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Je pense, donc j'en suis !...

Les feuilletons, les horoscopes, les recettes faciles et la grille des mots croisés, qui avec l’art du tricot et le coin de pêcheur attiraient le lecteur peu difficile (l’exemple type est le conducteur de bus au terminus de sa ligne) ont disparu des gazettes. Avant cela, l’avènement de la pensée unique avait déjà tué l’originalité et le goût du pamphlet. Il fallait bien trouver le moyen de combler par des textes, l’espace entre deux publicités.
Des études sur la longueur du lacet de la chaussure de ville, la puberté des grenouilles et la fréquence de l’orgasme chez la femme sédentaire du monde occidental ont à point nommé comblé le vide qui menaçait.
Ces études sont d’autant plus péremptoires qu’elles ne se discutent pas, puisqu’elles sont le résultat des cogitations de ce qui se fait de mieux dans les universités les plus prestigieuses.
Quand un professeur de Berkeley écrit un livre pour situer la disparition du canotier entre 1932 et 1933 dans les Régions du sud méditerranéen, vous n’allez pas prétendre le contraire.
L’essentiel n’est pas là. Il est dans l’utilité de publier cela dans les journaux.
Eh bien ! détrompez-vous.
Ces études qui ne devraient réveiller personne, quand le journal tombe des mains, ont, au contraire, énormément d’intérêt pour les gens pressés qui se cultivent dans le train les ramenant du bureau à leur domicile.
Le public est fasciné par tout ce qu’il croit avoir loupé en faisant des études de droit ou de comptabilité. Il ne veut surtout pas lire des ouvrages de politique ou de sociologie qui seraient capables de les renvoyer à eux-mêmes, leur place dans la société, les questionnements sur la démocratie et surtout la politique qui marque le pas en Belgique, si éprouvante dans la conversation entre des gens sans opinion différente.
Moralité, il se passionne sur la façon de marcher les genoux rapprochés, d’une femme qui ovule ou les probabilités qu’une météorite de 5 km de diamètre a d’anéantir une civilisation, lors même que les chances d’y parvenir est de l’ordre d’une sur plusieurs milliards et l’objet adéquat de figurer dans la bonne trajectoire, de l’unité à la puissance cent mille !
Ces journaux savent combien leurs informations ciblées pour le public d’aujourd’hui sont de nature à renflouer les caisses, souvent mal en point, en même temps qu’elles allègent les bureaux des personnels chargés des investigations classiques et qui font encore un métier à la base même du journalisme.
Qui n’a pas utilisé au moins une fois dans sa vie à l’occasion d’un banquet ou d’une fête de famille, des informations de ce type acquises lors d’une lecture récente ?
L’érudition à bon compte procure une sorte de supériorité sur les autres à conditions qu’ils n’aient pas lu le même journal ou, mieux encore, qu’ils n’en aient lu aucun. Cela donne un coup de fouet à l’imagination défaillante au troisième verre de liqueur et cela permet même de retrouver par proximité de stock dans la mémoire, un ajout de son crû à l’information initiale. C’est ainsi qu’on ne dira jamais assez ce que les journaux et les lecteurs doivent à Stephen W. Hawking, ses histoires d’espace-temps et les affabulations dérivées dont le sommet est atteint par la consécration des trous noirs dans l’absolu de la conversation pour maison de la culture.

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Il paraît que l’historiette pseudo-scientifique nous fait du bien. Elle nous permet d’avoir une pensée positive de nous-mêmes. Par mimétisme nous nous persuadons que la pensée scientifique que nous lisons et qui nous traverse l’esprit dépose en nous quelque chose qui nous prouve que nous ne sommes pas des cons, puisque nous comprenons, plus ou moins, sa signification vulgarisée par des as de la litote. Est-ce de la science à la portée de tous ou une évolution de l’histoire qui, de Chaperon Rouge au conte fantastique, nous entraîne dans le sérieux approximatif et la connaissance aléatoire ? Parfois, une recherche d’un universitaire aboutit quand même à ce que nous détestons par apriori, à savoir la discussion sur la société, la politique, l’argent, la morale, etc... Cet aboutissement n’est, heureusement, apprécié que d’un petit nombre de lecteurs et détesté des autres. Dans la quête d’un bonheur tiré du scientisme, loin de la métaphysique, ils ne sont sensibles qu’à l’irénisme (le règne d’une curiosité destinée exclusivement à entretenir leur bonheur parfait). Marianne cite l’étude d’un chercheur de l’University College de Londres sur le désarroi d’un client IKEA qui cherche la sortie après avoir trouvé l’étagère de son choix « C’est si dépaysant que vous êtes conscients de ne pas pouvoir retourner sur vos pas pour acheter l’objet plus tard, donc, vous le fourrez dans votre panier ». Ainsi, le magasin égare le client pour favoriser les achats, étant entendu que les objets qui sont à proximité immédiate de votre main, sont en général les plus inutiles. Comme quoi, malgré le filtrage sévère des rédacteurs en chef, certaines recherches peuvent nous faire revenir à une critique préjudiciable de la libre entreprise, au point que les Autorités, qui pensent pour nous, en ont l’horreur sacrée et font tout pour en éviter la publication.

Commentaires

merci pour le conducteur de bus

Heureusement que tu n'as jamais de commentaires, donc pas de public

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