« Le mot de Jean Jambon | Accueil | Vive la Votation ! »

Un vote aphone

On peut considérer le vote pour l’Europe sous n’importe quel angle. On pourrait l’envisager, par exemple, de la dérive généralisée des partis socialistes européens de la social-démocratie au libéralisme-social et ainsi démontrer que l’absolu rejet par la gauche de la gauche de ce dernier concept est la raison principale du maintien au pouvoir des droites classiques.
Autrement dit la gauche molle va faire perdre à la gauche les élections européennes !
Dans ses propos, Di Rupo se trompe de diagnostic. Il impute la mainmise des conservateurs sur l’Europe, comme si son parti n’avait pas rejoint implicitement ces dernièrs et former dans l’esprit des gens un amalgame redoutable pour le système « tous devenus libéraux ». Ce serait le désarroi à gauche qui en résulterait qui ferait des partis socialistes européens les véritables tueurs de la gauche.
Pour Onkelinx, il suffirait d’un ralliement massif de la gauche au libéralisme-social de Di Rupo et des autres chefs de partis socialistes, pour que la gauche propulse Martin Schulz, à la présidence de la Commission européenne et mettre ainsi fin à la politique d’austérité qui fait des ravages en Europe. Comme si Schulz, une fois au pouvoir, allait chambarder la ligne libérale actuelle !
Ce reniement des valeurs de la gauche pour que « tout change » semblerait donner à l’Europe plus d’importance qu’elle n’a dans la crise, alors que Bruxelles n’est pas le dépositaire ni le fabricant de tous nos maux.
C’est également oublier que le vote pour l’Europe n’a qu’une valeur indicative sur la désignation du président des Commissions. Ce sont les chefs d’État qui proposent un candidat, le parlement européen entérinant ce choix. Angela Merkel, par exemple, ne considère pas le vote des Européens décisif pour la désignation du futur président de la Commission. Herman Van Rompuy observe, avec une certaine ironie, que le vote de mai est peu contributif à l’élection.
Cela signifie que même rallié à la thèse molle du libéralisme-social, le socialiste de base n’est même pas sûr que l’élection permette à cette gauche de placer le président qu’elle souhaite. Sous cape, on parle moins de Schulz que de Verhofstadt.
Di Rupo dans ses propos sur l’Europe a oublié de nous dire que ce n’est pas nécessairement
Jean-Claude Juncker pour le PPE ou Martin Schulz pour le PSE qui seront appelés à la présidence.
Cette neutralisation du vote des citoyens européens a de quoi décourager les quelques rares convaincus qui croient servir à quelque chose dans la construction de l’Europe.
Il y a clairement ceux qui votent pour l’Europe et ceux qui décident pour nous, selon leurs critères.

2europ.jpg

D’ici à penser que Juncker et Schulz, c’est bonnet blanc et blanc bonnet, il n’y a qu’un pas.
Junker, le candidat conservateur, pense qu’il n’y a pratiquement pas de différence dans sa politique avec son « adversaire ». Tout comme Di Rupo s’est bien entendu avec les libéraux dans son gouvernement de l’actuelle législature, Schulz a souvent bénéficié des votes libéraux dans ses propositions au parlement de Strasbourg.
Dans la galère de l’impopularité croissante du libéral-socialisme, les PS européens n’ont pas fini d’essayer de nous faire croire aux « grandes » différences entre droite et gauche, alors qu’en réalité, on est toujours en train de les chercher.
Alors, le débat entre Junker et Schulz, l’influence des chefs d’État, les conséquences du Traité de Lisbonne sur les chefs de demain, franchement, ça dépasse l’électeur. Tout ce qu’il sait, c’est qu’une fois de plus, il va voter et cet acte fondamental dans une démocratie normale, ne servira proprement à rien dans la nôtre.
À lui d’en tirer les conséquences.

Poster un commentaire