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Montherlant sur la commode


La Reine morte de Montherlant.
Dans un atelier de peintre, on prépare activement l’événement.

L’Infante : Les princes mettent des lions sur leurs armoiries, sur leurs oriflammes… Et puis un jour ils en trouvent dans leur cœur. Vous avez vu son visage vert ?
Césare Concini : Qué vissage verte ? On dirait què tou fais oune poub per oune dentifrice à la chlorophylle…

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- C’est kwoua ça ? oune tablô per la Reya mouerte dè l’illoustrè Montherlanto ! Mallorose imbecile ! C’est oune tablô per la vôdeville. C’est immondice « Mets ton coulo sur la commode ». Et l’ôtre là, qui joue Inès après la formidabilè Madeleine Renno, c’est ounè ténue de pouta !... Ma la scèna à Mondego-Montemor avè Pèdro qui doit esposé l’infante… est grandè dolorose… Comment kè tou va dire « Cette dousseûre mêlange à la tristesso !... alors kè, jusqu’ô dicième rang tout lé mondo va voir ton coulo !!!! Si, Liegi è petitè, oune noullité artistico, ma la reputacioné dè l’incomparabilé do moa Modesto-Cesaré Concini, comé Concino, mio ancestro valorose, est en jeûûûg ! Nous sommes en Avignonné, ma poule… pas au théâtro minouscoulé et nauzéabonde dè la piazza del Yser !

Inès : C’est que j’ai parfois besoin de laisser reposer mes cheveux. Alors pendant une journée, je me coiffe en chignon. Seulement, cela donne un pli…
Césare Concini : Miserabelo Montherlanto, c’est oune texte impossibilé ! Comment y veut l’idiote d’autor qu’une star qui passe tous les jours dos hores chè coiffeûze pouisse dire céla !
L’Infante : Vos cheveux sont très bien, je vous assure ; ne vous en tourmentez plus.
Césare Concini : Stop. Jé déteste Montherlanto… et l’Infante et Inès… littératouré dès papillottes… frizoure dè pulcinella… gougousse…
Inès : Gugusse tu veux dire… parle pour toi…
Césare Concini : Ziré jusko boud… ô boud…
(Il s’arrache les cheveux)

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Quinze jours plus tard.
Hercule Savinien, journaliste : La foule des grands soirs pour la première de « La reine morte » de Montherlant. Jeanne Moreau dans les premiers rangs a essuyé quelques larmes. Les petites troupes de province, en l’occurrence ici, celle de Liège ont des acteurs formidables et plein de talent. On ne peut que saluer la performance de Madeleine Bovy, soixante quinze ans et arrière petite fille de celle qui fut une des reines de la Comédie française. Cette prestation était d’autant plus impressionnante qu’elle interprétait le rôle de l’Infante qui a dix-sept ans dans la pièce. Une nouvelle Sarah Bernard nous est née !
Le rôle d’Inès de Castro était tenu par la ravissante Maud du Bouhay dont la plastique a bouleversé les premiers rangs.
On devine le bonheur du metteur en scène d’avoir à conduire de pareilles interprètes.
L’audace du décor nous a surpris et enchanté. La toile « un cul sur une commode » du peintre parisien Antoine Antoine a été la petite touche de fantaisie qu’il fallait pour alléger ce sombre drame. Décidément, ce théâtre d’outre Quiévrain peut rivaliser avec les meilleures scènes parisiennes.
Hercule Savinien, journaliste à l’Eclair-Théâtre.
- T’as fini ton papier Hercule ?
- Ouais.
- C’est dommage. En dernière minute, la deuxième représentation prévue est annulée. Les ayants droits ont porté plainte. La brigade des mœurs d’Avignon a saisi le tableau d’Antoine Antoine. Césare Concini est introuvable. Jeanne Moreau a dit que c’était nul à chier. Quant à Maud du Bouhay, un spectateur l’a reconnue. Elle lui aurait volé son portefeuille dans la chambre d’hôtel où elle l’avait entraîné !
- T’as rien sur Madeleine Bovy ?
- « Les Heures bleues », une maison de retraite de Beaufays a signalé à la police la disparition d’une pensionnaire qui correspond au signalement de la nouvelle Sarah Bernard !
- Ah ! je les hais ces Belges… ça doit pas être facile d’être journaliste à Liège…

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