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Une admiration sans borne !

Vraiment, je suis béat d’admiration devant le judicieux équilibre !
Rien à dire, tout est à sa place dans le prodigieux puzzle.
Cette société m’épate !
Elle en a au moins… oh ! Jusqu’à épuisement des stocks et peut-être même au-delà, quand on en sera revenu à bouffer cannibale et qu’on se farcira tout l’hémisphère Sud !
Enfoncé Auguste, neveu de César et sa civilisation du Rubicond… J’en suis devenu con à faire reluire son rubis dans une délectation sans borne. Société de consommation je vous aime !
Tant d’ambitions contradictoires, de haines profondes, d’indifférences criminelles, de racisme viscéral sous d’apparentes ouvertures aux étrangers… se trouvent ici assemblés de façon si parfaite que je me jette à genoux devant l’édifice et moi qui ne crois à rien, j’y vois une intervention divine.
Le plus formidable décervellement jamais accompli après Adolphe…
Prenons un exemple : le type qui par droit divin commande à mille autres dans une entreprise et qui gagne son petit million d’euros par semestre, ce qui n’est pas trop, et qui commande les manœuvres légers de ladite qui n’arrivent pas à mille euros par mois, quelle est bien la parfaite règle qui contient les appétits de l’un et la contrainte des autres ? Les mille voudraient « progresser » et le « droit divin » les contenir dans des salaires « compatibles » avec les objectifs de l’entreprise qui consistent principalement à ce qu’il se fasse le plus de poignons possible. C’est une question d’équilibre chante Francis Cabrel dans son délire divinatoire.
La surprise, c’est que, dans une pétaudière aussi inégale, il y ait plus de pourparlers que de conflits. Le personnel et le « droit divin » s’affrontent, bien entendu, mais c’est en vaines parades, comme deux coqs qui se mesurent du regard, mais ne se battent jamais pour séduire la ménagère et son panier. Chose curieuse, c’est toujours le plus grand nombre qui se fait entuber. Dame, la bouche à nourrir implique l’anus. Le collectif social trouve cela normal, finalement.
Les mille vivent dans la crainte d’être supplantés par d’autres manœuvres légers au chômage qui travailleraient pour un salaire moindre, ou pire, du côté de l’Asie, des petites mains bien plus habiles que les nôtres coupant des shorts, façonnant des strings avec un euro par jour pour la nourriture et le logement. Elles font même des pipes en extra aux joyeux visiteurs qui ne craignent pas des retours encadrés et sous contrôle judiciaire… C’est dire les avantages…
Cela ne se dit pas. Mais cela se sait. Les syndicats en intermédiaires souples se paient sur la bête en cotisations syndicales. En contrepartie, ils peaufinent lois sociales et garanties supplémentaires en accord avec le patronat et l’Etat et la connivence du PS et du CDH.
Quant au « droit divin », il sait qu’il y a des limites à son appétit et il s’autocontrôle, tout en lorgnant vers des stocks option et des fraudes fiscales, conseillé par des juristes qui le mettent en garde contre le délit d’abus de biens sociaux.
Et cela marche comme sur des roulettes, si l’on excepte quelques effondrements spectaculaires dus à des exagérations et à des dents trop longues.
Comme on est sur les planches et que le théâtre est dans notre sang, les mirliflores socialistes et libéraux réunis, les couches profondes et la fleur de la Nation, les « forces vives » comme on dit à Liège, ne se contentent pas des faits, il leur faut encore donner au consensus une tournure morale.
Alors nous voyons l’antagonisme mou prendre les formes du devoir national, l’étron se changer en trois couleurs et nos théoriciens, en voltairiens involontaires, proclamer que nous sommes les privilégiés du meilleur des mondes possible ! Ah ! que la morale est belle et combien nous aimons en être les champions !
Bien évidemment, personne n’y croit. Tout le monde fait comme si et c’est cela la force du système, le mirobolant et honteux stratagème !
Tous au bobinard national, loi générale ! Là, il faut encore que la putain jure quand elle joint notre bout que ce n’est pas pour joindre les deux siens, mais parce qu’elle nous aime !...
