« La solution : la fusion Liban-Belgique ! | Accueil | Un fantôme libéral. »

La revue sans voile de Manix

Chacun peut en faire l’expérience. Il suffit d’écrire quelques mots « talismans », des passe-partout à connotation sexuelle dans un blog doté d’un compteur, pour voir celui-ci prendre des couleurs.
Péché de jeunesse d’Internet, constante invariable d’une certaine curiosité humaine ou entraînement fatal sur un sujet encore tabou, quoique en disent les bourgeois, c’est comme vous voulez.
Le succès de l’industrie du cul se décline ici.
C’est d’abord une leçon d’humilité pour un auteur à prétention philosophique et intellectuelle de se voir préférer aux subtiles litotes, des mots comme cul, bite, vagin, foutre, etc. (le compteur chauffe).
Si chez certains auteurs, l’expression vive et résolument érotique va de soi, chez d’autres elle n’est là que pour attirer le badaud, dans une parade honteuse d’un sexe attrape-mouches.
On rencontre les mêmes motivations de la publicité par l’utilisation du sex-appeal dans les images.
L’introduction d’une dose de sexe dans les blogs si elle en garantit l’audience, n’en détermine pas la qualité.
Or qui n’aime pas être lu ? Y a-t-il un seul animal avec ou sans orthographe, avec ou sans histoire intéressante, avec ou sans point de vue original sur toute matière qui résisterait au plaisir de s’écrier voyant le compteur tourner : « chouette, deux cents lecteurs depuis hier » !
C’est exactement comme en littérature et au cinéma. Il n’y a pas trente six manières d’aller à la soupe, il y faut une dose du « je ne sais quoi » de vie en rose et en rosse… Le cul à la rescousse de l’art. On aura tout vu !
L’alternative de la grande œuvre peu lue gît là pour qu’elle le soit.
Tout le monde n’est pas Flaubert.
Tout au long des deux tomes de l’éducation sentimentale pas une seule ligne « audacieuse » pour le sujet qui l’est, comme dans sa Bovary où pas un seul pince-fesse qui trousse Emma ne semble bander vraiment. Et pourtant tout y est suggéré à ravir et il est inutile d’en rajouter comme dans un claque.
Hélas, les réputations sont choses fragiles et pour conserver la bonne sans être austère, il y a un travail à faire sur soi et des limites à ne pas franchir.
Mais les talents n’ont cure de morale bourgeoise. Ils se développent là où ils l’entendent, si bien que la plupart des authentiques dons sont scandaleux sans vraiment le chercher.
Reste qu’il est malaisé de démêler le faux du vrai et la part du scabreux dans ce qui est nécessaire pour le déroulement de l’histoire reste à l’appréciation de l’auteur... et du public.
Les associations de Calliope, Thalie et Eros sont complexes, les genres et les biens de consommation, aussi . Les publicitaires utilisent des images « osées » pour attirer l’attention du consommateur. Le corps est ainsi montré dans son ensemble ou en partie, pour vendre tout et n’importe quoi.

40a.jpg

La publicité de 90 secondes de Manix, la marque de préservatifs, sur TF1 est du genre. Ce spot met en scène des couples faisant l’amour dans toutes les positions classiques. Ils n’ont quand même pas suggéré la brouette tonkinoise de l’arrière-train sifflera trois fois.
Quoique le sujet en lui-même ne soit pas « trahi » par l’image, on ne sait s’il vante le produit pour ses qualités ou si le produit n’est pas l’accessoire dans les deux sens du terme.
Une telle ubiquité d’images sexualisées a des implications sur la conscience de soi dans la société et justifient certaines inquiétudes. La rage de vendre ne poussera-t-elle pas jusqu’au bout la logique du voyeurisme, de l’exhibition et la dégradation des corps ?
La publicité est une institution structurante de la société de consommation puisqu’elle en oriente les valeurs. Les blogs sont en train de le devenir aussi.
Cerner les implications en terme d’enjeux culturels et éthiques devraient conduire à une réflexion d’ensemble. En même temps, la crainte d’être pris pour un cafard de bénitier fait reculer les plus graves critiques.
« Couvrez ce sein que je ne saurais voir » ou « Mon dieu des mœurs du temps mettons-nous moins en peine / et faisons un peu grâce à la nature humaine », c’est Philinte qui a raison de Tartufe.
Pris entre le désir d’audiences et les qualités de celles-ci… comme dirait Malebranche « un doute supérieur plane sur toute spéculation »…
Mais, laissez-en à suggérer quand même… que nous puissions encore rêver.

Poster un commentaire