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Une gerbe à Schumpeter !

Joseph Schumpeter est un économiste mort en 1950 et qui fait toujours rêver nos incroyables gestionnaires du système. Marie Aréna doit en raffoler. Michel Daerden l’adore ! Reynders à ce nom s’inonde de plaisir...
La théorie du génial Schumpeter de destruction créatrice fait frémir les amis de la Terre, tandis que les industriels en mal de réussite se mordent le Chinois à sa lecture.
Sainte-Thérèse de Lisieux s’écrierait « c’est poignant » ; le baron Etienne se poigne réellement depuis un demi siècle aux lectures édifiantes de la loi suprême du commerce.
C’est le nanan du capitalisme moderne, la bible des enculeurs de peuple.
Elle se résume à une loi de génie : dans les économies capitalistes, toute innovation technologique importante entraîne un processus de destruction créatrice.
Le mec spécule sur le neuf qui remplace le vieux qui devient une chose pour le rebut ; non pas qu’elle ne puisse plus servir, mais parce que son alter ego relooké tire l’œil des gogos. Et ce qui fait vendre est bon pour le commerce.
C’est bien vu. Le Schumpeter s’y connaissait en homme. Il a parié sur la connerie et il a réussi !
Il faut lire son « Capitalisme, socialisme et démocratie » publié en 1942, une de ces dates frémissantes d’histoire dont Schumpeter se fout, planqué dans le Connecticut pendant que ses compatriotes se faisaient crever la paillasse par l’Adolphe.
C’est écrit noir sur blanc : le capitalisme a de l’avenir parce que nous sommes des cons, des égoïstes et des pervers. Il ne l’écrit pas tel quel, mais c’est ce que l’on en induit à cette lecture de caractère strictement économique.
Notez que les philosophes – enfin les lucides – savent cela depuis longtemps.
Schumpeter a su mettre notre indignité en équation et partant du triste constat a peaufiné l’idée libérale qui est en train – sous prétexte de progrès – de ravager la planète. Mieux encore, il a réussi à en tirer une morale, celle qui est toujours en vigueur aujourd’hui.
Elle consiste à revêtir le prédateur, les mains en forme de crochets, la bite monstrueuse couverte de verrues, le poil gras, la bouche sensuelle et l’œil convoitant tout sur son passage… d’un surplis d’enfant de chœur et d’une robe immaculée descendant jusqu’au sol pour masquer les pieds fourchus. Un peu de gaze pour le flou artistique en écran aux canines, taffetas et cachemire pour faire disparaître les choses informes, rondeurs et ventres flasques et voilà l’homme moderne fin prêt pour la nouvelle morale : celle du travail et de l’effort, de la beauté du geste auguste du semeur, précédant le démolisseur reconstructeur nécessaire.
Il fallait à tout cela un cadre : l’Etat démocratique, des règles, discussions et réflexions. C’est le meeting, le couvent franc-maçon, le Loi et la justice toujours acoquinées, le discours fleuri et la gerbe au monument aux morts.

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Il ne manque à ce tableau merveilleux que les habituels statuts invariables, piliers de tous les régimes, celui du notable, de la profession libérale, du maffieux reconverti dans l’honnête et le transparent.
Roulements de tambour et Schumpeter conclut :
« …l’innovation portée par les entrepreneurs est la force motrice de la croissance économique sur le long terme, même si cela implique un ouragan perpétuel pour les entreprises établies qui jouissent d’une position dominante, voire d’un monopole. »
C’est pour éviter que l’innovation couronnée de succès, l’entreprise gavée se relâche et diminue ses profits en se regardant le nombril, que la destruction permet d‘expliquer les dynamiques du changement industriel et la transition d’un système compétitif à un monopole et inversement.
L’impulsion est donnée. La machine capitaliste est en mouvement, boostée par les nouveaux objets de consommation.
Schumpeter est formel : « L'histoire de l'équipement productif d'énergie, depuis la roue hydraulique jusqu'à la turbine moderne, ou l'histoire des transports, depuis la diligence jusqu'à l'avion. L'ouverture de nouveaux marchés nationaux ou extérieurs et le développement des organisations productives, depuis l'atelier artisanal et la manufacture jusqu'aux entreprises amalgamées telles que l’U.S. Steel, constituent d'autres exemples du même processus de mutation industrielle - si l'on me passe cette expression biologique - qui révolutionne incessamment de l'intérieur la structure économique, en détruisant continuellement ses éléments vieillis et en créant continuellement des éléments neufs. Ce processus de Destruction Créatrice constitue la donnée fondamentale du capitalisme : c'est en elle que consiste, en dernière analyse, le capitalisme et toute entreprise capitaliste doit, bon gré mal gré, s'y adapter. »
Voilà, vous savez tout. Vous n’ignorez pas jusqu’où la connerie humaine peut descendre.
Des socialistes aux libéraux, en passant par les écologistes et les humanistes chrétiens, Schumpeter a parfaitement résumé ce qu’ils pensent pour nous demain : casser tout et refaire du neuf ! Sauf, qu’ils ont oublié de s’inclure dans les friches industrielles à démolir absolument.
Schumpeteristes absolument, mais pas jusqu’au bout !

Commentaires

Faire et défaire, c'est toujours travailler!
Tu aurais du venir à la conférence de J-F Kahn (pas JFK, il a été buté par un schumpeteriste, adepte de la Destruction créatrice): "Tout change parce que rien ne change". L'évolution garde les structures invariantes et les optimise: tout peut changer parce que les structures invariantes sont gardées.Et parmi ces structures, la soif de posséder qui fait de nous tous des petits capitalistes en puissance et la soif d'équité qui fait de nous des petits socialistes en puissance. La première est destinée à étancher notre soif de pouvoir, tandis que la deuxième vient du désir que les autres n'aient pas plus que nous.Nulle philanthropie là-dedans. On est bien embarqués, nom di dju!

Vous avez une lecture pour le moins surprenante de Schumpeter...

Il ouvre son chapitre I sur le Capitalisme (après la critique des thèses marxistes) justement en montrant comment seul le Capitalisme est une idéologie de masse, puisque sa tendance naturelle est de combler les besoins de la masse. La difficulté, c'est évidemment que les besoins de base se modifient au fil du temps, puisque l'on exige (à raison) toujours mieux.
Jamais Schumpeter n'a dit que le capitalisme était pervers ou quoi que ce soit de ce genre.

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