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Hugo et le suffrage universel.

On n’a pas fait mieux qu’Hugo dans l’analyse des régimes électoralistes. Le bougre, il avait tout pressenti, il y a près de cent cinquante ans !
Le scrutin est le seul acte décisionnel d’une vie d’électeur. Il doit trouver dans ce moment de non-intelligence, un summum après lequel rien n’est comparable. Ceux qui espèrent le vent favorable pour se passer de lui, prennent la pose sur les panneaux réservés à la campagne électorale. Les candidats, sitôt victorieux, se saisissent des urnes et les remisent au placard avec les électeurs, pour un sacré bout de temps.
Le vote ne peut pas être à lui seul l’acte délivrant un blanc-seing aux élus.
Il l’est cependant, rendant tout le système inapte aux principes et aux choses.
Cette action ne dit rien en soi de la qualité de la démocratie.
On vote aussi dans certaines dictatures. Le bourrage des urnes est une pratique courante dans les démocraties. Plus le pouvoir est partagé par des partis, plus il est conservateur. C’est en Belgique que la farce est la plus évidente. La gauche y est toujours perdante.
C’est un vote démocratique qui a permis à Hitler de devenir chancelier.
Le désastre était probable, mais les apparences étaient sauves.
Voilà Victor Hugo qui s’enflamme sur ce concept de suffrage universel : « L’empire moral de la majorité se fonde en partie sur cette idée, qu’il y a plus de lumières et de sagesses dans beaucoup d’hommes réunis que dans un seul, dans le nombre des législateurs que dans le choix. C’est la théorie de l’égalité appliquée aux intelligences… Qu’est-ce donc qu’une majorité prise collectivement, sinon un individu qui a des opinions et le plus souvent des intérêts contraires à un autre individu qu’on nomme la minorité ?
Or si vous admettez qu’un homme revêtu de la toute puissance peut en abuser contre ses adversaires, pourquoi n’admettez-vous pas la même chose pour une majorité ? Les hommes en se réunissant ont-ils changé de caractère ?... Pour moi, je ne saurais le croire ; et le pouvoir de tout faire, que je refuse à un seul de mes semblables, je ne l’accorderai jamais à plusieurs ».
Seule est importante la qualité de la décision. C’est elle qui crée sa vraie légitimité.
La respectabilité du quantitatif n’est acceptable que parce qu’elle est de qualité. Lorsqu’elle ne l’est pas, la démocratie devient aussi détestable que la dictature d’un seul individu ou d’une famille d’individus. Aujourd’hui, la démocratie est détestable en Grèce et en Espagne, en attendant d’autres pays d’Europe.

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L’électoralisme est un poison délétère qui secrète une démocratie sans qualités.
Le peuple n’est plus qu’un élément statistique et qui est pris comme tel par le pouvoir.
Le très controversé Alain Badiou écrit pourtant une réflexion là-dessus qui mérite l’attention « Je dois vous dire, que je ne respecte absolument pas le suffrage universel en soi ; cela dépend de ce qu’il fait. Le suffrage universel serait la seule chose qu’on aurait à respecter, indépendamment de ce qu’il produit. Et pourquoi donc ? »
L’illusionniste Delpérée, dans son parcours au CDH, quand il donne son cours aux micros des télévisions ferait bien de s’inspirer de Daniel Bensaïd « Ce défi envers la loi du nombre et du suffrage rappelle à juste titre qu’une majorité numérique n’est jamais preuve de vérité ou de justice. Mais il ne dit rien de la convention sociale et du formalisme juridique sans lequel le droit est réduit en permanence à la force et le pluralisme à la merci de l’arbitraire de chacun ».
Si l’on excepte Badiou, Hugo et Bensaïd sont pourtant des fervents défenseurs du suffrage universel.
Ils s’accordent à penser que même si l’on demande au plus humble son avis sur la question des chefs, une fois de temps à autre, c’est un début.
Si je puis me permettre, ce début a près de cent ans en Belgique, puisque ce mode de scrutin a remplacé le vote censitaire.
Il y a des débuts, décidément, qui n’en finissent pas de débuter.

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