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Soyons Zemmour !

Il faudra me résoudre à évoquer le cas d’Eric Zemmour.
Ça me gêne à cause de la publicité gratuite qu’on lui fait, sans le chercher vraiment. Son dernier opus « Le suicide français » n’a pas besoin de ça pour s’arracher comme des petits pains. Pour quelqu’un que je n’aime pas, voilà que je m’apprête à le défendre à mon tour.
Natacha Polony a raison avec Voltaire, tellement cité que je n’en dirai pas plus.
Mais comment, tout en lui laissant dire tout et n’importe quoi, argumenter contre ce que balance ce pamphlétaire ? Il a l’oreille des foules. On se bouscule pour entendre ce qu’il dit et pour voir son petit museau mi-apeuré, mi-jovial, se faufiler là où il a une ouverture.
Il y a une différence de traitement pour l’opposition intelligente, celle qui n’est ni pro Zemmour, ni avec les antis. Elle n’a pas de tribune et on ne la perçoit pas ! En gros, Natacha Polony s’en est faite la porte-parole, sans le vouloir. Elle est la seule des opposants qui ait compris, en n’aboyant pas avec la meute.

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Les deux camps sont aussi dangereux l’un que l’autre.
Zemmour nous renvoie à sa propre caricature d’islamophobe, d’homophobe et de misogyne.
Et ses adversaires irréductibles me font souvenir des paroles prophétiques de Kant, que je préfère à celles de Voltaire « Instaurer ou vouloir instituer un tribunal des consciences dans ce monde-ci, et vouloir surtout que ce tribunal rende des sanctions, ou prenne des décisions dans le domaine de la morale, cela constitue le ferment de toutes les formes de despotisme ».
Ce que Kant n’avait pas prévu, c’est l’indéniable percée de la sottise dans l’engouement populaire pour et contre Zemmour. C’est aussi le syllogisme permanent qu’est Zemmour qui balance une vérité, accompagnée aussitôt d’une autre, pour en arriver à la connerie finale du genre « un cheval bon marché est cher », ou bien c’est l’évidence tellement plate qu’on en reste soufflé « Tous les hommes sont mortels, or Socrate est un homme, etc. »
Je dirai qu’il faut préserver Zemmour, parce que Zemmour est un symbole de ce qui arrive à la société dans laquelle nous vivons de plus en plus mal. Avec lui, nous atteignons des sommets de perplexité. Il brouille les esprits, parce que naturellement les esprits sont brouillés et n’ont pas besoin de Zemmour pour l’être. Mais en même temps, nous sentons bien que dans le raisonnement de Zemmour, il y a quelque chose qui cloche. L’âme d’airain a une fêlure et sa musique est discordante.
C’est pourquoi il est utile. Il donne à réfléchir. La réflexion aujourd’hui est ce qui manque le plus. Sous le philosophe, après avoir gratté, on trouve le pitre. Alors tout s’éclaire et il nous amuse, après nous avoir inquiétés.
Aussi dangereux sont les cafards en face qui agissent pour que disparaisse le bouffon de Marine, avant qu’il prenne sa place sur le trône, comme si cela pouvait être un jour !
Ils sont plus nuisibles que Zemmour parce qu’ils veulent le faire taire et interdire son business, sous prétexte qu’il pourrait être dangereux pour les esprits faibles. Le comble, c’est que les opposants à Zemmour ont fait tout pour que les esprits restent faibles, afin de les dominer. Ce qu’ils font d’ailleurs. Mais la concurrence les trouble. Ils adoreraient être seuls à balancer aux alentours des contrevérités, aussi pernicieuses que celles du camp d’en face.
Ils sont surtout attachés à détruire toute contradiction qui mène à l’esprit critique, donc à courir le risque de se voir critiquer aussi.
C’est Kant, encore, qui aura le dernier mot « Malheur au législateur qui voudrait établir par la contrainte une constitution à des fins éthiques, car non seulement il ferait ainsi le contraire de cette constitution, mais de plus il saperait sa constitution politique et lui ôterait toute solidité. »
On en a déjà trop fait dans les interdictions – même si les idées sont mauvaises – dans cette société à la dérive. Le législateur en entrant chez les gens et en lisant dans les consciences pour prêcher la « bonne » parole et interdire la séditieuse, est le premier acte terroriste qu’une vraie démocratie aurait à combattre.
Laissons donc Zemmour s’exprimer. Si nous le voyons répandre des idées contraires aux nôtres, combattons-les avec des arguments et non des injures.
Seuls obstacles à la parité, nos idées auront moins de retentissement, donc resteront inaudibles.
C’est là l’appropriation de Zemmour et l’injustice dont il bénéficie.
C’est un tambour qui s’entend de loin, mais ce n’est jamais qu’un tambour.

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