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Apologie du chômeur.

-On se mobilise pour activer les chômeurs en ce moment.
-Qu’est-ce qu’on leur reproche à ces malheureux ?
-D’être des mauvais exemples pour ceux qui bossent, tiens !
-Evidemment rien foutre énerve les dirigeants et les laborieux.
-Tu te rends compte, si la flemme gagnait tout le monde !
-Les riches iraient faire faire leurs saloperies ailleurs, dans des pays à mains-d’oeuvre dociles.
-Y a pas que les riches qu’aiment le travail, les gouvernements aussi.
-Oui, ils aiment les résultats du travail. C’est beau un travail fini, une œuvre accomplie…
-Oui, oui, un travailleur dans l’effort, la dextérité, le savoir-faire, l’intelligence !
-Non. C’est beau ce qu’il produit et qui se convertit en beaux lingots.
-Les lingots… on quitte pas la fonderie.
-Le travail lourd émeut. Diego Rivera à Detroit…
-Et comment on va les activer, les chômeurs ?
-Joëlle Milquet réfléchit à une motivation humaniste et obligatoire.
-Pour pas que ça fasse trop mal ?
-Pour un résultat qui servirait d’exemple aux foules distraites : spectaculaire, mais indolore.
-Elle n’aime pas faire mal ?
-Le chômeur est un électeur bissextile, un JO de l’urne, si tu veux…
-L’opinion est pour l’activation, séance tenante, avec injures et coups si besoin est !
-Oui, l’opinion n’est pas maîtrisable. Elle fait toujours plus que ce qu’on lui dit de faire.
-Pourquoi ?
-Par zèle.
-L’opinion montre son zèle à qui ?
-A ceux qui lui disent de penser que le chômeur est un profiteur.
-Evidemment, c’est l’arbre qui cache la forêt.
-Bien sûr. Les autres profiteurs passent ainsi inaperçus.
-Donc tu es comme Milquet, tu trouves que le chômeur est un profiteur.
-Oui. Mais un tout petit. Et puis, il peut devenir un emblème. Une sorte de héros !
-Comment ?
-Si les affaires tournent mal, que la crise est trop profonde et que les grands profiteurs se cassent.
-Le chômeur devient le martyr de la société en faillite…
-On l’admire. On chante ses mérites. On trouve que le travail est dégueulasse… polluant…
-Les mêmes qui vantaient les mérites du héros qu’a la silicose, la souffrance, le drame nécessaire de l’amiante, peuvent aussi bien dire que c’est monstrueux, devant une foule en colère, la même, du reste, qui la veille trouvait le chômeur profiteur et paresseux.

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-Oui.
-Pourquoi retourneraient-ils leur veste à ce point, les cadors de la morale ?
-Pour rebattre les cartes et refaire bosser les gens sur de nouvelles bases.
-Je ne comprends pas.
-C’est facile. Les gens ne veulent plus d’un système, il faut bien qu’il y en ait un autre. Or, quel que soit le système, il tourne grâce au travail du plus grand nombre, ce qui dans tous les cas de figure évite aux dirigeants de bosser. On leur donne raison. On invente autre chose. Les gens sont contents. Ils retournent bosser, alors que ce sont peut-être les mêmes qui les cornaquent.
-Ils ne retournent pas au charbon sans une meilleure paie, s’ils ont gagné ! Alors, travaille qui veut avec de bons salaires et des conditions honorables !
-Officiellement, oui. Mais en réalité, tout n’est changé qu’en surface, pour la montre.
-A quoi ça sert ?
-A faire semblant. Les incitations changent, les incitateurs sont les mêmes.
-Ils ont sauvé leurs places !
-Oui. Le peuple est content. Il va bosser et entretient la même répulsion du chômeur parasite.
-Pire encore, puisque dans la nouvelle société, il n’y a plus aucune raison de détester le travail.
-Tout à fait. Ils croient qu’ils ne travaillent plus que pour eux.
-Alors que rien n’est fondamentalement changé. Joëlle Milquet réapparaît sous une autre forme.
-Mais alors, le travail, on ne s’en sortira jamais ?
-Sauf si tu résistes et que t’es chômeur, mon frère…
-Être chômeur volontaire !
-Ainsi tu fais de l’opposition sérieuse. Tu montres que tu n’es pas d’accord et que combine pour combine, tu préfères la tienne et que tu fais plus pour le futur Etat à rester les bras croisés qu’à bosser ou faire semblant de bosser, et qu’enfin, toi au moins, tu sais ce qu’est la liberté. La preuve que t’es dans le vrai, tu fais chier tout le monde : les travailleurs qui n’ont rien compris et les riches qui commencent à déménager les usines, en faisant dans leur froc…
-T’as raison Mimile. La seule façon de leur faire mal, c’est quand tu touches à leur pognon… Des grèves avec les permanents qu’on a, faut pas rêver… Mais si c’est contagieux et qu’ils coupent les allocs à tout le monde ?
-C’est pas pour te faire plaisir qu’ils te paient à rien foutre. Un homme qu’a faim, se fout de tout. Il descend dans la rue pour nourrir sa famille. On peut plus le raisonner. Le compte-gouttes sera jamais coupé, mon Gaston… jamais, parce qu’alors, ce serait tout de suite l’émeute…

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