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Drame au café du commerce

Les médias se sont emparés de l’histoire de Steve Stevaert, ce patron de troquets qui s’est fichu, à près de 61 balais, dans le canal Albert.
Passer d’un côté du comptoir aux rembourrés de la chambre des représentants, pourquoi pas ?
Pour une fois qu’on en tenait un sorti de la cuisse de « Jupiler », il s’est tout de suite mis à la mythologie des autres…
Tous ceux qui considèrent que la politique est un business et qu’il suffit de se baisser pour en ramasser (voir Kubla et De Decker), viennent de perdre un des leurs.
La montée en flèche et la descente en piqué sont rares dans le milieu. Le type qui surnage au-dessus du lot est assez prudent pour ne pas enlever son caleçon sur l’aire de Spy. Il sait comme les réputations sont fragiles et dégringoler vite fait dans les sondages.
On pourrait penser que les stars du parti socialiste sont plus vulnérables que les stars des partis mieux ancrés dans la bourgeoisie. Ils viennent de peu et sont éblouis par la capacité d’avoir beaucoup. Les autres, grand-papa avait fait le sale boulot.
Les récents avatars de Kubla, la gourmandise de De Decker et la suite d’une possible affaire Alain Mathot ne peuvent pas nous faire oublier les appétits flamands révélés par des questionnements à propos de l’Open VLD et le CD&V.
Bref, si ce n’est pas tout le monde, c’est la revue du « presque » comme dirait Nicolas Canteloup.
Quand on n’est pas sorti de la pépinière des grandes carrières politiques dont les caractéristiques sont les dynasties pour les successions et la faculté de droit pour le bagage, on vient de n’importe où poussé par le hasard, une occasion, une rencontre. Patron de troquet pour Stevaert, c’est la rencontre fortuite avec Willy Claes. Une grande gueule qui en rencontre une autre, c’est suffisant pour lancer une carrière.

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Le reste se devine. Le jumelage d’une profession libérale et d’une « vocation » politique est un dangereux mélange. On a tendance à faire qu’une situation aide l’autre. C’est le cas avec le ministre des pensions Bacquelaine qui doit sa popularité plus à sa profession qu’à son intelligence politique. Dire qu’il s’est trouvé ministre pour ses dons de fins analystes de la situation économique de la Belgique serait exagéré. Vu ses nombreuses casquettes, la capillarité entre ses activités ne fait pas de doute, la frontière entre la profession et la représentation du peuple est floue, poreuse, discutable, elle est tout, sauf saine. Il n’est pas le seul. On ne sait que dire. C’est ainsi…
De ces pratiques, ces dynasties, ces incrustations dans l’appareil, un malaise ressort, celui d’une impossible rénovation de la démocratie livrée à un pareil milieu.
Et pour cause, puisque ceux que nous avons élus, avec les graves défauts que l’on voit, doivent se réformer eux-mêmes, c’est-à-dire mettre fin à leurs privilèges, sabrer dans leurs émoluments et calmer leur appétence à tout mandat rétribué à portée de main, et tout cela, avant même de discuter de ce qu’il faut faire pour rendre la démocratie plus juste, plus ouverte, moins acoquinée avec le pouvoir de l’argent !
Pour un Stevaert qui sort du jeu et finit pas se ficher dans le canal pour ne pas affronter une femme qu’il aurait violée (ce qui prouve par ce geste que cet homme était ou dépressif ou avait encore une conscience), combien d’autres hommes politiques jouent aux martyrs, sortent de leur manche des séries d’avocats, vont de remises en cassations, finissent par lasser les juges eux-mêmes, sans compter le plus gros de la troupe : ceux qui ont fait les quatre cents coups et qui s’en tirent à merveille, pour la bonne raison que le public n’en saura rien (parfois avec la complicité de la presse) et que les victimes se taisent.
C’est donc bien l’avenir du système qui est en jeu. Il est nécessaire de le réformer. La parité homme/femme est déjà une bonne chose, à condition que la femme ne soit pas une potiche de circonstance. Mais, le plus important, c’est de limiter les mandats, en importance et en durée. Faire de la politique, ce n’est pas faire une carrière. On ne peut pas tolérer que des hommes et des femmes en vivent et fort bien leur vie durant. Il faudra trouver une astuce pour associer davantage ceux qui n’ont pas fait de hautes études, mais qui sont néanmoins aussi intelligents, sinon plus parfois, que les politiciens issus des professions libérales. Il faudra imaginer une correspondance de droit entre ceux qui viennent des administrations et qui y retournent s’ils ne sont pas élus, et les autres qui viennent du privé et qui ne peuvent pas reprendre leur métier dans les conditions des premiers.
Enfin, il faudra trancher entre réalisme et morale « vaut-il mieux subir l’injustice ou la commettre ? » Les frangins de l’assiette au beurre ont une réponse : « Nous essayons de n’être dans aucune de ces deux alternatives. Nous tentons, au contraire de les corriger ». Sauf qu’il faut bien se situer quelque part, ce qu’ils ne font pas.
Depuis leurs salaires du haut desquels ils nous contemplent, c’est difficile d’imaginer que la plupart de leurs administrés vivent avec moins de mille euros pas mois. Eux-mêmes n’y réussiraient pas.
Nous n’avons pas fini de naviguer dans un système qui n’a de démocratique que le nom. Le citoyen espère que « le despote » sera « éclairé » et « altruiste ».
En attendant, croire au Père Noël devient de moins en moins crédible, même pour les cons

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