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Liège, ville morte ?

Liège n’est plus une ville où l’on musarde et où il fait bon vivre. Les tranchées du tram ouvertes un peu partout ajoutent à l’impression, mais la maussaderie ne vient pas de là. Son origine est lointaine, bien avant la crise, dans ces dix années qui vont de 1990 à l’entame du troisième millénaire. Elle se propage par la disparition des commerces du Centre, de l’impression de désolation qui en résulte. Trop de vitrine sans étalage, de rideaux baissés sur un dernier acte de départ définitif, de bouche-trous entre deux survivants à la vente au détail, d’une publicité pour faire croire qu’on va rouvrir, comme au Passage Lemonnier.
À la décharge de Liège, l’effondrement des Classes moyennes est une conséquence de la crise, de l’inflation, et de tout ce qu’on colporte après avoir lu dans les journaux, les mauvaises nouvelles sur la conjoncture, la guerre, la cherté de l’énergie, etc. Elles ne sont pas inhérentes à l’atmosphère délétère de la Ville, mais procède de l’effondrement d’une mondialisation de l’économie et d’un attentat contre les travailleurs, lesquels clients et commerçants de Liège ne peuvent rien.
Liège n’a plus une vraie presse locale, avec la vente à Rossel du journal La Meuse, réduisant cette gazette aux petits potins et faits divers à la poursuite desquelles courent d’un commissariat à l’autre, une rédaction squelettique. On se souvient de la rivalité entre le Journal La Wallonie et le journal La Meuse, malgré le manque d’aménité et de sérieux, nous avions quand même deux opinions différentes traitant de notre avenir.

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Liège n’est plus la Ville des esprits libres, la tête près du bonnet, du franc parler et du bien dire. La Cité ardente a oublié l’honneur d’être la dernière grande Ville francophone à la frontière du monde germain. Elle n’a plus de ces personnages politiques haut en couleur, grandes gueules ou esprits fins qui lui donnaient de l’importance dans les grands partis MR, PS et Engagés (ex CDH).
La mort d’André Cools en 1991, suivi quatre ans plus tard de celle de Jean Gol fut le signal de cet appauvrissement. Bien des Liégeois – même venant de la périphérie – Ans, Herstal, Seraing… ont été en politique des poids lourds qui ont permis à la Ville de Liège de peser à la Région et au Fédéral.
Quelques années plus tard, dans cette décennie précédant l’an 2000, le PS tombait aux mains des Hennuyers à la tête desquelles Élio Di Rupo intriguait pour Mons. Le MR émigrait au Brabant Wallon avec la naissance du clan Michel. Jean-Pierre Grafé ne faisait pas le poids devant Gérard Deprez qui en 1998 fondait le MCC, suite au refus de Joëlle Milket de fermer la boutique du PSC. L’un et l’autre avaient établi leur quartier général à Bruxelles, tournant le dos à la Ville.
Il restait quelques pointures à Liège : Guy Mathot (Seraing) et Guy Coëme (Waremme), emportés par la vague des affaires et impliqués dans les méandres du dossier des hélicoptères Agusta. Michel Daerden, bourgmestre d’Ans en 1993 et l’actuel Bourgmestre de Liège depuis 1999, Willy Demeyer.
Jean-Claude Marcourt (Awans), chef de cabinet de Guy Mathot (1992-1994) est l’homme qui monte à l’époque, au sein de la fédération liégeoise du PS.
De ces années charnières, date le déclin politique de Liège jusqu’à nos jours.
La récente décision de Christine Defraigne (MR) de quitter la politique dès la fin de son mandat de Première échevine de la Ville, laisse vacante la place d’une pointure à trouver dans les milieux libéraux. Cette fin de règne, avait été, quelques années auparavant, précédée par le départ pour Uccle de Didier Reynders.
Ainsi de capitale d’une principauté, Liège est devenue une ville provinciale, peuplée de gens courageux mais démoralisés.
Il reste cependant une forte personnalité, Raoul Hedebouw, président du PTB, Liégeois assumé pour un parti qui monte.
Ce parti à la gauche du PS n’entend pas entrer dans une coalition gouvernementale et participer ainsi, par devers lui, à la survie d’un système économique qu’il estime contraire aux intérêts des gens du peuple.
Sans entrer dans la cuisine interne du PTB, ce refus à quand même un sens négatif dans le cadre de cette chronique touchant aux origines de la dépréciation de la ville, puisqu’ainsi ce parti n’entend pas s’illustrer dans l’organisation d’un renouveau actif.
Peut-être les temps ne sont-ils pas encore venus ? À supposer – ce qui est probable – qu’une élection place le PTB au-dessus du score du PS, devenant ainsi le premier parti de Wallonie, quelle serait sa position dans la composition des gouvernements Régionaux et Fédéraux ?
On n’en est pas là. L’immédiat étant de redonner à Liège la place qu’elle occupait avant son déclin.
L’économie locale n’est que le reflet d’une économie mondiale malade, d’une mondialisation ratée et d’un obstination imbécile des autorités européennes de sa poursuite malgré tout. Cependant le dynamisme local ayant disparu, les Liégeois lucides sont conscients que leur propre défaitisme est en partie responsable du dépérissement de la Ville.

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