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Ah ! les enfoirés…

Les êtres pusillanimes et veules que nous élisons, ne peuvent priver les minorités de penser autrement... pas encore !
Nous ne sommes pas encore revenus à la pensée unique et à l’interdiction de contester la politique de ce pays, même si des avocats enturbannés réfléchissent à pénaliser le blasphème.
Mais, conserver une originalité personnelle fait courir le risque d’attraper la nausée et ses dérives mortifères.
Quand on écrit que ceux qui cassent l’outil plutôt que le céder, et qui militent à droite pour retirer le pain de la bouche des chômeurs, que fait-on?
La première strophe de la poésie d’Aragon (le roman inachevé) pose à chaque révolté un problème de fond :
« Je traîne après moi trop d’échecs et de mécomptes
J’ai la méchanceté d’un homme qui se noie
Toute l’amertume de la mer me remonte
Il me faut me prouver toujours je ne sais quoi
Et tant pis qui j’écrase et tant pis qui je broie
Il me faut prendre ma revanche sur la honte… »
Ce droit au dégoût et à la férocité est la dernière épreuve des démocraties .
Ce n’est pas encore le dégoût d’Antoine Roquentin (la Nausée), mais c’est l’impasse clôturée par un haut mur.
Il n’y a plus d’issue. Les salauds restent des salauds et, peu à peu, on s’incorpore à cette merde puisqu’on est dedans et qu’on y stagne avec eux.
Mieux, comme tout fait nombre, on est compté pareil, statufié en patriote, pétri dans l’amour imbécile du travail, gravé dans le marbre notre supercherie à côté des autres supercheries, Belge, en quelque sorte, et fier de l’être, puisque les autres le sont qui ne vous demandent pas votre avis.
On aura beau se récrier « pas moi », implorer d’être rejeté des statistiques, rien n’y fera, pour la raison bien simple qu’entre salauds, on ne s’écoute pas, on n’existe pas. La turpitude dans laquelle les salauds baignent leur donne au contraire l’illusion qu’ils sont justes et bons et que ceux qui pensent le contraire sont les seuls salauds.

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Dans l’Ancien régime, dont le nôtre n’est plus loin, quand la barbarie se manifestait, elle était immanquablement du côté de l’injustice. Aujourd’hui, elle est incorporée dans la légitimité. La population approuverait que le gouvernement fasse appel aux forces policières, si une émeute de la faim éclatait, par exemple dans le bassin de Charleroi. Ce n’est pas nouveau. Lors des grèves de 60-61, les gendarmes ont tiré dans la foule qui réclamait un meilleur sort. Deux passants furent tués, immédiatement catalogués « émeutiers ». A l’exception de quelques rares parutions, tous les journaux approuvèrent le tir des gendarmes. Le journal La Meuse titra toute sa haine des travailleurs qui n’acceptaient pas leur rang d’esclaves sociaux.
On entrait dans l’ère moderne du « marche ou crève ».
Les libéraux et la social-démocratie se faisaient la main.
Il y aurait donc un droit à la férocité, à la haine, comme il y a un droit à l’égalité. C’est même un moyen d’équilibrer les chances de ne pas être discriminés d’un bord à l’autre, un rééquilibrage, en quelque sorte dans la répartition de la barbarie.
A la différence des dictatures, la démocratie apporte dans son contrat collectif, la liberté d’expression et d’action du citoyen.
Cependant les démocraties font l’expérience d’une autolimitation qui n’est pas toujours justifiée. L’expression n’est déjà plus libre tout à fait, les lois en cascades n’affirment l’autorité du législateur que pour le départager d’une autorité économique supérieure à la sienne.
Pour la minorité qui est sous la domination d’un corps politique professionnel organisé en corporation et déjouant les pièges du suffrage universel, pour se faire réélire jusqu’à la retraite, ce n’est pas courir vers une maîtrise satisfaite de son identité, mais au contraire renoncer à être soi-même, incorporé dans une majorité aveuglée et trompée.
Bon ! Ce sont des usurpateurs et des salauds qui nous dirigent. Ils ne sont guère intelligents, même s’ils le paraissent. Ils ont l’instinct nécessaire pour atteindre à la pérennité de leur entreprise. Ils subjuguent une majorité de citoyens pour les conduire à tout hasard où ils ne savent pas eux-mêmes. L’essentiel pour eux, c’est de conduire, peu importe qui. Ce faisant, ceux qu’ils conduisent leur doivent obéissance par le jeu d’une légitimité incontestée, tant qu’on ne découvre pas qu’elle est contestable.
Et après, on est toujours dans l’impasse et dans le même merde !
Voilà l’insolubilité de la quadrature !

Commentaires

Je suis toujours surpris par votre érudition et par le contenu de vos articles que je lis chaque jour, maintenant depuis quelques années..,en ce qui concerne cet article et la "grande grève" de 60-61, il y a eu plus de deux tués et si c'est exact pour le journal "LA MEUSE" qui a d'ailleurs méritoire-ment reçu les pavés des grévistes, un journal à l'époque se tenait du côté des travailleurs et c'était "LE MONDE DU TRAVAIL" qui a disparu assez rapidement faute de sponsors publicitaires...Bonne journée mon cher Monsieur W.

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