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On est bon.

Étrange civilisation que la nôtre et qui se montre sous son vrai jour face à une épidémie !
Ce qui faisait une civilisation jusqu’aux années cinquante a presque disparu. Il ne reste rien de la famille à l’ancienne, la cohabitation à deux ou trois générations, le repas collectif du soir, le temps de la parole et des commentaires de la gazette que l’on se passait à tour de rôle.
Ce n’est ni de la nostalgie, ni « c’était mieux avant » c’est un constat.
On a évacué la mort. Elle n’existe plus qu’en-dehors de la société. Elle a été masquée dans les funérariums. On ne meurt plus chez soi, entouré des siens, en disant adieu à tout le monde.
Quand on parle des vieux, c’est qu’ils ont quelque chose à acheter, des services à commander. Ils constituent une clientèle. En réalité, un racisme antivieux est masqué par un faux respect. On le place sans rien dire dans un home pour « qu’il soit mieux » On ne veut plus le voir. Il gêne, il dérange par son aspect, par ses réflexions et son argent, trop ou pas assez. Est-il malade, en phase terminale ? On le place en clinique d'adieu. Tandis qu’on va à la buvette « se recueillir » devant une tasse de café, il agonise tout seul. On attend que l’infirmier apporte la dernière nouvelle. Le vieux à son dernier râle, on va voir où il en est.
Pourquoi ? Étrangement cette société fourmille de vieux, mais qui font tout pour rester jeunes et qui luttent jusqu’à un âge avancé à faire semblant.
On n’aime pas les vieux parce qu’ils préfigurent la mort. En principe, ils sont plus près de l’échéance que les autres. On veut être un des « autres » et on se retient de paraître l’âge qu’on a. Ils sont notre miroir du temps.

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Lors des grandes épidémies de la peste et du choléra et même aux périodes où la vie s’écoulait sans trop de heurts, on mourait jeune. À cinquante ans, on était un « robuste » vieillard, mais on n’avait plus de cheveux et quelques rares chicots dans la bouche, dix ans plus tard on entrait dans l’extrême vieillesse et les très vieux mouraient entre soixante et septante ans. La femme ? Il faut lire Balzac, pour comprendre que son destin s’inscrivait dans la mort en poitrinaire dans la fleur de la jeunesse ou finissait déjà vieille fille à trente ans.
La société actuelle a bouleversé tout cela, mais elle a laissé en revanche les vieux se débrouiller seuls avec la mort, parce que la mort est devenue un sujet tabou duquel seuls parlent les spécialistes, les embaumeurs et les croquemorts.
COVID-19 rappelle que nous sommes mortels et susceptibles de mourir à tout âge, pas comme un accident de voiture qu’on attribue à la fatalité, mais de façon extraordinaire, sans que la médecine y puisse rien. C’est dans cette perspective inattendue que l’on panique. Les masques tombent. La mort de qui écrase sa voiture sur un platane est normale. Le recueil de l’haleine d’un passant, le saisissement du dossier d’un siège de bus ou de cinéma peuvent donner la mort ! Cela rend les gens fous de peur.
Même les touristes ne sont plus en sécurité dans leur cabine de luxe.
On a oublié que le système social, l’économie, les pouvoirs au-dessus des citoyens, la démocratie elle-même, se partagent entre espoir et désespoir, pour finir en aporie.
La mort véhiculée par les élites, Macron, Michel, Wilmès, Di Rupo ou De Wever, se définit par une emprise sur l’autre. Il suppose un effet qui infléchit ou annihile la volonté de l’autre. Qu’il agisse par fascination ou répulsion, domination, assimilation ou destruction, il contrecarre le jaillissement de la vie et le déterminisme naturel.
Le Pouvoir absolu tend vers la mort qui est l’écrasement des êtres et des choses.
Chaque société se préoccupe des problèmes qu’elle peu résoudre. La nôtre repose sur la croissance et la consommation. En principe, un mort ne consomme pas !
Savoir que tout homme est mortel, comme Socrate, réduit considérablement les chances de poursuivre exponentiellement la rage de croître afin de repousser dans l’impossible et dans la mémoire, l’événement incroyable de notre mort.
Cette économie fondée sur l’éternité du progrès, retourne au doute supérieur de Malebranche sur toutes nos spéculations.
Seul baume sur tous les cœurs éternellement jeunes, COVID-19 ne fait mourir que les vieux et les malades. Il est même indulgent pour les enfants, ce qui le rend sympathique. Les générations botoxées et massées respirent. COVID-19 est un Adolphe Hitler minuscule. Seuls ceux qui dissimulent leur âge jusqu’au bout et qu’on croit plus jeune qu’ils ne le sont, peuvent être inquiets. On ne trompe pas un virus !

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