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LES FOUS DANS LA RUE.

Les folkloristes liégeois s’en souviennent encore, même si les derniers témoins s’en vont un à un, les laissant avec les rares documents qui existent sur les citoyens visiblement anormaux qui déambulaient comme tout un chacun, jadis dans les rues.
Jusqu’à la fin des années cinquante, le quartier d’Outremeuse avait ses fous. Ils erraient en liberté pour la plus grande joie des passants et, comment dire autrement, pour l’amusement des familles. Il est probable que le centre-ville avait les siens. Qui se souvient du « Beau Léon », promeneur d’après-midi, avec son tonitruant « ça va le moral ? » dans les rues du Carré !
En Outremeuse, le plus célèbre se faisait appeler Mouton. Il avait la fière allure d’un vacher de la pampa descendu de son cheval. Les étudiants l’avaient pris en amitié. Il était leur mascotte. « Tchophile treûs tours » amorçait des pas de danse en tournant sur lui-même quand, sur le trottoir, « ça le prenait ». Tambour se voyait en chef de fanfare. Quelques autres moins spectaculaires terminaient la liste des bredins, pour ce seul quartier. Le plus ancien connu d’entre eux, « Bibi Mamour ». vécut entre les deux guerres, ce singulier personnage était un assidu des bains publics de Meuse à l’endroit où se situe la passerelle du boulevard Saucy. Les baigneurs avaient « délicieusement » peur quand ils étaient frôlés par ce curieux nageur.
Ces « fous du village » étaient intégrés à la population, tant il était naturel qu’à travers leur dissemblance dont on se moquait, perçait la condition humaine qu’on respectait, enfouie sous la maladie mentale.
La psychiatrie n’était nulle part. « Volière » avait ses fous dangereux. Il n’y avait que deux moyens de les calmer, la camisole et les drogues assommantes. Un schizophrène dangereux échappait parfois à la surveillance médicale ou se révélait dans un état de démence criminelle de façon soudaine et imprévisible. Il y eut le cas d’un dénommé Broka se livrant à des atrocités avant de tuer sa victime, dans les casemates de l’ancien fort hollandais de la Chartreuse.
Depuis, à cause du saccage des hôpitaux par la folie de la rentabilité libérale de tout ce qui compose la société, la psychiatrie a fait des progrès scientifiques considérables qui ne se sont pas répercutés matériellement par la modernisation et l’agrandissement des hôpitaux psychiatriques.
Depuis Lola, l’adolescente tuée, en octobre dernier à Paris, dans des conditions effroyables par une Algérienne de 24 ans, Dabbia B. sans permis de séjour, probablement en état de démence au moment des faits, les gens se sentent concernés par des malades mentaux hors contrôle qui courent les rues.
Illégaux, immigrés ou natifs des lieux, ces malades sont potentiellement dangereux. Ils errent parmi les drogués et les SDF, sans qu’on les distingue. Inconnus des services de police et des consultations médicales, ils sont disséminés par le hasard d’une immigration clandestine parmi les infortunes et les malheurs d’une crise économique qui laissent plus d’une famille sur le carreau.

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Tout qui croise un personnages trouble dans la rue s’en écarte instinctivement, aussi bien à Paris qu’à Liège. Le peu de distinction que l’on fait entre eux et les citoyens qui tombent tous les jours dans la misère, jette l’opprobre sur la sous-classe sociale du malheur d’être pauvre et conglomère la drogue, la folie et les sinistrés venus d’ailleurs.
On renvoie aujourd’hui plus d’un malade mental à la maison qui peut n’être parfois que la rue. Les psy les suivent plus rarement par des hospitalisations ou des visites en déambulatoire. Et pour cause, il manque des spécialistes et des lits dans les hôpitaux. Quoi de plus simple que de nier ce genre d’affection et laisser repartir ainsi n’importe qui n’offrant pas des signes évidents de démences ?
Un effroi irrépressible plonge la classe sociale à la frange de la nécessité. C’est d’elle que viennent les voix les plus cinglantes et les plus promptes à désigner « les pauvres » comme une plaie à laquelle elle lie les fous, les émigrés et les drogués.
Cette discrimination arrange bien les affaires des partis libéraux qui ne se privent pas de touiller dans ces infortunes diverses en mélangeant les genres. Cela permet de cueillir dans la nasse le souffre-douleur d’entre tous les autres, le chômeur !
Les auteurs de cette société dégradée existent. Ils sont parmi nous. Ils dirigent la Belgique selon un mode d’emploi tiré des codes d’une Europe des affaires et des combines, sous l’œil du grand frère américain. Les premiers responsables de la société telle qu’on la voit dans les rues de Liège et dans toutes les autres villes de ce pays, siègent dans ce gouvernement. Ils tirent de leur fonction une gloriole dont ils devraient avoir honte ! L’ambition ne s’accorde pas avec l’intérêt des « petites » gens, mais au contraire avec l’orgueil et la ruse. Ce ne sont pas les meilleurs qui réussissent, mais les pires !

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