau autour de Kiev, était de la même farine. Le cercle nationaliste galvanisé par le succès a contribué au mouvement qui a fait basculer Poutine dans une autre guerre de réappropriation.
Une chercheuse de l’INRI, relate dans le Monde diplomatique une interview du 26 février, le jour de ses 84 ans, de l’écrivain russe Alexandre Prokhanov en direct du cockpit d’un avion d’attaque survolant l’Ukraine. Sous ses yeux, son rêve de reconstituer l’empire soviétique prenait forme dans la violence : « Je survole la terre noire ukrainienne que les chars russes traversent, corrigeant la blessure monstrueuse commise contre l’histoire russe en 1991. (…) Aujourd’hui, nous nous marions à nouveau avec l’Ukraine. »
Prokhanov rassemble des intellectuels nostalgiques de la Russie impériale traditionnelle et l’establishment politico-militaire soviétique opposé à la libéralisation du pays emmenée par le dernier dirigeant soviétique, M. Mikhaïl Gorbatchev. Tout au long des années 1990, le journal fondé par Prokhanov, Zavtra (« demain »), devient le point de ralliement de l’opposition au président russe Boris Eltsine. Parmi les chroniqueurs réguliers, on compte des partisans de Joseph Staline, des nationalistes, des prêtres orthodoxes monarchistes ou encore des musulmans traditionalistes. Ce mélange éclectique se noue autour d’une critique virulente de la démocratie postsoviétique, de la libéralisation de l’économie, du pouvoir des oligarques, de l’occidentalisation de la société et de l’hégémonie américaine sur l’ordre international. « Eltsine a tué 2 200 000 Russes », titre Zavtra en 1995, accusant la politique économique du président de perpétrer un « génocide ». (Le Monde Diplomatique)

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Que veulent ces gens dont la plupart seront, plus tard, des conseillers et des amis de Poutine ? Ils ont tous une aspiration commune : la reconstitution d’un État fort qui serait la revanche d’un État faible et humilié sous l’appareil communiste de Gorbatchev.
La parade de 60 km de long des tanks russes traversant l’Ukraine de part en part et recevant des torpilles au lieu des fleurs d’une population en liesse, mit sans doute fin au rêve éveillé de Poutine qui n’avait plus, dès lors, que l’alternative de reprendre « son bien » par la force.
Le carnage allait commencer.
Marioupol, la cité portuaire de la mer d’Azov, assiégée depuis plus d’un mois – mais pas tombée aux mains des Russes –, a rapidement été une cible prioritaire des forces armées de la Fédération de Russie. Jeudi, au 36e jour de l’offensive militaire russe, Marioupol était détruite à plus de 90 %, et la pression était encore loin de faiblir alors que Moscou a dit, le 26 mars, concentrer ses efforts sur « la libération du Donbass » et de l’est de l’Ukraine.
Aujourd’hui, on n’est pas certain que Poutine finisse par se contenter du Donbass dans des accords dont il semble vouloir agrandir les frontières du côté de la Mer et de Marioupol.
Il a surtout besoin de quelques mois, histoire de reconstituer son armée passablement meurtrie, éparpillée en plusieurs corps sur tout le territoire ukrainien.
Un regroupement signifie aussi des départs et des arrière-gardes harcelés par les troupes ukrainiennes. On a vu comment les Russes se retirent des villes qu’ils abandonnent.

Soutenu par les pays de l’Otan le système défensif de l’armée ukrainienne a fait plus que se défendre. Ses effectifs les plus importants entourent le Donbass, les deux semaines qui suivent seront sans doute cruciales pour que l’on puisse se déterminer à faire des pronostics sérieux sur la fin du conflit.
C’est tout de même étonnant que cet immense pays s’acharne à la possession en Europe de ces « quelques arpents » de blé de la vaste plaine ukrainienne, alors que c’est sur le fleuve Amour face à la Chine que se jouera demain son destin.
Les Américains n’ont pas fini de tirer profit de cet acharnement de Poutine sur l’Europe. Pour eux, c’est un face à face pour lequel l’Ukraine est leur champ de manœuvres. Ils cèdent du matériel à tout va à l’Ukraine et ils vendent à prix d’or leur F35 à l’Europe, dont personne ne voudrait en d’autres temps. Au Pentagone, ils se régalent des images de leurs drones en ballets grandioses sur tous les théâtres des opérations. Ils se sont persuadés que l’Armée de Poutine n’était pas si terrible et que les généraux russes de 2022 ne valent pas ceux de 1943.

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