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Un temps de chien radieux !

Les civilisations sont comme les arbres. Elles sortent de terre, s’épanouissent jusqu’à devenir grandioses, puis quelques rameaux meurent, enfin c’est l’ensemble qui s’abat, tout comme un chêne qui se couche, perd peu à peu son contour rongé par les mycoses et les insectes, pour être finalement digéré par les collemboles.
Notre civilisation vacille. Ses repères sont devenus incertains. Ses valeurs se dissolvent dans la seule valeur qui n’est pas morale et qui pourtant domine toutes les autres : l’argent.
Pourtant l’argent est un moyen bien pratique de vivre ensemble. C’est un équivalent universel. Il permet d’étalonner toute chose à un change commun. Sa mesure est sans cesse modifiée et rapportée selon des critères qui étaient logiques et, premier signe de l’effondrement qu’il présage, ne le sont plus.
Lorsque l’argent n’avait pas la prédominance qu’il a aujourd’hui, le monde apparaissait dans son extrême diversité ; le talent pouvait s’exprimer sans lui. Le monde bourgeois qui est le nôtre en faisant, par commodité, de l’argent l’étalon universel, la conséquence immédiate a été d’uniformiser tout ce qui tombait en son pouvoir. Chaque chose ressemble à toutes les autres. Une étiquette est collée à chaque objet. Tout a valeur d’échange. Ce qui n’a pas d’étiquette est sans valeur. Le talent qui ne se monnaie pas, n’est rien. L’œuvre géniale qui n’est pas promotionnée ne vaut rien ! Deuxième signal d’un effondrement prochain.
Enfin, troisième signe d’une fin prochaine de notre civilisation, 1789 a lancé entre la noblesse et le Tiers-Etat, une classe moyenne, aussitôt décrite comme bourgeoise. C’est l’élément constituant du système économique actuel. La noblesse se reconstitue sous une autre forme que sous celle des rois, par l’accumulation des capitaux. On y voit, comme sous Philippe le Bel naître une classe au-dessus des autres classes, des lois et des conventions sociales. Il faut bien que cette classe se nourrisse de quelque chose, qu’elle tire de quelque part son nouveau pouvoir. C’est évidemment dans la proximité immédiate, comme tout prédateur, qu’elle trouve sa nourriture. C’est la classe moyenne qui en fait les frais. Quasiment anéantie, celle-ci se reprolétarise et rejoint la masse anonyme dont elle s’était elle-même nourrie. Ce troisième signe est le plus important. Désormais, le prédateur doit creuser plus profond, s’enfoncer dans la multitude dont il entend bien se repaître.
Croyant y avoir trouvé sa subsistance, il s’apercevra vite qu’il y creuse sa tombe.
Fin de la civilisation des Lumières.

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N’étant pas Nostradamus, je ne saurais déterminer le jour de l’événement majeur, mais la pourriture est en marche et elle est irrésistible.
Sa fin sera-t-elle hâtée par une civilisation montante dont on ne soupçonnait pas l’importance ? On a dit l’Islam, l’Inde, la Chine… on oublie que ces mastodontes se sont alignés sur les mêmes valeurs économiques que les nôtres. Il est vrai qu’un chêne tout au long de sa vie projette autour de lui des millions de glands, dont quelques-uns germeront. Qu’une jeune pousse terrasse une plus ancienne, on le voit tous les jours dans la nature. Ce n’est pas, pour autant, que la forêt disparaît !
Je présume que la fin de notre civilisation, poussée dans les cordes par les outrances du système économique, viendra moins d’une révolte du pauvre, que d’une révolte du riche qui ne l’est plus. Les premiers signes se voient déjà en Amérique du Nord. Les USA sont au bord du gouffre. Qu’ils y tombent, et c’est la fin pour nous aussi.
Contrairement à tout qui perd le Nord dans un environnement anxiogène dès lors qu’il n’a plus son 4X4 dans le garage, un frigo ravitaillé tous les week-ends par une incursion au supermarché, son I-pod et son ordi branchés sur le monde, ce qui est devant nous sera sans doute moins artificiel, mais peut-être plus vrai et plus fraternel. Peut-être même reviendra-t-on aux seules valeurs qui soient : l’altruisme, le talent personnel, la curiosité pour la science, les arts, la culture, le respect de la nature, etc.
On peut croire qu’avec la disparition des huiles minérales qu’il sera moins commode de faire de la chaise longue aux antipodes et qu’on s’intéressera à nouveau à la manière de vivre et de s’épanouir dans l’environnement imparti à chacun, que l’effort humain sera mieux respecté au travail et que le paiement de l’activité manuelle sera équivalent de l’intellectuel. Bref, plutôt qu’imaginer le pire, imaginons le meilleur de ce qui est devant nous.
L’important, n’est-ce pas d’aimer la vie, et, ce faisant, de préférer l’avenir au passé ?

Commentaires

Joli morceau, Richard!
Je crois aussi que le pire viendra des riches menacés dans leur citadelle.
Mais on pourrait aussi imaginer que les rouages mis en évidence par Marcel MAUSS dans son "Essai sur le don" recommencent à fonctionner. Non pas tellement par altruisme ou charité mais parce que, sans actions gratuites, c'est la société tout entière et son humanité même qui se grippent.

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