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Les papiers-cul du Figaro.

Mais quel journal français faudra-t-il consulter pour avoir une information honnête de la situation de ce pays, cher à nos cœurs de francophones ?
C’est la question majeure qu’il faut se poser en ces premiers jours de janvier 2008.
La goutte qui fait déborder le vase, c’est le Figaro qui la verse par l’entremise de son propriétaire Serge Dassault sous la forme d’un éditorial du premier de l’an, rien de moins qu’en première page et avec la bénédiction d’Etienne Mougeotte, chien couchant et patron de la rédaction de l’entreprise.
Et encore, si Dassault s’était contenté de s’épancher d’une manière vague et générale, de sa plume hésitante et maladroite habituelle sur les sept plaies du monde, mais non, il parle aussi de Sarkozy « Nos encouragements et notre appui l'accompagnent pour réformer un pays dont les habitudes ont besoin d'être changées", écrit-il, soulignant que Nicolas Sarkozy "a déjà fait beaucoup en quelques mois ».
Apparemment, aucune protestation des journalistes du Figaro, si ce n’est une timide demande d’audience afin de préciser les nouveaux rapports du propriétaire avec la rédaction.
Là voilà bien, la France des libertés, qui dorénavant, il faut bien qu’on le sache, avec Dassault au Figaro, Alain Minc au Monde et le groupe Lagardère pour le reste ne doit plus compter sur la pertinence et l’impertinence de la presse pour donner à la critique et à l’opposition une voix régulatrice et tempérante du pouvoir.
Les habituelles pressions sur les dirigeants du service public audiovisuel complètent cet embargo sur la pensée. Il ne restera plus aux récalcitrants qu’à s’expatrier comme le fit jadis Voltaire, qui avec d’autres, se fit éditer en Hollande.
Les temps sont venus de la race moutonnante qui ne trouve rien à redire à ce scénario, puisque
cela ne suscite pas de révolte citoyenne. On dirait que les Français sont pour moitié les héritiers de la tradition politique libérale léguée par le bonapartisme, relayée par le pétainisme et qui empêche l’autre moitié d’avoir accès à l’expression, ce dont cette dernière se satisfait ! Il est vrai que l’argent, devenu le moteur de tout, est exclusivement dans les mains des nouveaux camisards aux ordres de Sarkozy et qu’il noie et corrompt la pensée des derniers opposants.
Perdu dans le trou noir où est tombé le PS, monsieur Lamdaoui, le porte-parole de Hollande, aura vainement déclaré : "Les amis milliardaires patrons de presse de Nicolas Sarkozy ont transformé leurs médias en nouvelle Pravda du pouvoir", mais qui s’en soucie encore ?
Pour se consoler, les nostalgiques de la pensée libre recommandent la lecture d’un livre paru il y a nonante ans (quatre-vingt dix pour les interdits de lecture du XVIme arrondissement) d’Antonin Périvier « Napoléon journaliste ».
On se console comme on peut.
L’Histoire nous l’a à maintes reprises démontré, quand on en est là, la rédemption ne proviendra pas d’un remue ménage des citoyens, puisque ceux-ci sont anesthésiés et désinformés, mais du pouvoir lui même qui ne se sentant plus contrôlé finira par tomber dans des excès qui précipiteront sa perte.

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C’est du pourtant très conservateur « Financial Times », c’est-à-dire de l’étranger, que vient cette critique pertinente : « Observer Nicolas Sarkozy gouverner la France, c'est un peu comme regarder un homme craquer des allumettes dans un entrepôt plein de feux d'artifice : il y a des étincelles, du bruit et de l'excitation, mais aussi une peur agaçante que tout peut exploser. »
Ce qui ne manquera pas de se faire.
Les Français sont ainsi fait. Ils sont indifférents souvent, accablés par les soucis du quotidien, ils ont, pensent-ils, autre chose à faire que s’occuper de politique. Assez midinettes, ils aiment que les dirigeants républicains soient en réalité leurs anciens rois de France qui paradent dans un Versailles encore debout, revenus spécialement pour eux. C’est quand le rêve devient cauchemar que les bastilles tombent. Ce qui complique les sautes d’humeur, c’est qu’aujourd’hui, le pouvoir financier local est relayé et imbriqué dans le pouvoir financier mondial. Faire tomber des têtes dans la sciure à Paris, ne résout pas le problème ; car le despote est invisible, tant il peut être ailleurs et intouchable. C’est ce que se disent les mondains de gauche dans des salons désertés.
Alors, voilà les Français spectateurs d'un soap-opéra présidentiel. Une fiction, et ce n'est pas un hasard, puisque les Français eux-mêmes vivent la fiction du « héros » président de la République.
Tout chez le nouveau maître ravi. Le délai de viduité non respecté après le divorce, l'avion privé de Bolloré après le yacht, le quart d'heure de retard à l'audience du pape au cours de laquelle il consultait sans se gêner son portable : ces façons cavalières ne montrent pas seulement la personnalité d'un homme quelconque, elles signifient aussi une manière de faire de la politique, qui se résume à l'aventure personnelle de qui se veut au-dessus des lois du commun.
Voilà déjà le hic : le président discoure de tout bien plus qu'il n'agit. Ses actions décrites restent dans son imaginaire. Ce sont des numéros d’acteur. Fabrice Luchini devrait apprécier.
La presse croupion va pouvoir se régaler.
Cet homme là chie de la copie pour elle. Mais voilà, ce n’est pas la presse qui s’abaisse, mais les journalistes pour la ramasser… C’est ainsi que déjà les gens du Figaro écrivent sur du papier-cul.

Commentaires

Du sarkozysme comme politique-fiction, par Edwy Plenel Journaliste.

C'est un livre introuvable que l’on peut dénicher en flânant chez les bouquinistes des quais de Seine. Quoique paru il y aura bientôt quatre-vingt-dix ans, en 1918, il semble encore d’actualité devant le spectacle médiatique français. Antonin Périvier, son auteur, qui finit directeur du Figaro, commit chez Plon ce Napoléon journaliste, inimaginable dithyrambe bonapartiste d’un Empereur promu « journaliste assurément le plus vibrant » et sacré « véritable écrivain-journaliste ». Lequel Empereur, inventant la version moderne du contrôle de l’information, par l’assujettissement des hommes et par la maîtrise de l’agenda, voyait d’abord la presse comme une menace à juguler. Tardif, l’aveu fut fait à Saint-Hélène : « L’abandonner à elle-même, c’est s’endormir à côté d’un danger. » (... ...)

La suite dans Le Soir :
http://www.lesoir.be/forum/chroniques/en-dehors-du-sarkozysme-comme-2008-01-04-569542.shtml

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