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Storytelling et récup…

C’est le must, raconter une histoire dans la média-attitude, le storytelling, c’est avant tout dire des craques de façon amusante. Le grand public s’est habitué à une nouvelle forme de mensonge généralisé, dont certaines chaînes de télévision surtout américaines font leur spécialité, là où l’information, la moins sujette à la frivolité, finit dans l’anecdote.
Dans le genre lourdingue, le tifo déployé au Standard Football club, montrant Dufour décapité, est un raccourci de ce qu’on fait de mieux dans le genre. On voit jusqu’où ça peut aller.
Les pouvoirs lancent leurs rhizomes souterrains du marketing avec le but de propager une orientation d’idées. Le champignon vénéneux éclot sous la plume de journalistes incompétents ou trop bien payés. Le grand public l’ingère à la télé, à la radio ou dans les journaux. Le tour est joué. Si le bouteillon tourne mal, c’est tout le monde, donc, personne !
La finalité n’est pas rigolote du tout. Elle sert, ni plus ni moins, à modifier les comportements en pénétrant les esprits en profondeur. Les modes de raisonnement, touchant directement à la culture et aux idéologies seront ainsi modifiés subrepticement et sans que l’individu en prenne conscience.
Le storytelling est la forme de propagande contemporaine capitaliste la plus évoluée. Elle crée des consommateurs et des citoyens à l’image de ceux qui les gouvernent. La psychose des attentats et une peur généralisée est son œuvre. Dans l’immédiat, on en voit tout l’intérêt dans les moyens de contrôle accrus de la population, que le citoyen lui-même, plébiscite.
Ainsi s’inverse la croyance qu’en démocratie c’est le citoyen qui détermine les programmes de gouvernement. Aujourd’hui, c’est le gouvernement qui dicte son orientation au citoyen par le truchement du storytelling.
Admettons qu’une insurrection éclate à propos de nouvelles restrictions. Le ministre de l’intérieur utilisera les lois pour la répression du terrorisme pour la mater. On voit que ces lois ne sont pas anodines. C’est un peu de souveraineté populaire que l’on perd à chacune d’entre elles.

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L’art de raconter des histoires a dépossédé les citoyens de leur pouvoir de jugement. Un autre exemple : la dette. Le pouvoir est parvenu à nous culpabiliser de sa propre incapacité à diriger l’État. Handicapé par les notions de profit et ses liens directs avec les puissances d’argent, le pouvoir nous contraints de parler de responsabilité et même de morale à sa place ! C’est comme si un patron ayant mis à mal son entreprise par son salaire excessif et une mauvaise gestion disait à son personnel « Voyez où vos excès nous conduisent » !
La nécessité du peuple à reconquérir la narration et les moyens d’expression sont nécessaires. Hélas ! il n’y a presque plus de journaux indépendants, de télévisions (y en eût-il jamais une ?) où n’entrent pas des intérêts privés et publicitaires. Le peuple a les mains vides et les subsides qu’en son nom le pouvoir distribue à une presse anémique vont naturellement à ceux qui lui nuisent le plus.
Le storytelling se complexifie en différents niveaux de signification à travers des formes variées médiatiques. On voit très bien qu’annoncé ainsi sommairement, n’importe quel spécialiste d’un média spécifique n’aurait pas de mal à contredire ce qui précède ; mais, la nuisance ne produit ses effets maximums que lorsque tous les storytelling’s fusionnent en se recoupant anonymement et pour ainsi dire « innocemment ».
Et cette convergence ne relève plus d’un spécialiste quelconque, mais d’un sociologue et d’un philosophe.
Nous vivons sur un mode de mise en récit propre aux sociétés occidentales marquées par l’individualisme. S’il n’y a pas un seul pouvoir centralisateur qui se diffuserait aux instances politiques et aux médias, il existe tout de même une idéologie centralisatrice de laquelle s’inspirent tous les laborants du storytelling.
Les moyens « neutres » qui résistent à l’idéologie centralisatrice sont eux-mêmes infiltrés par des agents du système, sous des formes organisatrices, voire les rubriques « opinion des lecteurs » et les émissions politiques auxquelles assiste le citoyen lambda « témoin » invité.

Commentaires

Excellent, papier, mon bon Duc. Mais un poil inaccessible. Soyez bon prince et faites preuve d'un peu de pédagogie, et vous parviendrez à rallier un peu plus de monde.

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