« Comme le temps passe !... | Accueil | La rue Félicien Content ? »

Un rôle à jouer.

Nous tenons bel et bien un rôle dans la vie de tous les jours, quoique nous nous en défendions. Jouer un rôle, n’est-ce pas poursuivre une vérité cachée, celle qui révèle ce que nous aurions voulu être ou qui met l’accent sur ce que nous sommes trop ?
Ce rôle est directement influencé par une hiérarchie sociale faite de conventions. Nous interprétons le personnage que l’on croit que nous sommes et puisque nous le jouons, nous le devenons effectivement.
1. Nos origines familiales ; 2. Nos études ; 3. Notre aptitude à exercer une profession, sont autant d’éléments qui nous fixent pour de longues périodes là où la troupe sociale dans laquelle nous évoluons honore ses contrats.
L’ensemble de ces paramètres nous situe dans la relation sociale et, par conséquent dans la société.
Nos originalités ne se conçoivent – sous peine de déchéance ou d’exclusion - que dans une situation familiale élevée permettant l’indépendance aux membres qui la constituent. Elle n’est pas ouverte à tous ; mais, à quelques-uns, voire à un seul. Nos études sont les critères les plus faciles et les plus rapides d’évaluation. En réalité, ces études brevettent la capacité d’entrer en service dans une branche d’activité, avec de bonnes chances d’y réussir ; mais ne sont en rien les preuves d’un niveau de création critique, en un mot de changer les rôles..
Comment se forger un rôle conscient dans ces simulacres ?
L’individu trouve dans la routine l’anesthésiant à la réflexion. Il n’est plus en mesure de réfléchir aux possibilités d’actions qui seraient à sa portée hors de la poursuite « d’une carrière » liée aux conventions et aux hiérarchies.
Sa routine s’est inspirée des précédentes et s’est enfermée dans des modèles éprouvés de stéréotypes.
Berger et Luckmann ont résumé les devoirs d’obligations comme suit : « Les institutions, par le seul fait de leur existence, contrôlent la conduite humaine en établissant des modèles prédéfinis de conduite, et ainsi la canalisent dans une direction bien précise au détriment de beaucoup d’autres directions qui seraient théoriquement possibles. »
Et nous voilà avec un matricule invisible mais tatoué quelque part dans notre cerveau.
« J’appelle snob une personne qui ne peut voir une duchesse sans la trouver charmante » dit Proust. Voilà deux exemples de statuts dont il serait difficile que les parties se départissent : la « personne qui ne peut voir » et « la duchesse toujours charmante », deux statuts complémentaires dont on ne saurait dire qui a le plus besoin de l’autre.
En risquant une formule, on pourrait dire que le statut est un modèle déterminé en vertu des valeurs d’actualité qui ont cours dans la société.
Le défaut de l’attribut de départ annule le statut. Si l’acteur social passe outre, son action devient illégitime, par exemple, un homme doué d’imagination et bon dessinateur, ne peut pas signer un plan d’architecture. On peut avoir les cheveux longs et une vie de bohême sans avoir jamais écrit aucune poésie ou peint un tableau.

03.jpgfr.jpg

La société surveille ses membres et les sanctionne lorsqu’ils s’écartent de leur statut.
Peu d’acteurs sociaux choisissent leur rôle, d’où dans une large diversité d’appréciation ce qui émerge est un mal être indéfinissable. Les comédiens sont saturés ou sous employés et encore mal distribués.
On ne choisit pas de courir derrière les machines robots afin de les approvisionner, mais la nécessité y oblige.
Le statut différencie les groupes sociaux et partant crée - que le veuillent ou non les partis politiques - des classes sociales reprenant des acteurs de la même condition, mais non pas des mêmes savoirs, ce qui engendre des tensions à l’intérieur et à l’extérieur des classes sociales.
Ce sont ces tensions qui, plus ou moins maîtrisées donnent des sociétés turbulentes.
Il n’est pas prouvé que la Belgique n’entrera pas dans une période de turbulence à partir du moment où se révéleront les antagonismes profonds jointifs aux intérêts des classes. Le bourgeoisisme n’est qu’un vernis dont beaucoup d’acteurs s’en réclamant, ne sont en réalité que les instruments du centrisme bourgeois.
Le personnel politique dispose d’un statut qui ne lui permet pas de déroger aux règles de conduite qui le condamne à défendre des intérêts qui sont en contradiction avec ceux, réels, d’une majorité.
L’action politique au niveau des groupes sociaux reste un argument de théâtre. C’est celui qui recueille le plus de triomphe ou d’échec d’une représentation à l‘autre, mais aussi celui aussi qui procure le plus de sensation à l’acteur, qui bénéficiera d’une popularité facile et de cachets élevés.

Commentaires

D'accord avec toi. FREUD disait que la civilisation est une névrose. L'ensemble des statuts sociaux et des étages hiérarchiques, tacites ou reconnus, nous régit et entre en conflit avec nos pulsions, d'où la névrose.La seule façon d'en sortir consiste à être aussi conscient que possible des mécanismes obscurs qui nous régissent et nous constituent. C'est comme cela que nous arrivons à relativiser le Monde de la Représentation.
Bonne année, Richard III!

Poster un commentaire