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LES COULEURS DU TEMPS

Quelle est la couleur que vous donneriez au temps que nous traversons ? Est-il rose, bleu, blanc, noir ou rouge ?
La question peut paraître idiote, cependant elle est loin d’être anodine. Il s’agit de savoir ce que chacun ressent des rapports avec les autres. Est-on dans une période de calme et de consensus malgré une guerre en Europe et une industrie à la peine ? Est-ce qu’on vit une démocratie profondément modifiée vu l’état actuel des choses, mais néanmoins prospère et pleine d’avenir ? La période est-elle d’attente, comme la pause entre deux rounds de boxe ? Ou entrons-nous dans un processus, une sorte de moment révolutionnaire à ses prémices et que nous ne discernons pas encore ?
Autrement dit ce que les gens ressentent, sous forme de convictions peu à peu établies, en contact avec les autres, devrait nous éclairer sur les tendances de ce que vers quoi nous allons.
Tout de suite tempérons la volonté de la majorité, en sachant que seules les décisions du dessus influencent le cap à prendre et que la majorité d’en dessous à peu de prise sur ces décisions. Que cela ne soit pas de notre entière faute, ne doit pas nous déculpabiliser pour autant. Le laxisme des décideurs est aussi notre laxisme !
D’après certains, c’est un découragement qui prédomine, une lassitude devant un mur.
Qu’y a-t-il derrière ce mur ? Toute la question est là.
Le contrat de départ du libéralisme comme on l’entendait jusqu’au sortir de la dernière « grande » guerre était bien celui fixé d’après les théories d’Adam Smith corroborées par Alexis de Tocqueville sur la liberté d’entreprendre et la légitimité d’en tirer profit. Avant lui, d’Aristote à Turgot, tous s’y étaient essayés, mais aucun n’avait autant mis l’accent sur le marché et la libre concurrence. Avec Smith, nous entrons dans l’ère de l’économie politique.
Cela se résumait à une liberté de créer une entreprise, d’en gérer librement les productions et d’entretenir un rapport entre la prospérité de l’entreprise et ceux qui y contribuaient. Il était acquis que toute entreprise dépassant un seuil devait revenir à l’État, après avoir indemnisé le ou les propriétaires et actionnaires.
Quel était le seuil ? Celui qui par la taille de l’entreprise pouvait inquiéter les prérogatives de la démocratie sur le privé.

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Il était hors de question pour les initiateurs du libéralisme moderne de laisser un particulier monter en puissance par la seule force des personnels et cadres à son service et faire pression ou pire, se substituer à l’État, pour la gestion au-dedans et au-dehors de l’entreprise de la vie même des gens.
Certes, pendant la période « heureuse » du capitalisme certains grands groupes montraient déjà le nez. Cela se faisait presque derrière des prétextes et avec beaucoup de retenue. Les PDG n’exagéraient pas dans leurs salaires et les actionnaires avaient le sentiment que les investissements dans l’entreprise protégeaient la plus-value de leurs actions. Henry Ford fut un des premiers à faire trembler l’État.
Dans les années 80, l’Asie et sa formidable capacité de mains-d’œuvre abondantes et bon marché fut comme la découverte d’un eldorado avec des produits finis pas chers dégageant des profits impossibles dans les pays dits démocratiques, en raison des lois, des syndicats et du passé social.
Ce fut le néolibéralisme avec le départ de centaines d’entreprises vers des pays peu regardant sur le social et les salaires.
Les démocraties ne réagirent pas. Le hic et qui ne fut dénoncé par personne, le capitalisme sortait des clous, devenait une sorte de nouveau système qui n’avait pas beaucoup à voir avec l’autre.
Il aurait fallu mettre le monstre hors la loi tout de suite, avant qu’il ne dévore ceux qui l’avaient enfanté.
Aujourd’hui, accablées par les vicissitudes du néolibéralisme, les démocraties européennes sont à genoux, font connaissance avec les rayons vides et regardent amèrement ce qu’ils ont perdu à laisser s’en aller les entreprises les plus innovantes travailler sous des bannières chinoises, thaïlandaises ou vietnamiennes, brader les brevets aux plus offrants et verser d’incroyables royalties à leurs actionnaires.
Si la situation paraît sans issue, c’est parce que les acteurs de cette métamorphoses ne sont pas conscients du tort qu’ils font à leur pays d’origine et qu’ils persistent dans cette évolution du système d’Adam Smith qu’ils pensent irréversible. N’en arrivent-ils pas à trouver que le néolibéralisme est la suite logique du capitalisme à l’ancienne !
Malgré la crise, la guerre, les pénuries que nous avons vécues lors de la pandémie, les délocalisations se poursuivent sous le manteau parfois, au grand jour le plus souvent, comme un droit acquis. Si à cela, on ajoute la vente aux grands groupes américains des petits groupes européens innovants, on aura à peu près fait le tour de ce qui nous conduit au désastre.
La braderie continue !
Si à ce drame on ajoute celui de la gestion des services publics, hôpitaux compris qui, chose nouvelle, doivent gérer leur personnels, médecins et infirmières en proportion du nombre de lits, comme une entreprise privée, on voit se profiler le crash final des démocraties européennes.
Alors, l’ambiance environnementale, quelle couleur ?

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