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Isotélie ou presque…

On assiste à un décrochage d’une partie de la population au « progrès » des techniques de banque et de markéting. S’il est hors de question de cibler une catégorie de citoyens, dire par exemple qu’au-dessus de septante-cinq ans les banques en ligne et les achats en grande surface en carte, voire sur smartphone, échappent à l’entendement, ce serait faux. Mais dire qu’un grand nombre d’entre eux éprouvent des difficultés serait plus exact.
Ce décrochage atteint toutes les couches de la société pour bien d’autres raisons que l’assimilation des nouvelles techniques comme étant « nécessaires » au progrès. Il y a dans cette mise en demeure d’apprendre ou de décrocher une intolérable obligation qui attente aux libertés.
L’exemple des banques est significatif. C’est l’usager qui est devenu « l’employé » du guichet à l’ancienne. Autrement dit, il effectue le travail de base de la banque sans être payé. Les agences de quartier n’existent pratiquement plus. Il faut solliciter un rendez-vous pour obtenir un avis qui regarde le fonctionnement du système sur votre ordinateur ou votre smartphone. Les traitements, les pensions et les indemnisations chômage ou maladie se font par virement bancaire, c’est-à-dire par la technique que la banque perfectionne sans cesse y impliquant tous ses clients. Plus personne n’a le choix du cash. Est-ce démocratique ?
De ne plus disposer de son argent, sans passer par des opérations techniques définies par autrui est comme la main invisible en économie capitaliste. On connaît la victime, on ne connaîtra jamais l’auteur.
Mais il n’y a pas que ça. Le côté « ce qu’il faut voir et retenir pour rester dans le vent » est tout aussi indispensable pour ne pas avoir la sensation d’être largué.
On ne peut plus avoir la tête ailleurs, rêver, vivre par moment comme un somnambule. Ne pas s’intéresser à Kim Kardashian ou ne pas faire la différence entre Lady Gaga ou Beyoncé n’est pas pardonnable dans une société d’apparence. Dans presque tous les milieux « branchés », on ne peut parler culture sans qu’il y ait une confusion entre l’histoire du Bitcoin ou de TikTok et la philosophie de Philinte dans le Misanthrope, sinon ne faire aucune différence entre Molière et une paire de chaussure, après que vous avez désespérément tenté d’expliquer que Philinte, dans la pièce, est l’ami de l’atrabilaire amoureux.

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Comme les termes « inclusifs » employés, ne sont plus compatibles avec la somme de siècles de culture, quand vous perdez pied dans ce qu’on nomme une personne binaire ou racisée induisant l’islamo gauchiste ou le nationaliste patriotique, c’est comme si vous veniez de la lune !
Ce devrait-être le droit absolu de ne pas tweeter et d’ignorer WhatsApp, sans passer pour un con ; sur Facebook d’éviter ceux qui ramènent tout à leur nombril, idem de ne pas voir la différence entre Instagram et Facebook. Comme il n’est question que de santé mentale dans le brain-trust des connaissances nouvelles, passer pour un cinglé peut être plus commode que d’afficher « branché ».
On peut regretter le vieux téléphone fixe et s’être arrêté à la télévision des débuts de Michel Drucker, sans pour cela devoir expliquer pourquoi être passéiste n’est pas nécessairement refuser le progrès, mais se poser des questions justement sur ce qu’est le progrès selon vos critères.
Ne jamais avoir ouvert un roman de Houellebecq et avoir trouvé stupide un de ses poèmes qu’un fan vous a mis sous le nez, ne signifie pas que vous n’êtes pas dix fois plus cultivé que le tordu qui n’a lu qu’un seul livre, justement celui qu’il fallait.
Ne pas voir le monde sous un casque Apple Watch ne signifie pas que vous ignorez la carte du monde, comme voudraient vous le faire croire les « influenceurs », sorte de caste du bien savoir et du bien dire, dont la plupart ne sont que des VRP (voyageur, représentant, placier) qui vivent des pourcentages qu’ils vous escroquent, en vous fourguant des nouveautés obsolètes dans six mois.
N’être pas de son temps, n’est pas si dramatique que l’on croit. Cela veut dire aussi refuser ce qui vous déplaît dans cet univers du factice et du fabriqué à des fins lucratives d’après les comportements quasiment désignés par les autorités du « savoir », qui vous façonnent comme un jardinier le ferait d’une haie.
Inadaptés de naissance, atrabilaire maniaco-dépressif, quel que soit le diagnostic que peuvent avoir de vous les gens d’après Clauser et Pure People, qu’est-ce que ça peut faire si vous êtes bien dans votre peau comme ça ?
Si jusqu’à présent j’ai parlé de vous, c’est que par définition il m’est difficile de parler de moi. Et ce que je vous attribue n’est, en quelque sorte, que mon côté « has been » volontaire.
Le gênant, c’est justement de dire de soi qu’on est plus porté sur les choses de l’esprit, au point que la culture remonte à la civilisation grecquo-romaine dont on pourrait citer Aristophane ou Cicéron. On s’en abstient sachant qu’en face, on ne vous prenne pour un con prétentieux, dans le déni de n’être qu’ignorant.
Cette inadaptation n’est pas sans conséquences. Peut-être un jour, n’aurais-je plus accès à des paiements par carte, ne pourrais-je plus entrer dans des parkings, pire, ne pourrais-je plus dépenser de mon compte en banque, faute de n’avoir pas su m’adapter aux définitions digitales ou par clic d’accès par fond de l’œil !
Je passerai alors définitivement pour un type largué, dépassé, et n’aurai plus que la ressource de mendier mon pain dans un futur où la menue monnaie aura disparu, alors que ma banque prospèrera sur de l’argent que j’aurai honnêtement gagné, sans que par défaut d’algorithme j’en puisse jouir.

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