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Album de famille

Certains textes retrouvés après la catastrophe électronique et qui servaient de complément à des photos ont perdu une partie de leur sens en raison des photos qui n’ont pu être sauvées. J’en laisse néanmoins persister la trace en priant le lecteur d’être compréhensif.
Align=left hspace=10> Richard.

On voit de plus en plus souvent sur la Toile des photos de famille plus ou moins bien présentées comme sur un album que l’on ouvrirait pour une tante en visite. C’est commode pour les parents et amis de feuilleter à l’aise en jouant sur le clavier de l’ordinateur, même s’ils sont à des milliers de kilomètres.
Sacrifiant à la mode, j’ai réuni les photos les plus représentatives de la saga des York.
Branche cadette d’une maison illustre, nous autres les York n’avons jamais été riches. La partie la plus malchanceuse de cette basse branche a été par le hasard et la poisse celle de ma famille. Les images que vous allez voir pourront peut-être faire mal à une âme sensible.
Je vous aurai prévenus.

Je suis né au fond d’une impasse :

Au bout de l’impasse s’ouvrait un immense terrain vague, avec des statues dont aucune n’était intacte. On pouvait le traverser en moins d’une heure en marchant d’un bon pas, pour arriver à une grande bâtisse, fort délabrée et vouée à la démolition. Il pleuvait dans les chambres. L’hiver, il était impossible de les chauffer.

Pour vous donner une idée de la misère qui était la nôtre, mes parents étaient obligés de nous donner notre bain, nous étions sept à la maison, dans le seul local chauffé. Cette pièce nous servait à tout. Nous y mangions et nous y jouions mes soeurs et moi.

Mes parents se querellaient souvent et nous ne comprenions pas pourquoi, jusqu’au jour où nous surprîmes leur secret. Dans leur dispute, ils parlaient sans retenue. Elle traitait mon père de hareng et lui de pouffe. C’est un vieux monsieur qui ramassait des légumes dans le terrain vague qui nous apprit ce que ces mots signifiaient.

Voici leur histoire. Maman était très belle. Elle ne pouvait pas faire un pas dans la rue sans que des militaires, surtout des marins (nous habitions dans un port), ne viennent lui faire des propositions indécentes. Comme elle était également très gentille, mon père disait qu’elle ne refusait rien à personne. Il vivait un calvaire. Dès qu’elle partait travailler, il ne tenait plus en place.

C’est ainsi que conseillé par l’employeur de maman, un gentil garçon qu’on appelait Raymondo d’une cinquantaine d’années, mon père décida qu’il changerait de look tous les deux, pour recommencer une autre vie. Raymondo dont j’ai retrouvé la photo, disparut quelques mois plus tard et avec lui ma sœur aînée. Mais une chose à la fois. D’abord la photo de Raymondo.

Voici le look nouveau de maman. Il est assez surprenant, vous ne trouvez pas ? Surtout que comme papa, elle se mit à fumer la pipe.

C’est à la suite de la plainte d’une femme qui venait parfois à la maison pour aider, qu’il fallut se rendre à l’évidence, nous avions une sœur qui se comportait de façon bizarre, pour une famille très collet monté. Et en plus, elle était notre aînée et pouvait donner le mauvais exemple. Raymondo se proposa de faire son éducation, ce que mon père accepta avec reconnaissance.

C’est alors que mon père décida d’émigrer en Amérique par nos propres moyens. Comme il était toujours très pauvre, il n’avait pas les fonds nécessaires à l’achat d’un moteur pour le bateau. Nous découpâmes les chemises de dix générations de York. Voir ci-dessous.

J’étais nouvellement marié et la promiscuité dans ce bateau était épouvantable. Nous ne savions où faire l’amour. Nous dormions à dix dans la seule cabine. Aussi, quand tout le monde était profondément endormi, nous faisions l’amour sur le pont. Ah ! la vie n’était pas rose.

Nous arrivâmes à New York malades et complètement découragés. Heureusement le brave Raymondo avait trouvé du travail pour ma sœur aînée. Quand nous la vîmes, nous fûmes surpris de sa transformation.

Mais le climat n’y était plus. Mon père sans ressource fit venir d’Europe quelques souvenirs qu’il vendit aux autochtones. Quand je vois la photo de mes parents à cette époque les larmes me montent aux yeux.

Ma femme dut travailler avec ma sœur aînée. Cela ne me plaisait guère. Ce fut le brave Raymondo qui, une fois de plus, se coupa en quatre pour lui trouver un quartier tranquille.

Quand je vis ma pauvre femme arpenter cette misérable rue à la recherche de notre pain quotidien, je fus pris d’une grande colère. Je rompis la tradition de famille qui veut qu’un York ne travaille jamais. Et la prenant par un bras (La pauvre elle ne m’avait pas reconnu au point qu’elle me dit « tu montes chéri ? » alors qu’elle ne m’avait jamais appelé chéri !), je la conduisis à Kennedy Airport où nous prîmes le premier avion pour l’Amérique du Sud. Là, je décidai que c’était bien à moi de montrer que je pouvais nourrir ma famille. Raymondo était loin. Il ne nous avaient jamais causé que des souffrances et des humiliations. J’eus une idée. Mais pour la mettre en pratique, il ne fallait pas que l’on me reconnût. Respecter un grand nom, une illustre famille…nous l’avions toujours fait. La dernière photo expliquera tout.

La prochaine fois je descendrai du grenier l’album de Margie (Marguerite de Valois) veuve du Roi Henri VI, mon oncle. Les photos sont très abîmées. A l’époque les chambres noires étaient pleines de fantômes.

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