« Compote de complotisme. | Accueil | Les lendemains déchantent ? »

D’une horreur à l’autre.

C’est un thème de philosophie et en même temps récurrent d’une certaine abjection qui conduit l’homme à exécuter de ses propres mains d’autres hommes, des femmes et des enfants en groupe organisé, si bien que devant ces horreurs on se pose la question ; « Dans le monde tel que nous le voyons, la vie vaut-elle la peine d’être vécue ? ».
Les ordinaires raisons de vivre résistent-elles à l’irréparable malheur, aux ironies cruelles et menteuses de la fortune et de l’infortune ? Un troupeau de gnous est plus solidaire qu’un troupeau d’hommes, parce qu’aucun prédateur n’aurait les griffes assez longues pour prélever une proie du troupeau, aussi se contente-t-il des traînards.
À l’inverse de toutes les autres espèces, c’est à l’intérieur du troupeau que l’homme développe le plus son instinct de mort !
Le dernier effroi vient de Manchester. Un prédateur s’est fait exploser à la fin d’un concert.
La tradition philosophique distingue « le mal physique » ou douleur et le « mal moral » ou faute. Les deux ensemble relevaient d’une monstruosité particulière d’un être qui avant de terrasser les autres était terrassé par ses propres instincts. Mais quand il s’agit de fanatiques ? Certes, la religion a connu d’autres barbaries, mais elles étaient disséminées dans le temps et chaque fois par intermittence, sans espoir de durée. L’ère moderne a inventé le génocide des Turcs massacrant les Arméniens pour se faire de la place, le Reich nazi par haine des Juifs et déjà la haine de ceux qui résistent à l’absolutisme, les Hutus contre les Tutsis dans une différence surréaliste des uns par rapport aux autres, la liste n’est pas exhaustive avec des parties blanches d’omissions. Ce qui en ajoute encore dans l’horreur, c’est la mort pour tous ceux que les organisations criminelles ne reconnaissent pas comme les leurs, sans distinction d’âge et de sexe. Une folie à l’état pur, mais partagée par des milliers, voire des centaines de milliers de criminels !
Finies les interrogations qui dans la confusion el la fureur, tente de distinguer le bien du mal.
La dispute, n’est plus de saison. L’homme, en bande à l’état de bête brute, ne peut plus être raisonné et l’on assiste à cette montée des répliques qui deviennent aussi violentes. Aussi, un terroriste qui ne s’est pas fait sauter avec ses explosifs sera abattu dans neuf cas sur dix.
La philosophie est mise à rude épreuve Elle se met à douter d’elle-même et de son pouvoir.
La controverse scolaire reporte aux dernières extrémités le problème du mal, la pensée est débordée par l’acte. Le débat philosophique qui portait sur les réalités premières que sont le sens et le non-sens n’a plus d’objet, puisque pour débattre il faut au moins être deux. Le verbe cesse d’être un argument, il n’est plus que le cri apeuré ou l’appel à la défense de la meute au sein même de laquelle évoluent ses prédateurs.
Ils sont sans distinction apparente. Leurs visages ne portent pas les stigmates de la folie et de la perversité. Ils parlent une langue pareille à la nôtre et même les signes religieux ne les distinguent pas davantage d’autres passants inoffensifs.

1lqazs2.jpg

Le mythe sur lequel l’humanité aurait succombé à l’insupportable lucidité de l’intelligence prévoit l’échec et la mort par ses deux piliers : l’économie malade du capitalisme et la religion malade de ses fanatiques. Certes le capitalisme tue autant de monde que le fanatisme, mais la manière n’est pas la même. Elle est acceptée comme un moindre mal, tandis que l’autre n’est désignée que par des superlatifs abominables. Le capitalisme est admiré ! Il ne tue pas à main nue. Il élimine les faibles et préserve ses suppôts. Il fait un tri. Il est civilisé. Sa nature est tout aussi perverse, mais sa cruauté ne se voit pas. Il se contente de faire périr mille ouvrières d’un coup dans les flammes d’un atelier au Bangladesh. Cela ne débouche pas sur des égorgements à l’aveugle, des raffinements moyenâgeux d’expiation par la douleur. Ses victimes disparaissent anonymement par dégoût, stress et fatigue.
Mais il est hasardeux dans la quête du Graal du mal absolu, d’en accabler un autre que le terrorisme religieux. Il doit être seul à expier. C’est même une hérésie en démocratie d’affirmer que dans le troupeau de gnous sévissent des meurtriers que tout sépare, d’un ordre tellement différent que les mettre sur le même pied est très mal vu ! Cette hasardeuse comparaison passe pour indigne parmi l’opinion bourgeoise qui fait l’opinion tout court.
Héraclite n’a pas prévu le monde deux mille cinq cents ans après lui. L’imaginaire futur est en quelque sorte magnifié, parce qu’il n’a pas lieu. C’est Mirabeau qui a raison en exprimant une déception « Qu’est-ce que la vie qui nous privant chaque jours de nos bonheurs passés, ne tient aucun compte des promesses qu’elle nous fît pour l’avenir ? ».
Ce terrorisme meurtrier et imbécile donne une impression de gâchis, dont la faute principale ne nous incombe pas.
On entre dans le domaine du rêve de l’irréalité, comme Héraclite, mais en naviguant vers les enfers, avec les regrets de ne pouvoir détricoter sa vie et remettre tout à plat.
Il y a des fatalités inévitables qu’il serait vain d’idéaliser ou de refaire.
Comme nous allons vers le pire, comment penser avec les sophistes que ce qui est vécu pourrait être pire ?
On découvre tous les jours de nouvelles horreurs en terre de barbarie !

Poster un commentaire