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Le démon de l’écriture.

Ainsi vont les choses, les techniques évoluent et ce qui semblait être incontournable, disparaît comme si cela n’avait jamais été.
C’est ainsi que l’imprimerie plomb dont l’usage remontait à Gutenberg, s’est effacée dans les années 60 au profit du système d’impression offset.
Avec cette mutation des techniques, les journaux et périodiques se sont adaptés, tant bien que mal. Mais, il était dit que la fin des linotypes, des courses bruyantes des grouillots, des ordres rauques des protes, des va et vient des journalistes procédant à des ultimes corrections sur « le marbre » et des correcteurs plume de coq à la visière brassant des morasses à peine sèches, allaient précipiter dans le vide les journalistes eux-mêmes.
Y a-t-il eu un effet de symbiose entre la technique et la plume ?
On ne peut pas nier que le plomb véhiculait des traditions parfois centenaires lesquelles entretenaient d’autres traditions, intellectuelles celle-là qui regroupaient en un seul corps les esprits qui nourrissaient le plomb de leur savoir et de leur opinion.

Évidemment, ce qui fait l’essentiel des problèmes de la presse aujourd’hui tient plus d’un souci de rentabilité et d’efficacité comptable dans un contexte où l’écrit cède peu à peu la place à l’image, qu’à la nature dénaturée des nouveaux professionnels.
J’ai cru longtemps que les journalistes faisaient leur malheur eux-mêmes, par leur manque d’audace, par l’abandon de l’esprit de polémique et par la soumission volontaire aux intérêts partisans de leurs employeurs.
Je m’étais trompé.
La presse se meurt parce que les mœurs ont changé et que les nouvelles générations de lecteurs se contentent d’aperçus sommaires des situations qui auparavant auraient fait polémiques au sein de la corporation.
Les typographes de jadis, dont la reconversion à l’offset ne se fit pas sans peine, ni sans déchets ont depuis longtemps abandonné la partie. C’est à présent le tour des journalistes de payer le prix fort des modifications de l’information.
On peut épiloguer sur la disparition prochaine de la presse écrite. Tout n’est pas encore joué. Certains organes de presse affichent une belle santé. Ils sont évidemment rares. Tout se passe comme si les nouvelles concentrations poussaient les lecteurs de moins en moins nombreux à se regrouper sur quelques titres prestigieux.
Mais, ce qui faisait l’intérêt de la presse à l’ancienne, c’était justement cette grande diversité dans l’opinion, dans les formules et dans la volonté toujours combattue par les directions de laisser les journalistes s’exprimer en toute liberté.
Les nouvelles concernant l’éducation des masses sont mauvaises. Faut-il attribuer le déclin de celle-ci à la volonté centriste d’exterminer les contraires ? Ou bien l’esprit critique qui venait aux masses dès la naissance, a-t-il battu en retraite devant le nouvel illettrisme ?
Les lecteurs disparaissent, les moyens mis à disposition pour les investigations diminuent. Les Agences de presse fournissent le plus clair d’une information internationale, non recoupée ou rarement. Tout cela contribue à faire de l’eau au moulin des détracteurs de la presse écrite.
C’est dans la logique capitaliste des regroupements et des licenciements dans des perspectives d’un avenir décidément bouché, qu‘il faut envisager toute perspective d‘avenir.
Ce n’est pas aux journalistes de passer ainsi la main, et comme le firent les corporations plomb de l’imprimerie du livre, faire une révérence et présenter au public des excuses d’être encore là.
Le défaut actuel se situe dans l’éducation des masses et le peu d’intérêt qu’offre l’écrit au vaste public. Celui-ci devrait savoir que si les journalistes disparaissent, c’est un peu de leur pouvoir démocratique qui disparaît avec eux.
La seule manière de faire pour sauvegarder cet outil essentiel de la démocratie, c’est de reprendre patiemment l’éducation par la langue à ceux qui jamais plus n’écrivent, ni ne lisent Le sauront-ils encore demain, au train où vont les choses ?
Les perspectives d’élection en France comme en Belgique ranime quelque peu le souffle moribond.
C’est en cette occasion le moment de faire sentir le besoin d’informations écrites.
Il est regrettable qu’une publicité venant de l’Education nationale ne vienne pas appuyer ce léger regain.
Seule source de satisfaction, mais qui concerne au-delà du journalisme classique ceux qui ont la passion d’écrire pour être lus, les blogs sur le NET sont en progression exponentielle. On y trouve le meilleur et le pire et il manquera toujours à cette nouvelle formule journalistique, le sens d’une certaine mesure, la rationalité informative, les sources sérieuses et surtout les recoupements nécessaires à toute information digne de foi.

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