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Passage à vide ?

Ah ! ce que nous pouvons être primesautiers et presqu’au moindre épiphénomène préoccupés par autre chose, dissipés, aussi vite désintéressés que nous étions intéressés.
Ainsi de la guerre en Ukraine, affreux bouleversement des consciences et peur collective pour tous ces pauvres gens, des Européens comme nous ! Puis, peu à peu, à l’approche des vacances, d’autres préoccupations prennent le pas.
Les réservations dans les hôtels « pas chers » font ouvrir le catalogue et courir les agences. On bute sur une ancienne pub d’avant février, mois de l’invasion. Elle invite à tout voir de Saint-Pétersbourg en dix jours. On téléphone, l’agence n’existe plus. On retombe sur terre en lisant la date de la pub : janvier 2022 !
On s’est habitué à la guerre en Ukraine. Les milliers de morts par les actions « crimes de guerre » de la soldatesque, quasiment bolchevique, ne surprennent plus. Des civils, poignets ficelés dans le dos et morts d’une balle dans la tête, on passe sur l'info, comme on passe sur les prévisions de la météo. .
Bah ! après tout, c’est une guerre comme toutes les autres qui ne nous touche qu'en fait-divers. Cela s’est passé ailleurs, comme le martyr d’Alep, en Syrie, dévastée par un tapis de bombes de l’aviation russe, au service de Bachar el-Assad.

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Après tout, il y a des pays qui attirent le malheur. Peut-être aussi qu’en Ukraine on meurt plus facilement qu’ailleurs, son ancienne appartenance à la Russie des tsars y est probablement pour quelque chose.
Les chaînes de télé, les gazettes et tout ce qui fait l’info ont compris qu’il valait mieux ne plus diffuser trop de nouvelles « du front ». Elles se bornent à des rappels. Le centre commercial de Krementchouk, avec un millier de civils pulvérisés par les bombes à sous-munitions interdites par la Convention de Genève, oui, peut-être… Ces tueries épouvantables qui auraient « fait » l'actualité en mai, sont statistiquement moins intéressantes qu’une étape du Tour de France cycliste, en juillet.
L’angoisse de cette guerre de proximité voulue par « un fou » nous préoccupa, jusqu’au jour où on se persuada qu’elle se bornerait à la seule Ukraine,
Bien évidemment l’empathie pour des Européens malheureux et la solidarité première sont restées, mais en toile de fond dans nos consciences. Les élans de solidarité se sont peu à peu taris des audacieux lançant leurs véhicules à travers la Pologne pour offrir à quelques familles ukrainiennes un toit à Liège et environ.
Que voulez-vous qu’on vous dise, la Guerre de Troie n’aura pas lieu, la troisième mondiale n’est pas encore pour cette fois. Ramenée à un fait-divers à répétition, la guerre en Ukraine a beaucoup souffert dans l’actualité du procès Johnny Depp – Amber Heard. C’est fou comme ce minuscule événement entre des époux séparés dont tout le monde devrait se détourner, a monopolisé quasiment toutes ls curiosités, faisant tomber à l’arrière-plan la destruction de Marioupol !
Quand, entre deux révélations intimes du show des deux américains, on en revient à une ixième tuerie des armées en présence, au lieu de l’indignation que nous eussions ressentie seulement deux mois auparavant, nous monte à l’esprit notre impuissance à tenter quoi que ce soit pour changer les choses. C’est le même phénomène que l’on ressent en politique, quand après avoir voté pour un programme d’un parti, on s’aperçoit que celui-ci arrivé pouvoir, ne tient absolument pas ses promesses.
Si on mêle à cette impuissance une lassitude des onze mois de travail qui précèdent, il nous revient le droit de penser un peu à nous et aux vacances.
Le conflit est toujours là, sans plus y être vraiment, comme du passé raconté au présent. On l’engrange dans les grands événements que l’on aura vécus, comme ceux qui ont vu la guerre de Quarante, mais c’est pour nos enfants, plus tard, quand ils seront à l’âge de comprendre, ce que nous aurons « souffert », oui souffert, avec les pauvres Ukrainiens.
L’Europe a fait beaucoup en acceptant la candidature d’un pays en guerre pour passer la serpillère sur les petites salissures de nos cœurs « meurtris ». Les gazettes nous y ont révélé les oligarques et la corruption des politiques, au point que certains journalistes se sont posé la question de savoir si une partie de nos dons et envois de matériel de guerre n’ont pas été détournés par des maffias ?
Pour l'Ukraine, un plaidoyer pro-domo est nécessaire. La lutte contre notre indifférence est vitale. Ce conflit oppose deux pays aux puissances disproportionnées. L'Ukraine a besoin pour sa survie du soutien occidental. Ce soutien est maintenu, parce que le peuple de l’Union Européenne s’est impliqué dans le conflit. Il a pris conscience qu’une Ukraine enchaînée à un empire où règne un dictateur n’augurerait rien de bon pour l’Europe. Les vacances, admettons un passage à vide, pas trop longtemps quand même !

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