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Bérénice en mutation romantique !...

C’est fait comme ça les élites : on fait chier son monde pendant le temps d’une grossesse. L’Etat n’accouche pas d’un gouvernement. Tant pis, on attendrait bien encore un petit moment de six ou douze mois, mais le bas peuple s’impatiente. On dit même qu’il n’aurait pas tort, puisqu’il a perdu 450 euros de pouvoir d’achat et qu’on lui en propose 20 !
On jase dans les élites : il faut faire quelque chose.
Béatrice au théâtre croisait et décroisait les jambes. La jupe à mi-cuisse livrait à mon regard, le nylon noir de la fin du bas, plus loin commençait la chair rose. Sur la scène des besogneux égrenaient les Fleurs du mal, avec si peu d’allant que Béatrice bailla.
Le public était venu pour Bérénice.
Le Théâtre du Chaudron avait cru intelligent d’allonger le drame de Racine par un prologue baudelairien.
Verhofstadt qui n’a rien foutu tout au long de la législature passée et qui a mis dans les frigos de l’Etat tous les sujets gênants ; mais qui est aimé principalement des Wallons (Allez savoir pourquoi ?) gagne la sortie sur la pointe des pieds. On le rattrape par le veston.
-Tu ferais bien sauveur du royaume jusqu’à fin mars ?
-Le temps que Leterme referraille pour le compte du CD&V ? C’est entendu.
Voilà Monsieur Dents du Bonheur qui ficelle un gouvernement et s’embringue avec l’Octopus pour faire deux paquets de réforme. Le premier pour lui : quelques babeluttes pour les Wallons et le second avec tout le reste pour Leterme, c’est ce qui s’appelle un travail rondement mené.
Leterme que Verhofstadt a bien voulu prendre au budget s’angoisse en pensant au 23 mars. Il en fait une hémorragie intestinale à cause de l’hémorragie des finances publiques.
Didier Reynders abat sa carte favorite l’as de pique et formule des vœux de prompt rétablissement à proximité du nez de quelques CD&V-NV-A qui croient mourir empoisonnés de fétidité. .
Béatrice est poète. Il faut qu’on l’admire et qu’on achète ses livres. Ne pas oublier de la suivre partout où elle dédicace ses œuvres. Et même après des journées d’assiduité, on ne sait jamais à l’avance si elle couchera ou si elle ne couchera pas. Comme elle s’ennuie, je mets à tout hasard, une main sur le grain fin du bas. Mon auriculaire touche son porte jarretelle. Elle rabat les pans d’une jaquette à l’originalité provocante sur mon entreprise audacieuse, quoique nous soyons dans un renfoncement qui fait la particularité du Théâtre, alors que notre premier voisin est devant nous.
La soirée s’annonce moins morne. La Charogne s’enlève, juste après les Chats. L’artiste qui s’était planté le plus revient en scène. Il va dire quelques mots, présenter des excuses ? Non. Il salue et s’en va.
Je touche au slip rose. Je dis qu’il est rose, parce qu’il y a quelques temps, dans le bureau de Béatrice à l’étage, il était posé sous le soutien-gorge du même ton, sur une chaise devant moi, tandis qu’elle s’était absentée, volontairement, laissant ses dessous vacant à vue. C’était un signe. Nous n’en étions encore qu’au Béa de Béatrice. Et ce soir au Théâtre du Chaudron, en lui enlevant le manteau au vestiaire, par-dessus son épaule, j’avais vu le fameux rose fuschia de son soutien-gorge, qu’elle appareille au slip et le Rouge à lèvres n°18.
Les trois coups annoncent Bérénice. Les craintes qu’elle me parlât de son angoisse à tromper Léopold, le père de ses enfants, furent vaines !...
Mais tout à une fin. Le budget se rétablit avec Leterme dont ce sera la rentrée triomphale le 3 mars. La Flandre respire et Leterme aussi. Renseignement pris : tous les médecins étaient linguistiquement corrects.
Les élites, il faut que vous le sachiez, se transforment à vue sans que le rideau de la salle soit baissé. Leterme fait encore partie de la troupe jusqu’au mois de juillet. Après, on ne sait pas. Tout dépendra de la NV-A., son impresario.
Alors, il en profite, son beau visage buriné par le travail et l’effort se voit jusqu’à l’amphi.
Il s’avance. On ne le remarque pas tout de suite, puis on ne voit plus que ça : il a changé !
Du reste, il le dit lui-même. Costume gris clair, col ouvert, chandail gris, ce sont bien ses vêtements, mais il les porte autrement, avec un peu plus de désinvolture et sans l’emprunt d’un rude marin de la côte.
Il est moins pâle. Il a le visage buriné par les embruns de la climatisation de l’hôpital de Leuven.
Il va faire de la politique d’une autre manière.
On a cru longtemps qu’il ne savait pas en faire. Eh bien ! c’était une erreur.
S’il a dérapé le dernier semestre de 2007, c’était pour étudier son nouveau rôle. Il est entré dans son personnage en sortant de la clinique.
On sent percer sous le ministre du budget, la mâle assurance du premier ministre de nos futures victoires.
Il parle. Sa voix monte et s’enfle.
C’est Titus qui clame à Bérénice la renonciation, le sacrifice, le devoir, l’amour de la patrie en même temps que son amour de cette belle étrangère, sans doute Wallonne.

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Le public est ravi. Il entonne réellement avec lui la Brabançonne. La voix de Leterme est couverte par la salle. Il peut chanter la Marseillaise, on s’en fout.
Le sort nous le rend donc frais et dispos pour le 23 mars, plus équilibré, plein de sagesse et de calme, l’enthousiasme intact et avec la même ouverture.
La représentation touche à sa fin.
Je retire ma main consolatrice des ennuis du spectacle. J’en respire le parfum fauve. Il y a comme une atmosphère des poèmes de Baudelaire, comme si la prestation des acteurs avait été sauvée par mon geste audacieux. Cela va me coûter un tirage limité sur vélin, en peau d’antilope de son épithalame « Le Vaillant de la berge » drame familial, dédié à Léopold…
Ce n’est pas la bataille d’Hernani, mais on sent ce foutu romantique de Hugo remonter dans les sondages.
Il salue. On entend quelques vivats de voix féminine. Il remercie les personnes qui l'ont soutenu durant ses deux semaines d'hospitalisation, tandis que des mouettes de la Mer du Nord sont lâchées dans la salle.
Le reste se perd en traductions flamandes et sous les roulements de tambour d’une jeunesse en culotte courte, agitant des drapeaux.
YouTube et la technique encouragent Brutus.
Côté Cour, l’As de pique l’attend avec un faux nez et l’épée en bois de Pantalone.
Dehors, le public interrogé est sceptique. La représentation n’a pas tout à fait convaincu. Il aime Bérénice, certes, mais il la renvoie dans ses foyers.
-Est-ce ainsi que les hommes vivent ? dit madame Houard…
Laurette, elle, est ravie. Titus sera son formateur. Elle se voit déjà remplaçant Bérénice. La Wallonie, c’est elle, véritable incarnation !...
Béatrice est toute alanguie. Dans le porche, elle laisse mourir une main engourdie dans les profondeurs de mes braies entrebâillées… Il faut bien aux institutions catholiques, une maîtresse femme…
Quelqu’un fait remarquer que le public est toujours en perte de pouvoir d’achat de 450 euros.
Toute la troupe, grisée par la Première, l’avait complètement oublié !
Quant à Béatrice, elle s’en fout. Elle est de droite !

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