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Candidat !

-Quoi… tu files encore ?
- Eh oui !
-C’est la troisième fois cette semaine. On devait dîner chez les Justencour !
-Tu peux venir avec moi, si tu veux !...
-Ah non alors ! Merci bien. Tes amis sont cons comme la lune. En plus, ils ne font pas attention à moi. J’irai avec Maynaud…
-Nous y voilà… Tu ne supportes pas qu’on ne te remarque pas…
-Non, c’est plutôt comment ils ne remarquent que toi ?
-Moi, je me présente, je suis candidat…
-Bon d’accord. On va finir par le savoir. Ce que tu leur racontes, ça ne change pas d’une fois à l’autre. Je ferais bien le discours à ta place…
-C’est mon programme. Je n’en ai qu’un. Tu ne voudrais tout de même pas que j’en change tous les jours ?
-Tu pourrais quand même essayer de ne pas trop te répéter ! Tu dis toujours la même chose.
-Oui. Mais à des publics différents.
-Et ceux que tu as autour de toi, ils n’en ont pas marre d’entendre ta musique ?
-Au contraire. Ils me disent que je suis meilleur de jour en jour. Ils apprécient, eux !...
-Franchement, il n’y a qu’eux. Dans les sondages, t’es à combien ?…
-Tu ne vas pas recommencer ?
-En tous cas, ne compte pas sur ma voix.
-Je sais tu me l’as déjà dit.
-Et puis, t’es pas seul… t’as la grande ficelle qui te suit comme ton ombre !
-C’est ma directrice de campagne.
-Ouais. Vous couchez ensemble ?
-Qu’est-ce que tu vas chercher ? Elle est mariée à chose… l’obèse… tu vois qui ?
-Ce que je vais chercher là ? Mais, malheureux, il faut bien que tu aies au moins quelque chose qui t’attire dans ce merdier, pour y aller comme tu y vas.

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-Tu ne respectes rien. Les grands sujets te dépassent. Servir le pays, ça ne te dit rien !
-C’est la meilleure. Ne m’as-tu pas dit que si tu étais resté avocat, tu te serais flingué ?
-C’est vrai. J’avais l’étoffe d’une autre destinée. D’ailleurs, tu peux râler autant que tu veux, tu m’aurais épousé, si j’étais resté au barreau à défendre des criminels sans le sou ?
-Tu sais bien que non. Entre-nous, tu t’es assez moqué des vieux du parti qui t’ont demandé de te présenter à la députation la première fois.
-J’en conviens. Ils n’étaient pas représentatifs du peuple…
-Tandis que toi tu l’es ?
-J’ai fini par croire à ma mission !
-Franchement, c’est la meilleure ! Monsieur est redevenu comme il faut !... Il a fini par croire à sa mission ! Je rêve !
-Oui. Et alors, ça te gêne ?
-Personnellement je m’en fous. Je vais te dire, tu as intérêt à la poursuivre, ta mission, si tu veux garder ton standing, tes papiers coupe-file, tes bagnoles, tes entrées... moi !
-Tu ne penses qu’à toi !
-Admettons. Tu sais bien que je ne resterai jamais avec un pauvre.
-Je ne le suis plus !
-C’est pour ça que je te dis de faire attention !
-Attention à quoi ?
-Tu m’inquiètes. Je sens que tu va finir par être sincère !
-Quel mal y aurait-il ?
-Tu ne vois pas que ceux qui croient à ce qu’ils disent sont des tocards qui n’arriveront jamais à rien ? Toi t’étais bien parti. Tant que tu restes froid, comme en-dehors de la connerie générale, tu es lucide. Tu raisonnes bien. Comme tu y vas là, on voit bien que tu n’es pas loin de déconner comme tout le monde.
-Mais bibiche…
-T’as vu la gueule de Maynaud la semaine dernière au restaurant, après ta sortie sur l’amour nouveau que tu voues à la patrie ?
-C’est un ami. On profite de son yacht quand on veut. On vole en privé et t’as vu combien les deux cent mille euros qu’ils nous placent ont rapporté cette année et ce n’est qu’un début… on va lui en refiler trois fois plus dans quinze jours…
-T’es trop con, à la fin. Je voulais te dire un truc après la campagne, quand tu auras fait plouf dans l’urne… et qu’il faudra vivre avec tes revenus de député… Maynaud était d’accord aussi… C’est fou comme tu comprends rien… et dire que tu veux faire président !...
-Quoi, qu’est-ce que tu me chantes ? Ça ne peut pas attendre ? Je suis pressé, je te signale…
-Dans le fond, t’as raison… Vas-y défonce toi. T’as beaucoup de retard si tu veux finir honnête… Et puis pour te consoler t’auras toujours la grande ficelle pour te faire croire que t’es le plus beau… Après la campagne, ça sera plus dur… Je crois qu’elle y arrivera quand même, quand tes amis se seront débinés !
-Je pense à beaucoup plus que 30 %… les sondages, tu sais…
-T’en sortirais avec 49,5 que ce serait pareil…
-Je suis pressé. Je me casse…
-C’est ça !... T’oublie ton discours…
-Il est dans la boîte à gants et puis je le connais par cœur…

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