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Duel à gauche.

Il serait temps en Belgique de faire le point sur un sujet qui n’a été abordé que de façon peu satisfaisante.
C’est le partage très net de la gauche en deux parties : la gauche réformiste (le PS, Écolo et la partie syndicale du CDH) et une gauche qualifiée « intellectuelle » aux USA, et comme ce qualificatif me plaît, je le conserve, quoiqu’on s’en défende dans les milieux visés. Cette gauche intellectuelle (PTB, communiste, ainsi que des groupes anarcho-syndicaliste 1 de la FGTB et non syndicales.) tirerait son succès de l’effondrement d’une social-démocratie en déshérence.
La première gauche estime que la lutte se gagne de l’intérieur par les élections et des responsabilités au gouvernement, en alliance et en alternance avec le monde libéral et conservateur. La seconde considère que la gauche classique a fait la preuve de son inefficacité par la lente mais régulière perte des droits et salaires des travailleurs. Elle est également supportée par de nouveaux mouvements sociaux, comme l’antiracisme, les groupes issus de la libération des mœurs et l’entraide des peuples.
Cette différence idéologique et de stratégie entre les deux gauches a produit une cassure que la dérive classe-moyenne du PS a encore accentuée. Cette situation n’est pas propre à la Belgique. Elle est pratiquement étendue à tous les pays latins d’Europe, devenant par la force du nombre une part significative de l’évolution politique des démocraties.
Si l’affrontement n’est pas encore perçu au niveau national belge, cela tient à ce que la gauche intellectuelle n’est pas encore très présente au parlement. Dès les prochaines élections, il deviendra évident aux yeux de tous que l’affrontement va devenir central, avec comme résultat un parlement dans lequel siègeront deux gauches.

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Pour qu’il y ait un rapport équilibré entre les deux gauches, il faudra que les idées de la gauche intellectuelle, jusqu’ici portées par le seul discrédit de la mondialisation économique ratée, impactent aussi les esprits par une vision d’une autre société possible qui mettrait fin à l’injustice et aux inégalités. Toute révolution commence par la modification des modes de pensée.
Le Brexit, la défaite d’Hillary Clinton aux États-Unis en 2016, les élections européennes de 2014, et la semaine dernière, l’élection française, tout à significativement révélé la cassure des deux gauches.
La gauche réformiste poursuit sa problématique union avec la droite libérale dans la précarisation matérielle, et l’incertitude de la conjoncture économique défavorable. Elle pense répondre aux inquiétudes du chômage, la mondialisation mal ficelée, par un accord de paix sur l’austérité avec la droite, elle se défend en assurant que sa seule présence répartit le fardeau collectif. Elle espère retrouver des couleurs avec une prospérité retrouvée, mais qui tarde.
La gauche intellectuelle peut concevoir qu’une partie importante de l’électorat de l’extrême droite est en réalité un vote de protestation contre le système composé essentiellement de travailleurs pauvres. C’est surtout visible au Front National en France, ça l’est beaucoup moins au MR en Belgique, mais beaucoup plus significatif à la N-VA et surtout au Vlaams Belang.
Plus qu’en France entre le PS et les Insoumis de Mélenchon, le PTB a intérêt de refuser la division. Il devrait faire appel à un pragmatisme de circonstance, tout en maintenant fermement sa ligne de conduite, mettant ainsi l’électeur traditionnel de gauche dans un choix moins cassant entre le PTB et le PS.
Le PTB possède un observatoire incomparable dans le résultat des élections françaises. Le PS réformateur résistera-t-il à la gauche insoumise ou bien s’effondrera-t-il comme tous les prévisionnistes s’accordent à le penser ?
Le PTB a là une occasion unique de poursuivre ou de revoir sa politique, selon les résultats et les leçons à tirer du vote français.
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1. Longtemps le syndicat du Livre fut l’archétype de l’anarchosyndicalisme héritier de la Charte de Quaregnon, avant d’être aspiré par la FGTB à cause de l’affaissement de l’imprimerie classique due aux techniques nouvelles d’impression. À Liège, l’Association des Arts Graphiques possédait en propre un magnifique local en Roture. Par un tour de passe-passe qui nécessiterait une enquête, cette propriété était celle exclusive des travailleurs syndiqués du livre, Association indépendante de la FGTB. Comment est-elle tombée dans les mains de la FGTB régionale ? Mystère.
Un bon avocat eut, semble-t-il, gain de cause en vendant l’immeuble et en répartissant les fonds à l’ensemble des syndiqués de l’AAG, comme en stipulait les statuts.
Au passage, l’AAG est le plus ancien syndicat établi à Liège, bien avant les Métallurgistes. (Fondée le 4 octobre 1846 « Société Typographique Liégeoise ». Voir l’histoire des syndicats dans le Pays de Liège)

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