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LA SUJÉTION.

Du premier regard, cette société est simple. Elle est fondée sur l’art de faire travailler le plus grand nombre pour les seuls bénéfices de quelques-uns. Ce n’est que lorsqu’on ouvre une montre Piaget que l’on se rend compte de sa sophistication. Elle n’a malgré tout que la fonction de marquer l’heure, comme une Seiko à vingt euros.
L’économie, c’est pareil. À part faire produire ce qui fera le bonheur de quelques-uns et le malheur de tous les autres, elle se résume à peu de choses en surface. C’est à l’intérieur que ça se complique à l’infini et qu’il y faut des règles. Les riches sont des prédateurs. Ils ont tendance à se voler les uns, les autres. Ils se donnent des règles à la fois pour le plaisir de les contourner et en même temps parce qu’elles sont nécessaires pour la préservation d’une certaine harmonie et répartition de ce qu’ils tirent du travail de la masse.
Pour que tout marche à la baguette, il suffit de promener l’âne avec une carotte qu’il ne peut atteindre. Le pauvre tire la charrette et son contenu pour un leurre. Le riche est l’être suprême. Il a des privilèges. Ils sont volontairement ostentatoires, sinon comment saurions-nous que la société le dorlote et que le bonheur suprême, c’est d’en être ! Il est en vitrine exprès. C’est lui qui s’expose et qui donne instruction à ses plus proches domestiques de publier son image à travers le monde.
La carotte est le gros lot d’une loterie internationale, tout le monde y participe. Il y a un gagnant sur dix millions de parieurs. L’astuce, c’est de faire croire que tout le monde peut gagner, ce qui est vrai. Mais, il n’y aura qu’un seul à manger la carotte.
Le martinet, dans les ménages à principes, est caché. Tout le monde sait qu’il existe. Dans la crainte d’être fouetté, on s’en va bosser par tous les temps de façon régulière dès l’aube et même bien avant.

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Le système est enfantin. Il suffit de rendre le travail vertueux en nous faisant croire aux qualités qu’il n’a pas et en gommant toutes les horreurs et les injustices qu’il recèle. Comme l’obéissance dans la servilité est contraire à la nature humaine, outre la crainte du martinet, il convient d’exposer un étalage de sanctions afin de dissuader les tire-au-flanc de croire qu’ils se font avoir. Quand le plus grand nombre est tombé dans le panneau, il suffit de lui montrer les récalcitrants, pour qu’il défende les vertus supposées du travail. Il remplace gracieusement la police du riche.
L’hameçon est gros, mais il s’avale.
La masse se rue sur les contrats de travail qui ne sont que les papiers d’un galérien volontaire au temps des rois, pour avoir le droit de ramer sur la galère, au même titre que les condamnés et les esclaves. Et il le devient d’une certaine manière sans le savoir.
Ce qu’il a signé, c’est sa sujétion à un maître.
La sujétion est la situation d’une personne soumise à une autorité, une domination souveraine, impliquant sa soumission. C’est-à-dire que l’inconscient signataire loue ses services moyennant rétribution en renonçant à toute initiative personnelle, horaire, genre de travail et cadence comprise. Il ne doit plus penser qu’à ce que le maître lui dit de penser. Il perd son libre arbitre, pour une sécurité aléatoire, le contrat pouvant toujours être rompu par la seule volonté du maître.
Le système fait passer ces contrats, pour des réussites assez rares pour qu’elles soient disputées entre les candidats.
Qui n’a jamais ressenti au travail ce que cela implique de servitudes en vivant dans la crainte de perdre les « bénéfices » du contrat ? Ce pouvoir du maître est une épée de Damoclès brandie au-dessus de la tête du malheureux qui oriente sa vie et la vie de sa famille, sur le renouvellement du contrat jusqu’à sa retraite. Ah ! la retraite… moment de grâce considéré comme une libération pour les uns et un enfer pour ceux qui ont pris goût d’une servitude qui agit comme une drogue. Ils souffrent alors de son absence. Cela hâte leur trépas, au seul bénéfice de l’Administration qui raie leurs noms du registre des pensions. Les autres font enfin ce qu’ils veulent de leurs journées, sauf que beaucoup n’ont plus l’allant, ni même les idées de liberté de leur jeunesse. On ne peut pas avoir vécu quarante ans dans la servitude, sans garder une trace des fers.
Fin 2022 le système dérape et perd pied dans des circonstances défavorables, des impondérables, de ce qu’enfin on a présenté comme vertu et qui n’était que des tromperies grossières.
L’attitude du peuple est étrange. Il avait fini par s’habituer à sa servitude. Sans harnais, le cheval de trait s’ébroue et galope libre dans la prairie, à l’inverse de l’Humain qui le réclame et s’inquiète de son absence.
Les animaux sous la contrainte ne renoncent jamais à recrouver leur liberté, à l’inverse des Hommes.

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