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Robespierre (suite)

« Il faut réhabiliter Robespierre », cette chronique méritait que je revienne dessus avec quelques lumières nouvelles sur le personnage. De la fin de règne de Louis XVI au neuf thermidor, j’ai pu retracer la brève carrière politique de l’avocat d’Arras, grâce aux nombreux documents d’époque que l’on peut consulter dans les bibliothèques et en pdf.
De grands historiens ont falsifié l’Histoire. Détournement de sens dans les interventions du tribun, des contrevérités dites par des contemporains peu recommandables, manipulation des faits historiques, le pauvre on aura tout fait pour rendre sa mémoire exécrable. On aura réussi ce mauvais coup, si on considère qu’une grande partie de la population admet la thèse bourgeoise qui fait du Conventionnel une immonde fripouille.
Robespierre a tout inventé d’une démocratie idéale dont on est loin aujourd’hui. Il a travaillé jusqu’au dernier jour pour le peuple. Il a été guillotiné à cause d’intérêts privés bourgeois et notamment coloniaux, qui entendaient faire profiter de la chute de l’Ancien Régime, des classes intermédiaires entre le peuple et la noblesse.
Robespierre serait-il mort pour avoir cru à la Déclaration des Droits de l’Homme et voulu vivre tout de suite les effets ? À lire ses discours et les replacer dans les faits, c’est certain.
Nous sommes en 1791, les premiers accrocs aux principes généreux de la Déclaration, à la suite de troubles dans Paris, font hésiter les Conventionnels.
Ils craignent une application trop rapide des principes trop exigeants pour un peuple, qu’ils jugent immature ! Ça nous rappelle le mépris à peine voilé de Macron pour les Gilets Jaunes et la foule qu’il ne comprend pas.
Que font les élus de la Convention ? Ils instaurent la notion de citoyen passif qui verra la naissance du suffrage censitaire.
À peine ont-ils affirmé que les citoyens naissent égaux en droit, les députés laissent le droit de vote aux citoyens payant un minimum d’impôts. Les citoyens éligibles doivent justifier du « marc d’argent » (54 livres ou 17 journées de travail).
Robespierre s’est élevé avec vigueur contre ces décisions. Il publie de ses deniers en 1791 un opuscule qui résume ses griefs. Il est d’une telle modernité, il correspond tellement bien aux revendications des Gilets Jaunes, que c’est dommage de ne pas le publier in extenso. En voici cependant un extrait.

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La loi est-elle l’expression de la volonté générale, lorsque le plus grand nombre de ceux pour qui elle est faite ne pourront concourir en aucune manière à sa formation ? Et de conclure ce paragraphe « …interdire qui ne paient pas une contribution le droit de choisir les membres de l’Assemblée législative, qu’est-ce autre chose que rendre la majeure partie des français étrangère à la formation de la loi. »
De nos jours, la bourgeoisie s’est arrangée autrement, elle se contente de placer d’autres critères à l’empêchement des classe populaires de se présenter, puisqu’en principe le suffrage universel lui en donne le pouvoir, il fallait donc lui en refuser les moyens, l’argent et une certaine culture dotée de papiers timbrés y suppléent.
Parmi les représentants de la Nation en 2019, il y a toujours très peu d’ouvriers et d’employés.
Robespierre ne voit pas dans les décrets une application de l’égalité des droits du citoyen. Il y voit même de monstrueuses différences discriminantes qui rendent un citoyen passif ou actif, suivant les degrés de fortune. Il estime donc ces dispositions anticonstitutionnelles et antisociales.
« De cela découle que les hommes ne sont pas admissibles à tous les emplois publics, sans autre distinction que celle des vertus et des talents. » (1)
Un regard sur la politique de nos jours en Europe, démontre ce que Robespierre pensait déjà de la société en 1791. Outre un diplôme de n’importe quoi, pourvu qu’il fût universitaire, il faut connaître l’anglais dans une Europe dans laquelle l’Angleterre ne fera plus partie, le français, l’allemand, et toutes les langues parlées parmi les 27 ne comptent pas à côté de la langue anglaise. On en est au point qu’aujourd’hui on dénigre l’Européen qui ne parle pas anglais, alors que l’Américain qui est en visite à Bruxelles n’a pas besoin de parler une autre langue que la sienne pour qu’on lui trouve un talent extraordinaire.
Pour en revenir a Robespierre, le chapitre qui traite des personnes de couleurs, des étrangers en général et des Juifs est tout à fait éclairant sur son universalisme et son sentiment qu’un homme en vaut un autre quel que soit l’endroit où il est né, ses mœurs, sa religion et sa couleur de peau, suivant en cela Jean-Jacques Rousseau dont il était un admirateur.
En cette fin du XVIIIme siècle, nous étions à l’aube de l’asservissement des peuples d’Afrique et des colonies naissantes en Louisiane et au Canada. Ce discours était insupportable aux bourgeois commerçants esclavagistes et racistes.
Ils ont fini par avoir la peau de cet homme. Les acteurs de ce drame que fut cette période de l’Histoire nous ont menti, les successeurs n’ont pas jugé utile de corriger.
Si un jour la gauche arrive au pouvoir hors de la combine social-démocrate qui fait la part belle au bourgeoisisme ambiant, on ferait bien de rétablir la vérité dans les livres d’Histoire.
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1. Les arguments sont en partie tirés de l’ouvrage de Cécile Obligi « Robespierre, la probité révoltante » Édition Alpha.

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