Quand je dis que personne n’y croit, c’est une erreur. A force de sombrer dans les pires dépravations du raisonnement ou, à l’inverse, dans le non-raisonnement total, par inertie ou par excès de connerie, par vice ou par vertu, le discours de la juste société, dans une juste répartition des tâches et des profits, pour le bonheur du peuple et la tranquillité de la rue, sans oublier la paix des ménages, est le plus répandu sous nos climats.
Pourtant les gens d’ici ne sont pas victimes du « palu » et pas encore taraudés par la mouche tsé-tsé.
Mais rassurés par le discours lénifiant, usés par une information sous culturelle, abîmés des discours de Louis Michel, les voilà au seuil du gâtisme prématuré. La débilité mentale est assurée par dix générations d’instituteurs impuissants devant la montée de l’idiotie. Toutes les débâcles transformées sous chapiteau national en réussite sont permises.
C’est le sommet de l’art politicien d’être parvenu à nous en convaincre.
Notre formule : « J’adhère ».
La leur : « J’incarne ».
Ainsi, on a fait le tour du problème dans la satisfaction générale, comme on dit dans les gazettes.
On est tellement devenus cons par l’usage de cette rhétorique consacrée au système que plus personne ne voit comme on arase le verre de bière avec notre colonne vertébrale. Combien le premier comique troupier venu peut se foutre de notre gueule. Le comble, nous en rions avec lui.
Ainsi autre exemple : les taxes indirectes. Merveilleuse machine à tondre les imbéciles. Non. Non. Les modestes fraudeurs qui s’encombrent l’estomac, d’alcool luxembourgeois, les bronches, de cigarettes achetées à la frontière en même temps que le remplissage aux pompes à essence, ne sont pas des privilégiés. Ils font partie de la cohorte des secoués du porte-monnaie. A la limite se donnent-ils l’illusion d’une amorce de solution personnelle, mais tellement limitée...
Les marlous de la combine sont toujours les mêmes et se recrutent dans le vivier épatant d’où notre vif argent « droit divin » de tout à l’heure est sorti.
En effet, à mille euros le mois, le manœuvre léger qui se fait poinçonner 21 % sur le prix d’une bouteille d’eau de Spa, paie la même taxe que le « droit divin » qui se farcit un million d’euros le semestre. Vous voyez le genre ? Vous entrevoyez la disproportion ? Autrement dit, c’est l’artilleur de première ligne qui en prend plein la gueule et nourrit positivement les ambitions des forces vives pour une Europe sociale et démocratique, sur le temps que le « droit divin » passe au travers avec son magot.
Les exemples de ce type foisonnent. Mais, que voulez-vous, on ne les voit plus. L’analyse critique que nous avions naturellement en nous, s’en est allée au fil des raisonnements économiques. Et quand cela trébuche, le tocsin de la Nation en péril résonne à notre oreille comme un reproche. Des orateurs enflammés décrivent du haut de leur savoir les dangers d’attenter au profit. Depuis la lecture des bandes dessinées et le cinéma d’action américanolâtre, la génération in door s’est préparée au sacrifice. Ah ! elle est belle la jeunesse toute en tatouages et automutilations, elle n’attend plus que le camion de la voirie pour rentrer chez elle après la discothèque. Alors, qu’est-ce que vous voulez que ça lui foute le système ?
Oui, nous serions des ingrats de ne pas aimer la patrie, la démocratie, le système capitaliste. Plus je m’évertue et plus je trouve cela très beau. Vandeputte en concerto de Bach, Elio di Rupo en quatre dimension au ballet des planètes, et Verhofstadt aux drums : triomphe complet…
Dans ce pot-bouille les plus salauds ne sont pas ceux qui apparaissent à la fleur du moût, non, les plus salauds sont ceux qui entre deux eaux, la bourgeoisie assise et les « droit divin » au mégaphone, venus de tous les échelons, villages de la Belgique profonde, nous susurrent d’une voix aussi lasse qu’un papier de toilette qui aurait servi deux fois : « On le sait bien tout ce que tu dis. Mais, qu’est-ce qu’on peut faire ? ».
Mais rien, mon loulou, rien. La vie est belle. Toutes les femmes se couchent quand on a le matelas. Jouer les Prosper dans une société prospère, c’est youp la boum, formid… formidable.

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