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Un quart d’heure différent.

Pour être d’art ou pseudo, la poésie doit sous quelque forme que ce soit, être présentée à un public. Une autre manière, c’est l’amoureux qui rime sa pensée à la personne de son cœur ou encore, l’exalté devant le pont du Gard qui rend hommage au génie romain et honteux d’avoir transcrit un élan lyrique en vers, jette son papier chiffonné dans le Gardon.
En toute chose et la poésie n’y échappe pas, montrer son travail est primordial. Le danger est de sombrer dans le riquiqui, l’élan vers l’autre qui donne envie de rire aux autres.
C’est le danger dans lequel sombrent beaucoup de rimailleurs.
Cet art devient vite incompréhensible et d’autant plus insupportable à cause des rimes savantes puisées dans des dictionnaires. Dans certains cas, le public, c’est comme quelqu’un qui n’entend pas le chinois et qui à une conférence subit un orateur qui parle mandarin.
Il me souvient d’une émission d’RTLTvi, Jacques Pradel était aux manettes.
Croyant bien faire, pour « adapter » leurs personnages à la strophe qu’ils voulaient romantique, deux candidats s’étaient déguisés en Pierrot et Colombine.
Pradel a dû passer un des pires moments de sa vie, partagé entre le devoir de rester sérieux et l’immense envie d’éclater de rire aux nez de ces deux inconscients.
Ce qui est dramatique, c’est la difficulté de percevoir le ridicule quand on est lancé dans des textes pour lesquels on ressent l’émotion du temps qu’on les écrivait au moment de les dire, alors que le public goguenard et passablement inattentif reste insensible.
Au fait, qu’est-ce que la poésie ?
Bien commode, on a Paul Valéry en penseur multiformes.
La poésie, dit-il, c’est le langage dans le langage.
À quoi bon avoir deux langages, le premier ne suffit-il pas ? On voit où le poète veut en venir. Langage dans le langage, l’État dans l’État, donc à toutes les singularités et bizarreries et effets de langage d’une Marie-Chantal déguisée en femme savante.
Qu’importe, ce qui compte c’est l’émotion vraie et non feinte et transcrite avec le plus de sincérité possible dans une situation où à cause des rimes on écrit malgré tout un mot qui dénature parfois la pensée au point de risquer son contraire.

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Ce qui m’amène à parler de deux formes possibles.
Les poèmes à forme fixe et les poèmes à forme libre.
En alexandrins, on entend le rythme des mots comme une musique.
J’admire beaucoup celles et ceux qui parviennent à rendre le même résultat en forme libre.
Les trois poètes souverains qui hantent les débutants encore aujourd’hui sont Baudelaire, Verlaine et Rimbaud, suivent évidemment les autres des plus lointains, de Rutebeuf à Eluard et même à celles et ceux, nos contemporain(e)s, parmi lesquel(le)s je cite Béatrice Libert, que j’eus l’extrême plaisir de seconder dans son entreprise, dans un récital à la petite salle de l’Émulation.
La notoriété en poésie passe par une notoriété acquise ailleurs.
Houellebecq, s’il n’avait été cet écrivain connu qui enrichit la maison d’édition en même temps qu’il gonfle son compte en banque, n’aurait jamais pu être édité en tant que poète. Et cela aurait été dommage, car sa poésie a une certaine valeur qui ne dépend pas de sa notoriété d’écrivain.
Enfin, tous les poètes en sont là.
La poésie est cet art majeur dont tout le monde se fout.
Et l’on a tort !

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